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Mostafa El Khalfi présente les nouveaux cahiers des charges de la SNRT et de 2M : Les dangers de l’instrumentalisation politique des télévisions


Narjis Rerhaye
Lundi 2 Avril 2012

En présentant vendredi 30 mars à Rabat les nouveaux cahiers des charges de la SNRT et de SOREAD 2M, Mostafa El Khalfi, le ministre  PJD de la Communication, a fait  bien plus qu’exposer la démarche participative suivie pour leur élaboration.  En présentant « la vision scientifique », inspirée d’expériences internationales –l’ancien directeur d’Attajdid est un inconditionnel de la BBC et de la télévision irlandaise-  en multipliant les références d’ailleurs notamment française, américaine et canadienne, Mostafa El Khalfi a donné à voir ce que seront les médias publics sous l’ère d’un gouvernement conduit par les islamistes du PJD. L’entreprise est, on l’a compris, éminemment politique. Et ce vendredi, le ban et l’arrière-ban pjdiste a fait le déplacement à la Bibliothèque nationale pour assister à la cérémonie de présentation. Pas moins de 4 ministres du parti de la lampe –dont le numéro 2 Abdallah Baha- étaient là, venant appuyer plus une démarche  politique qu’une vision « scientifique » axée sur les seules attentes du télespectateur marocain
En arrivant à la tête du ministère de la Communication, le dirigeant islamiste s’est fixé comme principal objectif de se « réapproprier » les médias publics. L’une de ses premières batailles a été d’ailleurs d’ajouter à ses attributions de locataire du département de la Communication le suivi des cahiers des charges. Le message est très vite apparu : c’est à travers la télévision que les islamistes du PJD entendent cristalliser le changement. C'est-à-dire une nouvelle manière de faire, correspondant à une grille de valeurs spécifiques à une formation politique qui n’hésite jamais à emprunter le chemin glissant de la morale et de la vertu.
La télévision doit-elle être un instrument politique au service d’une vision ? Vendredi, Mostafa El Khalfi ne s’en cachera pas : cet Exécutif, dira-t-il en substance, peut faire la différence.  « Ce gouvernement a été élu par le peuple. Les télévisions appartiennent au peuple qui doit s’y reconnaître.  Et c’est au peuple que nous avons des comptes à rendre », ajoutera-t-il. Décryptée, la déclaration toute ministérielle peut vouloir dire que le ministre de la Communication et ses services sont prêts à mettre la main à la pâte. Ce faisant, M. El Khalfi s’expose dangereusement à la tentation de quitter son habit de ministre pour celui de responsable de la programmation sans pour autant que le peuple ait voté en faveur d’une telle perspective….Toujours est-il que le porte-parole du gouvernement se veut rassurant : «Ce qui liera désormais les médias publics au pouvoir exécutif, c’est la Constitution ». Drapé de constitutionnalité, l’interventionnisme peut-il avoir un goût différent ? Pas si sûr…  Mostafa El Khalfi a fait de la Constitution son livre de chevet. En a-t-il fait aussi une sorte de cheval de Troie qui permettra à un certain courant de pensée de  s’introduire et s’installer confortablement dans les médias publics afin de formater les mentalités et les opinions ? Ils sont en tout cas de plus en plus nombreux à se poser la question et à relever que la télévision est d’abord et avant tout une affaire de professionnels. Ce que M. El Khalfi n’a en aucun moment dit dans son très long exposé d’une heure et demie.

De l’identité à la diversité
C’est sur la base de trois grandes dispositions  constitutionnelles – l’identité marocaine, les droits et libertés et la bonne gouvernance- que les nouveaux cahiers des charges de le SNRT et SOREAD 2M ont donc été élaborés.  Le principe est tout à fait glorieux et il n’y aurait pas matière à faire un procès en sorcellerie au successeur de deux hommes de gauche Khalid Naciri et Nabil Benabdallah. Sauf que cette lecture de la Constitution peut se faire de manière étroite et conduire à l’adoption d’une politique audiovisuelle favorisant le repli sur soi. Mostafa El Khalfi a raison de faire traduire à la télévision le principe de l’identité marocaine. Il a aussi raison de défendre les langues officielles qui sont l’arabe et l’amazigh. Il ne se trompe pas non plus en voulant faire véhiculer les autres dialectes de chez nous. Mais en intervenant directement sur la grille des programmes en demandant, par exemple, que le JT de langue française de 2M, diffusé à 20h45, soit remplacé par une édition arabophone « pour des raisons politiques», le ministre de la Communication n’est-il pas, en plus de faire de la programmation sans le savoir, en train de s’adonner à une lecture identitaire étroite et étriquée. En citant abondamment l’exemple français et son « made in France », le porte-parole du gouvernement ne se dédouane pas. L’identité a toujours été dans le pays de la déclaration universelle des droits de l’Homme une thématique privilégiée de partis « nationalistes » au même moment où le CSA français a fait de la diversité un grand principe audiovisuel.
Quelques grands principes ont été également retenus.  Comme celui de faire de 2M une télévision de proximité où les documentaires et autres émissions d’investigation seront renforcés. Arrabia, l’une des chaînes thématiques de la SNRT, va se transformer en chaîne culturelle, « la maison des artistes ». Al Maghribya sera, elle, une télévision d’informations en 4 langues alors que le projet de télévision de la famille et de l’enfant est sérieusement étudié.  Le politique n’est pas en reste. Le ministre de la Communication a décrété la réconciliation des Marocains avec la chose politique, probablement en portant le PJD au pouvoir. Désormais, et conformément aux nouveaux cahiers des charges, Al Oula et 2M sont invités à organiser trois  débats politiques hebdomadaires chacun. En ces temps de crise et de vaches maigres, toute la question est de savoir si ces deux télévisions disposent des ressources humaines et financières pour se lancer dans l’aventure, certainement passionnante, du débat politique quasi-quotidien.  Ce vendredi 30 mars, Mostafa El Khalfi a remercié beaucoup de monde. Le PDG de la SNRT, les directeurs, les ministères, l’IRCAM, le CNDH, les artistes, les boîtes de production… Près de 35 organisations et institutions qui ont collaboré étroitement avec le ministère de la Communication pour élaborer ces nouveaux cahiers des charges entrés en vigueur le 31 mars. Une mention spéciale a été faite au Conseil supérieur de la communication audiovisuelle que préside Ahmed Ghazali. Les Sages avaient, la veille de la grand- messe de présentation officielle, approuvé les nouveaux cahiers des charges de la SNRT et de SOREAD 2M. Les sages ont d’ailleurs été investis d’une nouvelle mission. Le ministre de la Communication leur a demandé de mettre en place les normes du pluralisme associatif, exactement comme cela avait été fait pour les partis et les syndicats. « Ce sont toujours les mêmes associations qui passent à la télévision et on ne voit jamais les autres », s’est plaint Mostafa El Khalfi, oublieux du fait que plus  de 60.000 associations ont pignon sur rue dans notre pays.  


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1.Posté par Assou OU OUCHEN le 02/04/2012 20:56
Au delà des cahiers des charges prévus d'ailleurs par la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle et du fait qu'il s'agit d'une batterie d'obligations à mettre sur le dos du service public audiovisuel national en contrepartie des dotations fincières qui lui sont allouées , le véritable problème qui doit susciter un débat national est celui de l'idependance de ce service vis du pouvoir politique,
dans le contexte présent , ce débat ne sera que métaphore du moment que tous les partis poltique voient en les médias audiovisuels un outil de propagande alors que les attentes unanimes des citoyens sont releguées au derniers rangs des priorités des gouvernements.

En effet , il faut attendre un niveau supérieur de maturité des approches politiques des gouvernements, loin des tapages médiatiques de l'esprit de "reclame" des penchant ideologiques souvent souffrant du manque de consistance identiataire ( celà est également valable pour les ideologiques islamistes vacillant entre fanatisme réactionnaire et modération libérale flirtant avec la laïcité conservatrice ) pour pouvoir mettre sur le tapis la problématique d'independance des médias vis à vis des pouvoirs poltiques

le débat est actuellement amorcé en occident et l'équation des financements débloqués par les gouvernement en plus des prérogatives qui leur sont reconnues en matière de nomination des dirigeants demeure indéchiffrable.

2.Posté par Noureddine le 05/04/2012 15:41
Depuis quand un ministre se substitue au directeur de la programmation ?
Parait-il que les journalistes ont découvert cela dans la presse. De quelle démarche participative parle-t-il? De quels remerciements et à qui ? Quelle honte!

3.Posté par Karim le 08/04/2012 14:55
Je ne suis ni PJDist ni Islamiste mais chapeaux à Monsieur le Ministre. La honte c'est que fait 2M. 2M a deux choix: se pelie aux demandes legitimes et legales du ministere ou retourner l'argent publique.

4.Posté par ASSOU OUCHEN le 09/04/2012 19:31
il faut noter que 2M n'a intégré le pôle public que recemment puisqu'elle a été depuis sa création une chaîne privée ( l'Etat marocain, la SOREAD une appendice de la SOFERAD et autres actionnaires) actuellement n, elle tout juste à son deuxième cahier des charges , et qui dit cahier des charges, dit auomatiquement le choix que tout gouvernement assigne aux entreprises publiques ou aux concessionnaires du service public en général.

Il est certain que l'organe de gestion de 2M est dans l'obligation d'executer dans le respect total son cahier des charges, car il n'a pas capacité juridique de substituer au Gouvernement.

Donc , il est déplacé de personnifier les décisions de tout un gouvernement en une seule personne, en l'occurence Mr le Ministre de la Communication qui assume au même titre la mission de porte parole du Gouvernement.

Nous sommes , ou nous espérons du moins l'être effectivement, dans un Etat de droit , les cahiers charges sont loin s'être une constitution , il ne sont même pas une petite loi comme disent les juristes français, et par voie de conséquence, ils sont passibles de recours devant la justice pour annulation en cas de conflit avec les principes fondamentaux constitutionnel et le Gouvernement n'aura aucun echappatoire pour ne pas se plier aux décisions du pouvoir judiciaire.

pour ce qui est du contenu des programmes télévisuels , de partout dans le monde, leur appréciation n' a jamais été unanimes :
1/ les gouts sont différents et totalement subjectifs
2/ La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a, nos artistes sont ce qu'il sont et ne peut leur reprocher d'être des francis ford coppola ou des jean truffaut ou youssef chahine.

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