Le NON pleinement justifié de l’USFP au PLF 2026

Un texte budgétaire déconnecté de la réalité, sans vision ni équité


Mehdi Ouassat
Vendredi 21 Novembre 2025

Une position de principe, de lucidité et de responsabilité

Le NON pleinement justifié de l’USFP au PLF 2026
Au Parlement, le vote négatif du Groupe socialiste n’est ni une surprise, ni un geste symbolique. Il est la conclusion logique d’un diagnostic constant, méthodique, mûri, porté depuis des mois par une opposition ittihadie qui n’a jamais cessé de rappeler que la politique économique actuelle conduit le pays dans une impasse. Lorsque le député ittihadi Omar Anan affirme que le projet de loi de Finances 2026 est un «projet financier séparé du réel», il résume avec précision le sentiment général de l’USFP face à un texte qui ne répond ni à l’urgence du moment ni aux attentes profondes exprimées par la société marocaine.

Le pays traverse une période exigeante. Les tensions sociales se multiplient, la croissance reste fragile, les inégalités territoriales s’accentuent. Pourtant, le gouvernement persiste dans une logique que le député socialiste qualifie de «politique de l’autruche», une méthode qui consiste à détourner le regard de la réalité plutôt que de l’affronter.

Cette critique n’est pas une posture idéologique. Elle part d’un constat simple. Rien, dans ce texte budgétaire, ne traduit une prise de conscience de l’ampleur du malaise social. Le texte répète «continuer, renforcer, poursuivre», comme si rien ne s’était passé, comme si les «crises asphyxiantes» évoquées par Omar Anan n’avaient pas mis à nu les vulnérabilités structurelles de notre modèle économique.

Il suffit d’observer l’évolution du quotidien des citoyens marocains. Les prix des légumes et des fruits atteignent des niveaux que le parlementaire décrit comme «sans précédent». Le pouvoir d’achat des ménages s’effrite jour après jour. La crise de la viande rouge, la dégradation du cheptel liée à des politiques agricoles improvisées, les pénuries d’eau potable dans plusieurs zones, tout cela met en lumière ce qu’Anan nomme «la fragilité de la gestion» gouvernementale. L’USFP ne nie pas les efforts réalisés ici ou là, mais il refuse de fermer les yeux sur ce que le député appelle «des erreurs majeures» qui ont conduit à «des échecs économiques et sociaux évidents».

Ce décalage entre la communication gouvernementale et la réalité empirique est l’un des premiers motifs du rejet socialiste. Plus grave encore, le projet ignore totalement le nouveau modèle de développement, pourtant fruit d’un consensus national et expression d’une volonté Royale claire. Omar Anan le souligne avec fermeté lorsqu’il note que les «orientations du nouveau modèle de développement» sont absentes du texte, alors qu’elles devraient en constituer le socle intellectuel, politique et programmatique. Une telle omission n’est pas anodine. Elle marque un recul dangereux dans l’ancrage de ce nouveau contrat social qui devait guider les réformes de la décennie.

Le deuxième motif de rejet concerne les hypothèses macroéconomiques. Le gouvernement annonce un taux de croissance de 4,5% en 2026. Selon Omar Anan, cette projection est une «hypothèse de croissance irréaliste». Les institutions nationales, de Bank Al Maghrib au Haut-Commissariat au plan, avancent des estimations bien inférieures. Tout montre que la croissance demeure étroitement dépendante de la pluviométrie. En d’autres termes, le pays continue de s’en remettre au ciel plutôt qu’à une stratégie économique robuste. Après plusieurs années de gestion, le taux moyen de croissance n’a jamais dépassé 3,5%, ce qui confirme, toujours selon les mots du député ittihadi, «la limitation du modèle économique adopté».
Omar Anan: Les écarts territoriaux dans la répartition de la dépense
publique prouvent l’absence d’une réelle volonté de construire une
régionalisation équitable
Le troisième axe critique touche à l’investissement. Les dépenses d’investissement augmentent de 5,9%. Pourtant, aucune amélioration tangible n’apparaît sur le terrain pour les 1,6 million de chômeurs ou les 3 millions de jeunes en situation de NEET. Nous sommes face à un investissement qualifié par Anan de «non créateur d’emploi et non stimulant pour la production locale». Le paradoxe est connu. Le pays consacre presque 29% de son PIB à l’investissement, mais n’obtient que 4% de croissance. Le gouvernement continue en parallèle de bloquer 15% des crédits d’investissement, révélant une incapacité chronique à exécuter, à programmer et à transformer les budgets en actions.

La structure du budget elle-même confirme un déséquilibre profond. Les recettes sont dominées par les impôts indirects, 167,9 milliards de dirhams, dépassant les impôts directs qui s’élèvent à 165,7 milliards. Un système fiscal où la charge repose davantage sur la consommation que sur la richesse renforce, comme l’indique  Anan, «un régime fiscal injuste». Les classes moyennes et populaires supportent ainsi l’essentiel de l’effort, tandis que les formes de capital rentier restent relativement préservées.
Omar Anan: Le PLF 2026 n’a aucune charge politique.
Il manque de vision, d’ambition sociale et de souffle démocratique
Le volet des dépenses ordinaires n’est pas plus rassurant. Elles atteignent 391,5 milliards, dont 195,3 milliards pour les salaires et 44,5 milliards pour les intérêts de la dette. Deux postes absorbent plus de 61% des dépenses ordinaires. Les marges pour les politiques sociales se réduisent à vue d’œil. L’État s’endette encore, 63 milliards en emprunts internes, 60 milliards à l’extérieur. L’économie nationale reste donc sous perfusion financière, dépendante de la dette plutôt que de sa propre capacité productive.

Cette dépendance se traduit dans la balance commerciale. Le déficit commercial a augmenté de 15% pour atteindre 225,9 milliards de dirhams en août 2025. Le député socialiste parle, avec justesse, d’un affaiblissement de l’intégration industrielle nationale et d’une baisse de l’impact réel du programme «Made in Morocco», qui se transforme peu à peu en slogan sans portée stratégique.

À cela s’ajoute un déficit politique. Le projet ne possède ni vision, ni souffle, ni colonne idéologique. Il manque, selon Omar Anan, «le principe de justice sociale» et toute référence claire aux droits économiques, à l’État social promis en début de mandat. La logique comptable étouffe toute ambition citoyenne. Le budget n’apparaît plus comme un instrument de redistribution mais comme un tableau de chiffres destiné à rassurer les équilibres macroéconomiques au détriment de l’équité.

La carte territoriale reproduit les mêmes injustices. Les régions les plus riches continuent de capter la majorité des crédits, tandis que les régions fragiles, comme l’Oriental, restent reléguées à la marge. Omar Anan appelle à «transformer la régionalisation en un outil réel de redistribution» et à activer les fonds de solidarité interrégionale, avec un financement aligné sur les indicateurs de pauvreté, d’emploi et de développement.

Ce cumul de dysfonctionnements explique le refus clair de l’USFP. Le parti de la Rose ne s’oppose pas pour s’opposer. Il assume une vision. Il porte une exigence. Il défend une idée précise de la justice sociale, fondée sur la progressivité fiscale, la cohérence des investissements, l’intégration des jeunes dans l’économie, la dignité au travail et la réhabilitation de la chose publique. Lorsque le député dit que le projet «ne répond pas aux besoins de la période» et qu’il «reproduit les mêmes politiques dont les limites sont prouvées», il parle au nom d’une tradition de gauche moderne, institutionnelle et responsable.

L’USFP rappelle qu’il a présenté plus de soixante amendements «d’une grande qualité», appuyés sur une vision sociale claire. Tous ont été rejetés, sans justification convaincante. Le gouvernement a fait le choix de la fermeture. Le Groupe socialiste-Opposition ittihadie a fait celui de la cohérence. C’est cela un refus responsable. Refuser un PLF qui ignore les fractures sociales. Refuser un texte budgétaire qui ne crée pas d’emploi. Refuser une politique qui privilégie les équilibres comptables au détriment de l’équité. Refuser un projet qui s’écarte du nouveau modèle de développement. Refuser un exercice financier qui oublie que l’économie n’a de sens que lorsqu’elle place l’humain au centre.

L’USFP ne demande ni miracles ni effets d’annonce. Il demande un gouvernement qui écoute, qui rectifie, qui anticipe. Un gouvernement qui arrête d’augmenter «la charge de vie des Marocains», qui cesse de «créer du chômage et d’approfondir le désespoir des jeunes», qui ne renforce plus «les inégalités sociales et territoriales par davantage de politiques techniques sèches». Le pays mérite mieux. Il mérite une politique économique qui respecte l’intelligence collective, qui marche dans le sens du progrès social et qui donne à chaque citoyen sa part de dignité.

Le vote négatif de l’USFP n’est pas un geste d’humeur. C’est un acte politique assumé, réfléchi, nécessaire. Un acte qui rappelle que l’opposition ittihadie, lorsqu’elle parle de justice sociale, ne parle pas de slogans mais de réformes concrètes. Le Maroc n’a pas besoin d’un budget qui rassure les tableaux Excel. Il a besoin d’un budget qui redonne confiance, qui ouvre des horizons et qui construit une économie plus juste. L’USFP continuera à se battre pour cela, fidèle à son histoire, fidèle à son projet, fidèle à son engagement envers les Marocaines et les Marocains.

Mehdi Ouassat


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