Un travail patient, presque silencieux, inscrit dans le temps long, où la culture, la mémoire et la modernité ne sont ni des slogans ni des ornements, mais des leviers stratégiques de cohésion nationale. Sous l’impulsion de S.M le Roi Mohammed VI, cette politique culturelle s’est affirmée comme l’un des fils les plus solides du récit marocain contemporain, reliant les héritages multiples du pays à une vision assumée de l’avenir.
Ce qui frappe d’abord, dans cette relecture de l’année écoulée, c’est la constance d’une orientation qui refuse les ruptures artificielles entre passé et présent. Le Maroc ne regarde pas son histoire comme un musée figé, mais comme une matière vivante, appelée à dialoguer avec les mutations du monde. La restauration des médinas, la réhabilitation des ksours et des kasbahs, la valorisation des sites archéologiques, qu’ils soient amazighs, islamiques, juifs ou andalous, ne relèvent pas d’une nostalgie patrimoniale. Elles participent d’un projet politique au sens noble du terme, celui qui consiste à dire que la nation se construit en assumant la pluralité de ses racines et en les rendant visibles, lisibles et partageables par tous.
L’année a ainsi confirmé l’importance accordée aux lieux de mémoire comme espaces de transmission et de reconnaissance. La poursuite de la mise en valeur du patrimoine judéo-marocain, à travers la restauration de synagogues, de cimetières et de quartiers historiques, s’inscrit dans une démarche rare dans la région. Elle rappelle que l’identité marocaine s’est forgée dans la coexistence de cultures et de confessions diverses. Ce choix n’est ni anodin ni simplement symbolique. Il constitue un message fort adressé à la société marocaine elle-même, mais aussi au monde, affirmant que la pluralité n’est pas une concession à la modernité, mais une composante constitutive de l’histoire nationale.
Dans le même esprit, la place accordée à la culture amazighe a continué de se renforcer, non comme un rattrapage tardif, mais comme une reconnaissance structurelle. La généralisation progressive de l’enseignement de l’amazigh, la multiplication des initiatives artistiques et éditoriales, l’intégration de cette dimension dans l’espace public et institutionnel témoignent d’une volonté de rééquilibrage mémoriel. Il s’agit moins d’ajouter une couche identitaire que de rétablir une continuité historique longtemps fragmentée, en réconciliant les différentes strates qui composent le récit marocain.
Mais cette politique de la mémoire ne se limite pas à la conservation du passé. Elle s’articule étroitement à une ambition de modernité culturelle, perceptible dans le développement des infrastructures dédiées à la création contemporaine. Musées, théâtres, bibliothèques, espaces d’exposition et de débat se multiplient ou se transforment, dessinant une cartographie culturelle plus dense et plus inclusive. Ces lieux ne sont pas conçus comme des sanctuaires élitistes, mais comme des plateformes ouvertes, appelées à accueillir des expressions artistiques diverses, à favoriser la rencontre entre générations et à nourrir une réflexion collective sur les mutations de la société.
L’année écoulée a également mis en lumière le rôle croissant des industries culturelles et créatives dans l’économie nationale. Le cinéma, la musique, l’édition, les arts visuels ne sont plus perçus uniquement comme des secteurs périphériques, mais comme des espaces de création de valeur, d’emplois et de rayonnement international. Le soutien institutionnel à ces filières, conjugué à l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes et de producteurs, traduit une compréhension fine des enjeux contemporains, où la culture devient un vecteur de soft power autant qu’un miroir des transformations sociales.
Cette dynamique culturelle prend une résonance particulière dans un contexte mondial marqué par la fragmentation identitaire et la tentation du repli. En investissant le champ de la mémoire partagée et de la création, le Maroc propose une autre voie, fondée sur l’articulation plutôt que sur l’opposition, sur l’intégration plutôt que sur l’exclusion. La culture devient alors un langage commun, capable de transcender les clivages sociaux, territoriaux et générationnels, et de renforcer le sentiment d’appartenance à un destin collectif.
Il serait toutefois réducteur de lire ces initiatives comme une simple politique d’image ou un exercice de communication. Leur inscription dans la durée, leur cohérence et leur ancrage institutionnel témoignent d’une vision stratégique portée au plus haut niveau de l’Etat. Sous le règne de S.M Mohammed VI, la culture a cessé d’être un champ marginal pour devenir un pilier discret mais essentiel du projet national. Elle accompagne les grandes réformes économiques et sociales, en leur donnant une profondeur symbolique sans laquelle aucune transformation durable n’est possible.
A l’heure de dresser le bilan de l’année, ce volet culturel apparaît ainsi comme l’un des plus révélateurs du Maroc en mouvement. Un Maroc qui avance sans renier ce qu’il est, qui assume la complexité de son héritage et la transforme en force. Dans un monde où la vitesse menace souvent la mémoire, le choix du long terme, de la transmission et de la pluralité apparaît comme un acte de lucidité politique autant que de maturité culturelle.
C’est peut-être là, dans cette alliance patiente entre mémoire et modernité, que se joue une part essentielle de la cohésion nationale et de la singularité marocaine au XXIe siècle.











