​Le gouvernement animé de bonnes intentions à l'égard des jeunes

La mise en pratique commence nécessairement par une identification précise du public ciblé


Hassan Bentaleb
Mercredi 22 Juillet 2020

​Le gouvernement animé de bonnes intentions  à l'égard des jeunes
Mettre en place des programmes spéciaux, encourager l’entrepreneuriat et la création des petites et très petites entreprises, accompagner les jeunes au niveau de la formation, du financement, de la recherche des marchés ainsi qu'au niveau de l’accès au monde de l’entreprise, telle est la recette proposée par le chef du gouvernement aux jeunes et aux chômeurs confrontés à la crise aiguë du Covid-19.
Intervenant lundi dernier sous la Coupole dans le cadre de la session mensuelle dédiée à la politique générale du gouvernement, Saad Dine El Otmani a indiqué, en outre, que l’Exécutif dispose d’un tableau de bord clair afin de garantir la coordination entre les différents programmes et politiques destinés aux jeunes.
Pourtant, Hicham Attouch, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat-Agdal, estime que cette recette n’a rien de nouveau et n’apporte rien de concret. « Cette recette a plutôt pour but de rassurer et de redonner de l'espoir aux jeunes, mais pas plus », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « En effet, nous ne pouvons pas faire du neuf avec du vieux et les propos du chef du gouvernement s’inscrivent dans le sillage des politiques et programmes initiés auparavant et qui ont démontré leurs limites ». 
Selon notre source, les propos de Saad Dine El Otmani demeurent flous puisqu’ils n’identifient pas le public cible. « Son discours sombre dans les généralités et nous ne savons pas à qui il s’adresse, est-ce aux jeunes hommes ou aux jeunes femmes, aux urbains ou aux ruraux, aux chômeurs de courte ou de longue durée ? De quelles tranches d’âge parle-t-on, des jeunes âgés de 18-25 ans ou des moins de 45 ans ou plus ? Et la jeunesse rurale, quelle place occupe-t-elle dans ces stratégies?», s'est interrogée notre source. Et d’ajouter «que la recette du gouvernement intervient en l’absence d’une véritable politique de l’emploi fondée sur une analyse de la situation du marché de  l’emploi dans notre pays et des métiers porteurs».
Autres questions et non des moindres : quelle place ces nouveaux programmes occupent-ils dans l'architecture institutionnelle qui s’articule autour de la Stratégie nationale de l’emploi 2025 (qui vise notamment à promouvoir l’emploi productif, la valorisation du capital humain, l’amélioration de la gouvernance du marché de l’emploi, la consolidation des politiques actives de l’emploi et de l’intérim) et du Plan de développement de l’ANAPEC pour la période 2016-2020 (qui vise la formation de plus d’un demi-million de demandeurs d’emploi afin d’améliorer leur employabilité, l’intégration de 445.000 chercheurs d’emplois, l’accompagnement de 20.000 bénéficiaires des programmes d’auto-emploi, la création de 10.000  très petites entreprises (TPE) et de coopératives ainsi que des activités génératrices de revenus avec pour objectif de créer 30.000 postes d’emploi, dont ceux des promoteurs) . «A quoi peuvent servir les nouveaux programmes puisque les solutions proposées depuis des années (Anapec, Moukawalati, INDH, Intilakati…) ont démontré leurs limites?», se demande Hicham Attouch.
Encourager les jeunes à créer de l’auto-entrepreneuriat et des entreprises ne semble pas la solution idéale, selon notre expert. «Le chômage touche en grande partie les jeunes diplômés notamment les bac+3 mais la solution proposée par le gouvernement ne concerne que les bac+2 ou moins alors qu’ils ne représentent pas la majorité», a-t-il souligné. Et de s’interroger : «Comment l’Exécutif peut-il demander aux jeunes de créer des entreprises dans un contexte de morosité économique où plusieurs entreprises ont fermé leurs portes ou sont en arrêt temporaire d'activité ? Comment l’Etat compte-t-il garantir leur pérennité ?». En effet, le ministre de l’Emploi a indiqué dernièrement que 131.955 entreprises ont déclaré avoir été impactées par les effets du Covid-19, soit 61% du nombre total des entreprises inscrites à la CNSS,. Quant aux personnes qui sont en cessation de travail, elles sont au nombre de 808.199 dans le secteur privé (sur 2,6 millions de personnes), soit 31% du nombre total des salariés déclarés à ladite caisse.
D’après notre source, le secteur privé a démontré depuis longtemps son incapacité à absorber le chômage. La croissance de l’économie marocaine a été également incapable de créer de l’emploi en nombre suffisant. « Les différents postes d’emploi créés dernièrement l'ont été grâce aux grands  programmes et chantiers initiés par l’Etat », nous a-t-elle précisé.
Hicham Attouch estime que la véritable solution passe par une politique de l’emploi orientée vers l’économie verte, l’économie bleue, l’économie de la santé, l’économie solidaire et l’intelligence artificielle. «C’est l’issue de secours pour ces jeunes puisqu’il s’agit d'une économie de la connaissance et du savoir. Et toute politique d’aide ou d’assistanat est vouée à l’échec», a-t-il conclu.

​Montée du chômage à travers le monde

Selon la 4ème édition de l’Observatoire de l’OIT (Organisation internationale du travail), plus d'un jeune sur six a cessé de travailler depuis le début de la pandémie du Covid-19 et ceux qui ont conservé leur emploi ont vu leur temps de travail diminuer de 23%.  La progression forte et rapide du chômage chez les jeunes depuis février dernier touche davantage les femmes que les hommes. L’Observatoire estime qu’il existe un risque que la vie professionnelle de ces jeunes en soit marquée à jamais, conduisant à une «génération du confinement».
En effet, les derniers chiffres montrent que les jeunes sont touchés de manière disproportionnée par la crise du Covid-19, en raison de soubresauts multiples qui vont des perturbations dans le domaine éducatif et dans la formation, à des pertes d’emplois en passant par des difficultés pour trouver du travail.
On compte 178 millions jeunes travailleurs dans le monde, soit plus de quatre sur dix parmi celles et ceux qui sont employés au niveau mondial, travaillant dans des secteurs fortement touchés. Près de 77% parmi les jeunes travailleurs du monde occupent un emploi informel en comparaison avec les 60% environ de travailleurs adultes âgés de 25 ans et plus. Le taux d’informalité chez les jeunes varie de 32,9% en Europe et en Asie centrale à 93,4% en Afrique. Même avant la crise du Covid-19, plus de 267 millions de jeunes étaient non scolarisés, sans emploi ni formation (NEET) dont près de 68 millions au chômage.
Ce dernier a atteint le taux de 13,6% en 2019. Le taux de chômage des jeunes était donc déjà plus élevé que dans tout autre groupe de population. Environ 267 millions de jeunes étaient sans emploi et n'étaient ni scolarisés ni en formation.


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