Abusivement discriminatoire. La loi instituant le régime des pensions civiles lèse considérablement la femme


Hassan Bentaleb
Lundi 7 Septembre 2020

La loi n°011.71 instituant le régime des pensions civiles est-elle discriminatoire ? « Oui », répond sans détour Leila Amili, présidente de l’Association mains libres (AML). Selon elle, ce texte de loi consacre une discrimination directe et explicite à l’encontre des femmes fonctionnaires au niveau du versement des pensions de retraite.

« La femme fonctionnaire n’est pas traitée sur un même pied que l’homme fonctionnaire alors qu’elle contribue au financement des caisses de retraite au même titre que ses collègues hommes. En effet, malgré les retenues sur leurs salaires, le mari et les enfants de cette femme ne peuvent pas bénéficier de ce qui a été retenu en cas de décès contrairement à la famille du fonctionnaire décédé», nous a-t-elle expliqué. Et de poursuivre : « Ceci d’autant plus qu’en cas de décès de la femme fonctionnaire, son mari n’a le droit de toucher la pension de sa femme décédée que s’il atteint l’âge de la retraite pour le simple fait que la femme n’est pas chargée de subvenir aux besoins de la famille ».

Autre anomalie relevée par la présidente de l’AML et non des moindres, la femme fonctionnaire est privée de son droit à la retraite de son mari en cas de deuxième mariage, alors que l’homme fonctionnaire garde la moitié du salaire de sa femme fonctionnaire décédée qu’il soit remarié ou pas. « Il faut souligner également qu’en cas de décès de l’homme fonctionnaire, des prestations sont octroyées directement à sa veuve et ses enfants ainsi qu’à ses parents au cas où c’est lui qui les prend en charge. A l’inverse, dans le cas du décès d’une femme fonctionnaire, il y a seulement versement des indemnités de décès à qui de droit et non d’une pension mensuelle comme c’est stipulé pour les hommes. Bref nous sommes devant un texte injuste et discriminant qui manque de clarté», nous a-t-elle précisé.

Pourtant, une question demeure : si cette loi est jugée discriminatoire, pourquoi n’y a t-il pas eu de revendications appelant à sa révision ?

Autrement dit, pourquoi a-t-on attendu jusqu’en 2020 pour exiger la réforme d’une loi qui a 49 ans aujourd’hui ? « Le débat sur cette loi s’inscrit dans le cadre des sujets tabous et dérangeants. En effet, nous avons évoqué ce sujet à plusieurs reprises, mais nous nous sommes trouvés face à un mur de silence. Plusieurs ministres nous ont promis des réponses et nous ont fait des promesses, mais, aucun d’entre eux n’a honoré ses engagements », nous a répondu Leila Amili. Et d’ajouter : « Il y a eu aussi la proposition de loi présentée en 2019 par le groupe du Mouvement populaire au Parlement dans l’objectif d’instaurer l’égalité entre l’homme et la femme fonctionnaire en matière de retraite de réversion. Mais, malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue. Aujourd’hui, nous croyons qu’il est temps de relancer le débat et de plaider pour une révision de ladite loi, notamment ses articles 35 et 37 qu’on trouve ambigus et confus. Nous sommes convaincus que le contexte actuel du pays ne permet pas ce genre de discriminations. D’autant que notre Constitution consacre la jouissance par les femmes des droits et libertés politiques, économiques, sociaux, civiques et environnementaux. Elle réitère dans son préambule l'interdiction de toutes les formes de discriminations ainsi que la suprématie des instruments internationaux. Ses articles 19 et 164 ont aussi affirmé "le principe de parité. ». Pour les militants de l’AML, cette révision vise à instaurer un système unique au service des femmes et des hommes fonctionnaires et de leurs ayants droits. A ce propos, ils estiment qu’en cas de décès du conjoint, sa femme doit percevoir la totalité de sa pension de retraite ainsi que les autres avantages (couverture sociale…). Idem dans le cas inverse, ils exigent que le conjoint touche également la totalité de la pension de l’épouse décédée entre autres avantages.

En outre, ils revendiquent que la veuve jouisse de son droit à la pension du mari décédé malgré son deuxième mariage.

Hassan Bentaleb

Leila Amili Nous n’avons eu de cesse d’évoquer le sujet, mais nous nous sommes toujours trouvés face à un mur de silence

Loi n ° 011-71 du 30 décembre 1971 instituant le régime des pensions civiles

Article 35
(Modifié et complété parla loi n° 06-89 promulguée par le dahir n° 1-89-205, 21 décembre 1989 - 21 joumada I 1410 ; B.O. n° 4027 du 03 janvier 1990, 4° alinéa abrogé et remplacé par le dahir n° 1-99-197 du 25 août 1999 - 13 joumada I 1420 portant promulgation de la loi n° 29-99 ; B.O. n° 4732 du 07 octobre 1999) :

Les orphelins du fonctionnaire ou agent ont droit à une pension égale à 50 % de la pension de retraite obtenue par leur père ou qu'il aurait obtenue le jour de son décès, augmentée, le cas échéant, de la moitié de la pension d'invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier.
Toutefois, dans l'hypothèse où le fonctionnaire ou agent ne laisse pas de veuve pouvant prétendre au droit à pension, le montant de la pension d'orphelins est majoré de 100 %.
La pension d'orphelins est répartie également entre tous les orphelins pouvant y prétendre.
Chaque fois qu'un orphelin décède ou perd pour quelque cause que ce soit,son droit à pension, sa part est répartie également entre les autres orphelins du même lit pouvant y prétendre.
En cas de décès d'un orphelin ou de perte de son droit pour quelque cause que ce soit, sa part n'est pas réversible.

Section II bis
Pension d'ascendants
Article 35 bis

(Instituée par la loi n° 06-89 promulguée par le dahir n° 1-89-205, 21 décembre 1989 - 21 joumada I 1410 ; B.O. n° 4027 du 03 janvier 1990) :

Si le décès du fonctionnaire ou agent est survenu dans les conditions visées au dernier alinéa de l'article 26 ci-dessus, les ascendants au premier degré du de cujus ont droit s'ils étaient à sa charge à la date du décès, à une pension d'ascendants.
Cette pension est attribuée séparément au père et à la mère du de cujus. Le montant de la pension attribuée à chaque ascendant est égal à celui de la pension allouée à la veuve en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 26 précité.
Si le père et (ou) la mère ont perdu plusieurs enfants dont le décès est intervenu dans les conditions prévues ci-dessus, il est alloué à chacun d'eux un complément de pension égal à 20 % du montant de leur pension d'ascendants respective, au titre de chacun desdits enfants dont ils étaient à charge.
La mère veuve ou divorcée qui se remarie perd ses droits à pension. Article 35 ter Les demandes de pensions d'ascendants sont recevables sans limitation de délais.
Sous réserve des dispositions en vigueur en matière de prescription, le point de départ de la pension d'ascendants est fixé au premier jour du mois qui suit la date du décès du fonctionnaire ou agent.

Article 37
(Modifié et complété parla loi n° 06-89 promulguée par le dahir n° 1-89-205, 21 décembre 1989 - 21 joumada I 1410 ; B.O. n° 4027 du 03 janvier 1990) :

Le conjoint survivant d'une femme fonctionnaire ou agent peut prétendre à une pension de veuf égale à 50 % de la pension obtenue par elle ou qu'elle aurait obtenue le jour de son décès, augmentée, le cas échéant, de la moitié de la pension d'invalidité dont elle bénéficiait ou aurait pu bénéficier si se trouvent réunies, à l'égard du mari, les conditions prévues à l'article 32 ci-dessus.
La jouissance de la pension de veuf est différée jusqu'au premier jour du mois qui suit la date à laquelle le conjoint survivant atteint l'âge de 60 ans révolus.
Toutefois, lorsque le conjoint survivant est reconnu atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le rendant définitivement incapable de travailler, l'entrée en jouissance de la pension de veuf est fixée au premier jour du mois qui suit la date où la constatation en a été faite parla commission prévue à l'article 29 ci-dessus.
La pension de veuf cesse d'être servie en cas de remariage ou de déchéance. Le conjoint qui a perdu plus d'une épouse fonctionnaire, civile ou militaire, ne peut prétendre qu'à la pension de veuf la plus élevée.
Si le conjoint survivant décède, se remarie, ou est déchu de ses droits à pension de veuf, la pension dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier est répartie, éventuellement par parts égales entre ceux de ses enfants bénéficiaires d'une pension au titre de l'article 36 ci-dessus.


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