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Accélération notable
D’après ce dernier, le PNAEPI 2020-2027,a fait l’objet d’une accélération notable de ses objectifs à mi-parcours. A ce propos, il a indiqué que « le programme a évolué en incluant un nouveau volet visant la construction de 150 barrages supplémentaires d’ici 2028, en partenariat avec le ministère de l’Intérieur et les autorités territoriales». Et d’ajouter que «le rythme de réalisation s’est accéléré, avec 16 barrages programmés, dont plusieurs déjà en chantier. Cette dynamique vise à augmenter la capacité nationale de stockage de 4 milliards de m³, s’ajoutant aux 20,5 milliards de m³ actuels, soit une augmentation de près de 20% de la capacité de rétention».
En parallèle, entre 40 et 44 barrages de petite et moyenne taille sont programmés en coopération avec les conseils régionaux. Cette orientation va dans le sens d’une hydraulicité de proximité, essentielle pour répondre aux besoins en eau potable et irrigation dans les zones rurales éloignées, souvent marginalisées dans les politiques hydrauliques centralisées.
L’un des volets les plus structurants du programme concerne la connexion entre les bassins d’Abou Regreg et d’Oum Er-Rbia. Ce transfert interbassins permettra, selon toujours le ministre, de réorienter 800 millions de m³ d’eau qui se perdaient jusqu’ici dans la mer, pour les affecter à un bassin en stress hydrique chronique. Le barrage Massira, en particulier, bénéficiera de cet apport, ce qui pourrait en partie réduire la pression sur les nappes phréatiques et réhabiliter les périmètres irrigués en aval.
Problèmes structurels
Si ces mesures semblent indiquer une volonté de renforcer la gouvernance hydraulique, selon plusieurs experts, ces derniers estiment, cependant, que la multiplication des projets de barrages pose plusieurs problèmes structurels. « D’abord, elle perpétue une logique d’infrastructure lourde héritée des politiques hydrauliques centralisées du XXe siècle, au détriment d’approches alternatives plus durables telles que la gestion de la demande, la réutilisation des eaux usées ou encore la recharge des nappes phréatiques », expliquent-ils.
Et de poursuivre: «Cette fuite en avant infrastructurelle occulte les limites écologiques et sociales de la multiplication des barrages: fragmentation des écosystèmes fluviaux, déplacement des populations rurales, concentration des ressources au profit des grands périmètres irrigués, et risques accrus de conflits d’usage en période de pénurie. Autant de dimensions qui ne semblent pas être prises en compte dans la rhétorique triomphante entourant l’expansion du PNAEPI».
En somme, ils soutiennent que «si l’évolution du programme témoigne d’un certain volontarisme institutionnel, elle ne saurait masquer les contradictions d’une politique de l’eau encore largement dominée par une vision productiviste, peu adaptée aux impératifs d’adaptation climatique et de justice hydrique».
S’agissant de la mise en œuvre de transferts interbassins, présentés comme des solutions stratégiques pour pallier les déséquilibres régionaux en matière de ressources hydriques, les spécialistes considèrent que «derrière cette opération d’ingénierie hydrologique se cache une approche techniciste à courte vue, qui privilégie la captation et la redistribution de volumes d’eau sans remettre en cause les modèles de consommation intensifs, en particulier dans l’agriculture irriguée. Le risque est d’accentuer une spirale extractiviste, dans laquelle chaque solution à la pénurie ne fait que repousser les limites écologiques sans modifier les causes structurelles du stress hydrique: monocultures gourmandes en eau, urbanisation non planifiée, pertes colossales dans les réseaux, ou encore absence de mécanismes de tarification incitative».
De surcroît, précisent-ils, les transferts interbassins posent des problèmes d’ordre éthique et écologique. Ils modifient les équilibres hydrologiques naturels, affectent les écosystèmes côtiers et marins, et créent de nouvelles formes d’injustices spatiales: les bassins «donateurs» voient leurs flux détournés sans bénéfices clairs pour les populations locales, tandis que les zones bénéficiaires continuent à consommer sans remise en cause de leurs modèles de développement. Cette logique est d’autant plus discutable qu’elle s’inscrit dans un contexte où les zones humides, estuaires et deltas, déjà menacées, risquent de s’appauvrir davantage.
Efficacité à démontrer
Par ailleurs, ajoutent-ils, l’efficacité réelle de ces mégaprojets reste à démontrer. L'expérience internationale montre que les transferts d’eau sont coûteux, énergivores, et souvent incapables d'assurer une réponse durable en période de sécheresse chronique. A cet égard, l’annonce des bénéfices escomptés pour le barrage Massira apparaît davantage comme un élément de communication politique que comme une solution fondée sur des scénarios hydrologiques robustes intégrant les effets du changement climatique. «En définitive, les transferts interbassins, tout comme la multiplication des barrages, traduisent une vision centralisatrice et ingénierique de la gestion de l’eau, où la nature est considérée comme une ressource mobilisable à volonté, et non comme un système vivant à préserver.
Cette approche, si elle n’est pas corrigée par une réflexion systémique et participative, risque de repousser les limites au lieu de les repenser, et de renforcer les vulnérabilités sociales et écologiques à moyen terme», estiment-ils.
«En somme, concluent-ils, le PNAEPI 2020-2027, dans sa phase actuelle de redimensionnement, affiche des résultats prometteurs en matière de mobilisation des ressources hydriques et de modernisation des infrastructures. Mais sa réussite à long terme dépendra de sa capacité à conjuguer efficacité hydraulique, équité territoriale et soutenabilité environnementale. Une évaluation plus fine, à travers des indicateurs qualitatifs et quantitatifs consolidés, devra être conduite à la clôture du programme en 2027, pour en tirer des enseignements durables ».
Hassan Bentaleb