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Raz-de-marée tout en Or : L’Afrique consacre le talent marocain

Jeudi 20 Novembre 2025

Il suffisait de quelques secondes pour comprendre que la soirée des CAF Awards 2025 basculerait dans l’histoire. Les applaudissements vibraient encore que l’on sentait déjà la portée de ce moment. Un souffle national, profond et unanime, a traversé la salle. Les regards se tournaient vers le latéral marocain du Paris Saint-Germain, élu joueur africain de l’année, premier sacre pour lui, premier Marocain récompensé depuis Mustapha Hadji en 1998.

Cette victoire n’était pas un simple trophée. C’était une confirmation éclatante de la stature prise par Hakimi sur la scène mondiale, lui qui a terminé sixième du Ballon d’Or et tenu un rôle clé dans la conquête de la Ligue des champions avec le club parisien. C’était aussi une démonstration, une fois de plus, qu’un latéral peut changer le cours d’un match, d’une saison, d’une époque.

La ville de Rabat offrait un décor à la hauteur de cette razzia marocaine. Les rues voisines de l'Université Polytechnique Mohammed VI brillaient sous un mélange de fierté populaire et d’élégance protocolaire. On croisait des familles, des jeunes portant le maillot des Lions de l’Atlas, des anciens joueurs venus saluer la relève, des invités internationaux charmés par l’atmosphère d’une capitale sportive qui connaît depuis quelques années une renaissance sans précédent.

A mesure que la cérémonie avançait, la salle devenait le miroir d’un Maroc sûr de ses forces, conscient de la valeur de ses talents et prêt à regarder le continent droit dans les yeux.
Le sacre d’Hakimi dominait la soirée. Impossible de le minimiser tant il concentrait tout ce que le football marocain a entrepris de construire depuis deux décennies. Sa trajectoire raconte d’abord un football qui a appris à produire des joueurs complets, capables de briller dans les championnats les plus exigeants.

Formé en Espagne, aguerri à Dortmund, devenu cadre à l’Inter, puis star au PSG, Hakimi a façonné une identité à part. Vitesse fulgurante, sens du timing, projection verticale, technique précise dans les petits espaces, leadership naturel. Il a pris une dimension rare pour un défenseur.

Les observateurs européens soulignent souvent sa capacité à altérer l’équilibre d’un match en un seul appel, une seule percée, une seule déviation. Même blessé en cette fin d’année, il reste au sommet du jeu africain. L’influence se mesure dans la continuité de ses performances, l’assurance qu’il apporte au collectif, l’image qu’il renvoie aux jeunes joueurs du Royaume.

La comparaison avec ses concurrents du soir n’a fait que renforcer l’évidence. Mohamed Salah a vécu une saison remarquable, fidèle à sa rigueur et à son impact décisif, tandis que Victor Osimhen a cherché à se relancer sous de nouvelles couleurs.

Hakimi, lui, a dégagé une constance de patron. Sa campagne européenne avec Paris restera l’une de ses plus abouties, tant défensivement qu’offensivement. Son classement au Ballon d’Or, le meilleur de sa carrière, a servi de baromètre. Son apport tactique au PSG a été souligné par les analystes et validé par le staff parisien, qui voit en lui bien plus qu’un latéral. Un dynamiseur. Un faiseur d’espaces. Un joueur qui transforme les intentions en certitudes.

Lorsqu’il est monté sur scène pour recevoir le trophée des mains de Gianni Infantino, son émotion ne trompait personne. Il a levé les yeux, respiré lentement puis serré le trophée comme s’il contenait tous les souvenirs d’une enfance marquée par les terrains de quartier.

Il a remercié Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour la vision et les moyens accordés au développement du football marocain, salué le soutien constant de la Fédération Royale marocaine de football et de son président Fouzi Lekjaa, rappelé son attachement indéfectible à sa famille, et conclu avec une simplicité désarmante en dédiant ce trophée à tous les enfants Marocains et Africains qui rêvent un jour de jouer au football. Sa voix vibrait avec la conviction de ceux qui savent ce qu’ils représentent, ce qu’ils portent et ce qu’ils doivent continuer de défendre.

La soirée ne s’est pourtant pas résumée à ce couronnement individuel. Elle fut une démonstration de force collective. En remportant six titres sur les onze décernés lors de la cérémonie, le football marocain a confirmé son plein essor sur les plans continental et mondial. Une telle domination ne s’improvise pas. Elle s’enracine dans des années de politique sportive ambitieuse, d’infrastructures de haut niveau, de formation exigeante et d’ouverture sur l’international.

Le bal avait été ouvert par Doha Madani, meilleure jeune joueuse de l’année. Après seulement quelques années de carrière chez l’AS FAR, elle incarne l’espoir du football féminin marocain. Sa précocité, sa maturité dans le jeu, sa capacité à briller dans les moments décisifs témoignent d’un avenir radieux. Elle était la première étincelle d’une soirée qui allait s’embraser.

Othmane Maâmma a suivi avec une distinction méritée de jeune footballeur africain de l’année. Son Mondial U20 restera comme l’une des campagnes les plus éclatantes jamais réalisées par un jeune Marocain. Meilleur joueur de la compétition, héros silencieux et efficace, il a guidé son équipe jusqu’au titre mondial conquis au Chili après avoir éliminé des géants comme l’Espagne, le Brésil, la République de Corée, les Etats-Unis, la France et l’Argentine. Sous la direction de Mohamed Ouahbi, cette génération a montré un mélange parfait de discipline, de créativité et de maturité tactique. Une victoire qui a valu à la sélection marocaine des moins de vingt ans le trophée de la sélection africaine de l’année.

Ce sacre résonne comme un signe fort. Il dit que le Maroc ne se contente plus d’espérer une pépite tous les cinq ans. Il fabrique désormais des équipes complètes, cohérentes et compétitives.

Le nom de Yassine Bounou est venu renforcer l’impression d’un Royaume souverain. Le portier d’Al Hilal, récompensé meilleur gardien africain, continue d’imposer sa marque dans l’histoire du football continental. Treizième du Ballon d’Or 2023, nommé à plusieurs reprises au Trophée Yachine, vainqueur du prix du meilleur gardien lors de finales marquantes, sélectionné dans le Onze type du Mondial des clubs aux Etats-Unis, il reste une garantie en toutes circonstances. Son calme, sa lecture de jeu, sa capacité à briller dans l’urgence ont fait de lui l’un des visages les plus respectés du football africain moderne.
Sa distinction était tellement  évidente, tant son influence dépasse les seules feuilles de match.

Puis vint le sacre de Ghizlane Chebbak, meilleure joueuse du continent. Figure majeure des Lionnes de l’Atlas, artisan de leurs derniers exploits à la CAN et au Mondial féminin, elle a su affirmer un leadership rare sur les terrains africains. Elle devance notamment sa compatriote Sanaa Mssoudy, ainsi que la Nigériane Rasheedat Ajibade.

Son prix confirme la trajectoire ascendante du football féminin marocain, désormais régulier sur les podiums internationaux et soutenu par une offre structurelle qui n’a cessé de croître. Chebbak représente la sophistication tactique et l’élan mental qui caractérisent cette équipe en pleine affirmation.

A travers ces récompenses individuelles et collectives, une évidence s’impose. Le Maroc n’est plus un invité brillant mais irrégulier sur la scène africaine. Il est devenu une référence solide, soutenue par des structures cohérentes, des centres de formation modernes, des clubs performants dans les compétitions continentales et une diaspora parfaitement intégrée dans les plans de la sélection. La victoire des U20 agit comme un sceau. Elle prouve que la base est solide, que les jeunes joueurs n’arrivent plus dans l’élite par hasard mais à l’issue d’un processus maîtrisé. Ils ont voyagé, affronté les meilleures équipes du monde, appris à gérer la pression, à devenir exigeants, à développer leur culture tactique et à porter le maillot national avec ambition.

Et puis, la portée symbolique de cette soirée dépasse le football. Elle touche à l’image internationale du Maroc. Le pays est devenu un acteur majeur des relations sportives africaines. En accueillant la cérémonie à Rabat, en réunissant dirigeants, entraîneurs et joueurs venus de tout le continent, le Royaume a confirmé son rôle de pivot dans les dynamiques sportives régionales. Les succès accumulés renforcent cette position et montrent que le Maroc, par sa vision et son investissement, a les moyens de devenir un modèle africain de réussite sportive.

En observant les visages dans la salle à la fin de la cérémonie, il y avait une émotion sincère, une fierté contenue mais éclatante. Chacun semblait mesurer la force de cette soirée. Dans les couloirs, on parlait déjà de l’avenir. On évoquait la CAN 2025, qui se jouera au Maroc, et l’élan que ce triomphe pourrait générer. On imaginait les jeunes du pays recopiant les gestes d’Hakimi, rêvant de suivre la voie de Maâmma, se reconnaissant dans la détermination de Chebbak ou la sérénité de Bounou.

Le Maroc a signé une page magnifique de son histoire footballistique. Elle est écrite avec des talents, du travail, une vision et une ambition. Elle ouvre une fenêtre sur ce que pourrait devenir le football national. Un football constant, créatif, sûr de lui, compétitif dans les plus grandes compétitions mondiales. Un football fier, enraciné, mais à l’esprit ouvert.

La soirée de Rabat restera comme un repère. Un moment où le pays a montré son visage le plus conquérant. Un moment où la nouvelle génération a confirmé qu’elle était prête. Un moment où Achraf Hakimi a pris place dans la grande lignée des légendes africaines. Un moment où le Maroc a regardé l’avenir avec confiance.
Et si cette soirée n’était qu’un début…

Mehdi Ouassat

Mehdi Ouassat

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