Entre mémoire cinquantenaire et défis d’une nouvelle génération

La Jeunesse Ittihadie à l’ère de la transformation


Mohamed Assouali
Mercredi 19 Novembre 2025

Entre mémoire cinquantenaire et défis d’une nouvelle génération
La célébration du cinquantenaire de la Jeunesse Ittihadie n’était pas un rituel de plus; elle survenait à un moment où la vie politique marocaine cherchait encore son souffle, où les institutions tentaient de regagner leur crédibilité, et où les partis peinaient à comprendre une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans leurs discours ni dans leurs méthodes. Revisiter un demi-siècle de militantisme n’avait donc rien d’un exercice nostalgique : c’était un geste politique fort, destiné à poser une question essentielle, presque dérangeante : quel rôle la jeunesse entend-elle jouer dans le Maroc qui vient, et quelles organisations seront capables de lui parler sans la trahir, sans la réduire, sans l’instrumentaliser?
 
Novembre, un mois de souveraineté, de mémoire et de renouveau politique
 
Novembre n’est jamais un mois ordinaire dans la conscience marocaine. Il porte en lui des victoires diplomatiques décisives, des repositionnements stratégiques majeurs, et surtout la Marche Verte, cette mobilisation historique où la jeunesse a littéralement changé le destin du pays. Célébrer le cinquantenaire de la Jeunesse Ittihadie dans ce mois symbolique revenait à placer l’organisation dans cet arc historique où souveraineté, mémoire et responsabilité collective se croisent. Novembre rappelle que la jeunesse n’est pas une catégorie sociologique: elle est une force politique capable de déplacer les lignes lorsque l’histoire le nécessite. Et célébrer cinquante ans d’engagement signifiait relire la trajectoire du mouvement pour comprendre comment les modes d’action se transforment et pourquoi une nouvelle génération doit inventer ses propres outils, ses propres codes et ses propres combats.

Le pays traverse un moment de transition profonde; les modèles économiques s’essoufflent, les attentes sociales se recomposent, les déséquilibres territoriaux se creusent, et la mondialisation impose des repères nouveaux. Dans ce contexte, une organisation de jeunesse n’a pas le droit de rester spectatrice. Elle doit lire les transformations, anticiper les ruptures et assumer sa fonction historique: éclairer, mobiliser, produire du sens.
 
Repenser la mobilisation des jeunes: la fin de la verticalité et l’appel de Driss Lachguar à une dynamique citoyenne
 
Le Premier secrétaire, Driss Lachguar, a donné le rythme du débat dès l’ouverture. «Le pays a changé, les jeunes ont changé, et la politique doit changer avec eux», a-t-il lancé, rappelant qu’aucune organisation ne peut survivre si elle réclame à la jeunesse l’effort d’adaptation qu’elle refuse de produire elle-même. Dans son intervention, il a ajouté une phrase clé: «Nous n’avons plus le droit de diriger la jeunesse avec les instruments d’hier, parce que nous ne vivons plus dans le pays d’hier». Cette vérité, que je confirme pleinement, bouleverse toute la logique de mobilisation.

La jeunesse ne fuit pas la politique ; elle la déplace. Elle la transporte vers les campus, les réseaux sociaux, les initiatives citoyennes, les espaces culturels, les projets écologiques. Elle construit ses propres territoires d’action là où elle se sent utile, écoutée et créatrice. C’est pourquoi Driss Lachguar insiste: «Les jeunes ne sont plus là où nous les appelions. Ils sont là où ils décident d’être. A nous de les rejoindre». Cette phrase oblige les organisations à sortir de leurs zones de confort, à renoncer à la verticalité rassurante mais stérile, et à s’exposer à la fluidité du réel.

Lorsque le Premier secrétaire rappelle que «militer signifiait parfois risquer sa liberté», il ne parle pas pour glorifier le passé; il explique que la discipline verticale d’hier était une réponse à un contexte de confrontation. Aujourd’hui, le défi n’est plus la répression, mais l’indifférence. Et c’est un défi plus redoutable. «Une organisation qui ne comprend pas la jeunesse devient invisible. Et une organisation invisible ne sert plus la démocratie», a-t-il averti. Une phrase qui sonne comme un verdict.
 
La transition numérique: une condition de survie politique
 
La mutation numérique constitue l’un des grands chantiers de fracture entre les organisations et la jeunesse. Driss Lachguar l’a formulé avec une précision chirurgicale: «Une idée publiée avant l’aube peut déclencher un débat national au lever du jour».
Cette phrase illustre la dématérialisation du temps politique et la vitesse nouvelle à laquelle s’écrit l’opinion publique.

Dans cet univers, la Jeunesse Ittihadie n’a pas à suivre le mouvement : elle doit le structurer. Mais cela suppose des outils à la hauteur. Je partage une conviction devenue évidente: les sièges du parti doivent être transformés en plateformes digitales, en studios de création, en laboratoires d’analyse, en centres de formation numérique capables d’accompagner les nouvelles pratiques militantes. C’est un impératif stratégique, non une option organisationnelle.

Le Premier secrétaire l’a dit sans ambiguïté: «Si nous ne modernisons pas nos outils, nous perdrons une génération entière». Cette phrase doit être prise au sérieux. Elle signifie que la bataille politique se joue désormais aussi sur la maîtrise des réseaux, la capacité à produire du contenu, à analyser les tendances, à répondre, à convaincre, à influencer. Le parti doit s’adapter à la condition numérique de la jeunesse, et non l’inverse.
 
Jeunesse, liberté et mémoire : repenser l’engagement pour une organisation ouverte et innovante
 
La Marche Verte a réaffirmé la souveraineté territoriale du Maroc ; aujourd’hui, la Jeunesse Ittihadie doit affirmer la souveraineté citoyenne. Les libertés publiques — expression, création, critique, organisation — sont les fondations d’une démocratie vivante. «Sans liberté, il n’y a pas de jeunesse; il n’y a que des générations assignées à se taire», a lancé Driss Lachguar. Et il a raison.

La mémoire militante n’est pas un épisode glorieux; c’est un devoir. L’organisation est née dans la clandestinité, les luttes, les procès politiques. «Notre jeunesse n’est pas seulement héritière d’un passé ; elle est débitrice d’un sacrifice», a rappelé le Premier secrétaire. Cette phrase trace une ligne: respecter l’héritage, ce n’est pas répéter les formes anciennes, c’est inventer les formes nouvelles.

Pour cela, nos structures doivent évoluer. Les locaux doivent devenir des espaces ouverts, vivants, connectés, capables de former, d’inspirer, de produire, de débattre. L’organisation doit rompre avec la logique autocentrée, ne plus se parler à elle-même, mais parler au pays réel: aux étudiantes, aux jeunes travailleurs, aux créateurs, aux acteurs associatifs, aux jeunes des zones rurales oubliées et des périphéries urbanisées.
 
C’est ici que résonne la phrase la plus déterminante du Premier secrétaire :
 
«La jeunesse n’est pas l’avenir du parti; elle en est la condition d’existence. Sans jeunesse, une organisation survit, mais elle ne vit plus».
Cette phrase n’est pas symbolique; elle est stratégique. Elle dit que l’avenir politique d’un parti dépend de sa capacité à s’accorder avec la jeunesse et à se transformer avec elle.
 
En conclusion : La jeunesse n’attend plus — elle ouvre le Maroc de demain
 
La jeunesse marocaine avance lorsqu’elle refuse l’inertie et qu’elle décide de créer ses propres chemins. Le cinquantenaire de la Jeunesse Ittihadie n’a pas été une célébration du passé, mais l’annonce d’une responsabilité nouvelle: moderniser les structures, libérer l’initiative, délaisser les routines, investir les espaces numériques, défendre les libertés et redonner à l’action politique la profondeur qu’attend une génération qui ne se contente plus de discours.

Si cette transformation réussit, ce n’est pas seulement la Jeunesse Ittihadie qui changera d’échelle, mais la démocratie marocaine qui retrouvera un souffle nouveau. Quand une jeunesse décide de se réinventer, c’est tout un pays qui retrouve sa direction, sa vigueur et son horizon.

Réinventer la jeunesse, c’est réinventer le Maroc — par la force des convictions, la clarté des idées et la détermination d’une génération qui ne demandera plus la permission d’exister politiquement, parce qu’elle a déjà commencé à écrire l’avenir.

Mohamed Assouali
Secrétaire provincial de l’USFP, Tétouan


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