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Des cadres marocains de France en visite au Maroc : Randonnée de repérage fructueuse à Taza


M’Hamed Hamrouch
Lundi 26 Avril 2010

Ils ont fait en France de brillantes études en économie, médecine, psychologie … Ils n'ont pas oublié la région où la plupart d'entre eux sont nés : Taza. « Ils », ce sont des cadres marocains de la région de Rhônes-Alpes. Lundi 19 mars, ils étaient une dizaine à s'être donné rendez-vous au centre-ville de Fès, point de départ d'une aventure où rien n'a été laissé au hasard. Une feuille de route réglée comme une horloge. Programme de rencontres et de visites ajusté à la virgule près. De mémoire de voyageur, rarement un déplacement aura été si bien préparé.  Seule crainte à pointer au tableau ce jour-là, le risque d'intempéries. Mais voilà, risque zéro. Le ciel était complice de ce voyage passionnant.  A huit heures, devant l'hôtel Volubilis, le convoi était fin prêt. 8H30, Abdeslam Hoummada, un natif de Taza, ouvre la marche. Derrière, Fès n'était pas encore sortie de sa torpeur matinale. Devant, un impressionnant spectacle naturel défile sous le regard émerveillé des voyagistes. Le soleil émergeait de quelques nuages projetant au loin ses filets lumineux, formant comme des nimbes autour des majestueuses cimes du pré-Rif et du Grand-Atlas. Les véhicules empruntant l'axe Fès-Taza donnaient l'impression de faire du ski à chaque détour routier. A peine sorte-t-on d'un virage que l'on aborde le second. « 7000 véhicules traversent cette route par jour », lance Abdeslam Hoummada. « Seulement, ce trafic ne profite pas à Taza », dit ce physicien de son état. « Taza a souvent été une ville de passage, pas une ville d'attache », fait-il constater. Or, n'est-ce pas pour inverser cette logique qu'il se trouve là ce jour ? Professeur attitré à l'Université Hassan II des sciences et techniques (Casablanca), membre du CNRST (Maroc) et du CNRS (France), ce chercheur aurait pu dormir sur ses lauriers. Or, ne voilà-t-il pas qu'il prépare une retraite studieuse à Taza. Au-delà de son militantisme associatif (président fondateur de l'Association Calma Maghreb pour la culture et le développement), il y a un projet qui lui tient le plus à cœur : Monter un projet de télescope dédié à l'étude de l'astronomie autour de Taza. « Réfléchir globalement et agir localement », lance-t-il, pensif. Pensée partagée par ses compagnons de route, arrivés droit de Lyon (leur ville d'adoption) pour une visite de repérage dans leur terre natale (Taza). Cette terre dotée par la nature de mille et une ressources est curieusement l'une des régions les plus pauvres au pays ! « Une injustice qu'elle a subie de par son histoire de base-arrière pour les envahisseurs de la ville de Fès », relève M. Hoummada. « C'est une ville qui a également pâti de l'aura de la capitale Fès », enchaîne Faouzia Trad, psychologue et présidente de COMARA (Association des cadres d'origine marocaine en Rhônes-Alpes). C'est cette injustice que ces cadres originaires de Taza veulent réparer, aujourd'hui plus que tout autre temps. Chacun veut apporter sa petite pierre à l'édifice de l'avenir de leur ville. Et ce ne sont surtout pas les atouts qui manquent à cette ville. Lieu de passage obligé entre l'Est et l'Ouest, mais aussi point de convergence entre le Nord (Rif) et le Sud (Moyen-Atlas), Taza jouit de ressources naturelles non négligeables (renouvelables et non renouvelables). Léon l'Africain (Hassan El Ouazzane) la décrit comme « une grande ville qui n'est pas moins noble que forte, et qui vit en abondance sur un sol fertile ». Le goût sucré de ses oranges, les meilleures au pays, offre ici un exemple éloquent. Pour s'en rendre compte, une petite pause dans la région « Bouhlou » suffit. Suffit pour apprécier également le goût des mûres, des citrouilles, de l'huile d'olive …  Quand, à cela, il faut ajouter la beauté naturelle inouïe de la région, ses mille et une grottes, la fraîcheur et l'abondance de ses cascades, ses cimes enneigées, sa flore à nulle autre pareille (sapin, cèdre, chène-lège, etc) et la rareté de sa faune (cerfs, sangliers, loups), on peut dire sans risque de se tromper que cette région sera l'avenir du tourisme national ! Abdeslam Hoummada en veut pour exemple (et preuve) l'éclatant succès d'un projet monté à Aïn Sahla, située à 35 km de Taza et à une centaine de km de Fès. Il s'agit d'une auberge perchée sur les cimes vertigineuses du pré-Rif, construite en 1995. C'est là-bas qu'un immigré marocain, après 30 ans de vie en Suisse, a réalisé son projet. Omar Ouadghiri, puisque c'est de lui qu'il s'agit, affiche un large sourire en guise de bienvenue. « Votre présence ici en ce moment est la preuve de la réussite de ce projet », a-t-il remarqué. « Ce matin, j'ai également reçu une vingtaine de biologistes espagnols », fait valoir cet ex-immigré, heureux qu'une télévision suisse ait déjà réalisé un reportage sur son projet. « Il y a un lendemain pour l'immigration », lance-t-il, en réponse à une question sur son retour. « Un retour aux sources » qu'il n'a regretté à aucun moment, malgré le risque qu'il a pris de monter son auberge dans une région où l'infrastructure routière n'est pas au rendez-vous. Il faut être vraiment alpiniste pour arriver jusqu'à son auberge ! Rouler en voiture sur une route étroite, - vrai fil de rasoir-, et avoir à slalomer d'un mont à l'autre n'a pas été de tout repos. Et pourtant, les aventuriers ne boudent pas leur plaisir et se rendent en grand nombre dans ce bout de paradis pour le grand bonheur de son maître d'ouvrage. « Au départ, des responsables m'ont dit que j'en faisais trop. Le projet d'auberge sur montagne est certes possible. Mais la difficulté d'accès à cette auberge rend ce projet incertain. Omar l'admet, mais il dit que le danger est maintenant derrière lui. « Par rapport à ce que j'ai connu, je suis aujourd'hui beaucoup plus à l'aise », se réjouit cet aubergiste qui emploie une dizaine de personnes toutes issues des villages avoisinants.
Changement de cap. Destination : le Parc national de « TAZEKA ». Une forêt de chêne-liège s'étend à l'infini. Au bout de cette étendue verte, émerge une magnifique aire de repos. C'est la vallée des cerfs. Un panneau érigé sur son promontoire indique que ce secteur est caractérisé par la présence du Cerf de Berbérie, qui a disparu du Maroc depuis 200 ans mais qui y a été réintroduit pour enrichir les potentialités touristiques de la région.
Il y en avait à revendre. Les montagnes enneigées de « Bouiblane » formaient comme une escorte autour de cet Eden terrestre. Le visiteur se sent infiniment petit devant la grandeur de ces monts, et impuissant face à ces cascades dont les flots coulaient de toutes parts. Ras-El Mae, l'une des plus belles cascades de la région, en dit long sur la féerie et la richesse de la région de Taza. Nous y sommes. 13H30, province de Taza. L'équipage avait rendez-vous avec le gouverneur de la ville. Passé le moment de présentation, les parties entrent dans le vif du sujet. C'est parti pour une longue et néanmoins fructueuse discussion sur les projets à réaliser à Taza, dont celui notamment de télescope. « C'est un projet réalisable dans des délais rapprochés », acquiesce le gouverneur. Abdeslam Hoummada assure avoir le soutien de ses collègues français pour la réalisation de ce rêve qu'il caresse depuis ses jeunes années universitaires. Et ce n'est pas tout. En tant qu'universitaire, il entend tisser des liens entre la Faculté pluridisciplinaire de Taza et celles de France. Proposition partagée par les cadres d'origine marocaine en Rhônes-Alpes. Parmi les idées phare de la coopération annoncée, celle d'organiser à Taza une Journée du ciel ou de l'astronomie. La nécessité de la formation professionnelle est également soulignée. « Des conventions pourront être signées entre les facultés dans le cadre d'un échange mutuellement utile », exhortent les Marocains de Lyon, qui insistent sur la question de la formation aux métiers de la forêt. Une profusion de projets auxquels le gouverneur dit « adhérer complètement » précisant qu'un accent particulier devrait être mis sur le volet social. Sur ce point, M. Hoummada a déjà tout un programme. A la tête d'une association locale, « Taza pour le développement et la solidarité », il explique la contribution que son association pourrait apporter pour la renaissance de sa ville natale : participer au montage et à l'exécution de projets de développement durable de Taza et de sa province, aider à préserver ses spécificités culturelles, architecturales et écologiques, développer les relations d'amitié et de solidarité entre les membres et les habitants, les élus dans tous les domaines d'intervention de l'Association, valider les choix stratégiques du plan d'action pour une régénérescence annoncée de la ville … Vaste programme … Taza n'en a pas moins besoin. Une simple visite à travers ses sentiers montre l'ampleur du travail qui reste à faire. Mais qu'à cela ne tienne, la volonté est là. Qui a dit que la volonté peut déplacer les montagnes ? 


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