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A l’heure où la cherté de la vie écrase les ménages, où les services publics s’effritent, où la jeunesse perd confiance et où les institutions peinent à assumer leurs missions essentielles, une interrogation s’impose : comment un gouvernement doté d’une majorité absolue a-t-il pu renoncer à ses responsabilités constitutionnelles, au point de laisser la société affronter seule ses fragilités ? Le PLF 2026 révèle une réalité dérangeante : l’Etat s’efface, le politique se délite, et la crise s’installe comme mode de gouvernance, au mépris de l’article 31 de la Constitution qui fait du droit à la santé, à l’éducation et à la dignité une obligation, et non une faveur budgétaire.
1. Une société qui suffoque : l’échec social mis à nu
Le Maroc traverse une crise sociale sans précédent depuis deux décennies. Selon le HCP, 38% des jeunes sont sans emploi et 70% d’entre eux envisagent de quitter le pays, preuve d’un désespoir qui s’étend désormais au cœur des familles marocaines. L’inflation alimentaire dépasse 12%, tandis que l’endettement des ménages atteint 432 milliards de dirhams (Bank Al-Maghrib). Cela signifie concrètement que la majorité des ménages marocains vivent aujourd’hui à crédit, non par quête d'un confort qui peut paraître superflu, mais par nécessité.
Dans un quartier populaire de Tétouan, une mère raconte qu’elle a renoncé à une série d’examens médicaux pour son fils asthmatique: l’hôpital régional manque de spécialistes, et le coût du privé est devenu inaccessible. Avec sept médecins pour dix mille habitants, le Maroc enregistre l’un des ratios les plus faibles de la région MENA. Le CESE indique également que plus de 300.000 élèves quittent chaque année l’école publique, révélant une école en crise, pourtant garantie par l’article 31 de la Constitution.
Dans les campagnes, la précarité dépasse 17%, tandis que dans les villes, la pauvreté gagne du terrain au rythme de l’effondrement de la classe moyenne. Le constat est brutal : la société suffoque parce que l’Etat a reculé. Et la mise en garde d’Olof Palme résonne aujourd’hui avec une clarté glaçante: «Là où l’État recule, l’injustice avance».
2. Une économie sans pilote : la logique du quotidien remplace la stratégie
La situation économique n’offre aucune lueur d’espoir. Avec une croissance limitée à 2,7%, le Maroc ne crée pas suffisamment de richesses pour absorber sa dynamique démographique. Le déficit commercial approche les 300 milliards de dirhams, et la dette publique atteint des seuils préoccupants selon Bank Al-Maghrib. Plus grave encore: le pays a perdu plus de 400.000 emplois agricoles en trois ans, révélant l’absence totale d’une stratégie nationale de sécurité alimentaire — contrairement au Portugal, qui a réussi à stabiliser son secteur agroalimentaire à travers une planification volontariste et un renforcement des chaînes de valeur locales.
L’investissement privé, censé représenter 65% de l’investissement national, reste paralysé. Les entrepreneurs évoquent un environnement imprévisible, une instabilité réglementaire et un brouillard stratégique permanent. L’Espagne et la France, face à la flambée des prix, ont plafonné les marges des intermédiaires énergétiques et soutenu directement les ménages. Le Maroc, lui, a laissé les intermédiaires dicter leurs lois, des carburants aux produits agricoles, jusqu’au logement.
Dans ce vide stratégique, le gouvernement ne dirige plus: il administre la crise. L’Etat stratège — indispensable selon les articles 154 à 157 de la Constitution — semble avoir disparu. Et l'on ne peut à cet effet que constater que Felipe González avait vu juste quand il a affirmé: «Une économie sans justice sociale n’est qu’un terrain fertile pour la colère.
3. La dérive néolibérale : un modèle importé qui fragilise l’Etat
La crise actuelle est le produit d’une orientation idéologique que rien ne justifiait: une néolibéralisation précipitée, souvent marquée par des conflits d’intérêt et largement déconnectée des réalités nationales. En réduisant la présence de l’Etat dans la santé, l’éducation et la protection sociale, le gouvernement a fragilisé la société, la classe moyenne et la cohésion nationale.
Le chantier de la protection sociale, pourtant stratégique, avance sans financement pérenne ni architecture institutionnelle maîtrisée. Les hôpitaux manquent de personnel, les écoles publiques s’essoufflent, et les services sociaux ne suivent pas. Pendant ce temps, la France, l’Espagne ou le Portugal ont protégé les ménages par des politiques actives: subventions ciblées, régulation des marges, hausse du salaire minimum, investissements massifs dans les services publics.
Au Maroc, le gouvernement a préféré confier au marché ce que la Constitution réserve clairement à l’État. Mais un marché livré à lui-même ne réduit ni les inégalités ni la pauvreté. Le gouvernement essaye de faire croire qu'il s'est attelé dès son investiture à des réformes, et que celles-ci ne tarderont pas à donner leurs fruits. Or, les seules initiatives prises jusqu'à présent consistent dans de petits arrangements qui soulèvent beaucoup d'interrogations quant à leurs réelles motivations, puisqu'elles profitent toujours aux mêmes personnes.
N'est-il pas plus honnête d'appliquer par l'exécutif la fameuse maxime de Jean Jaurès quand il rappelait :
«Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; ce n’est pas de masquer l’injustice sous le vernis des réformes».
Et cette vérité pour l'actuel gouvernement est de reconnaître son incapacité à mettre en œuvre une politique qui rompt avec la logique du Maroc à deux vitesses, qui rompt aussi avec les conflits d'intérêt qui sont devenues presque une norme, une politique enfin qui réhabilite l'engagement, la volonté de servir. Car, aujourd’hui, le vernis s’est fissuré: l’injustice est visible à l’œil nu.
Conclusion — 2026 : poursuite de l’enlisement ou reconstruction d’un Etat fort ?
Le diagnostic est clair : le Maroc ne souffre pas d’une crise sectorielle, mais d’une crise de l’État, aggravée par l’absence de décision politique. Le PLF 2026, sans vision ni cohérence, confirme la faillite d’une majorité qui a confondu gouvernance et improvisation.
Face à cette dérive, une alternative existe: le projet social-démocrate porté par l’USFP, fondé sur un Etat stratège, une justice sociale substantielle, une économie productive, et une jeunesse pleinement associée à la décision. Comme l’affirme Driss Lachguar :
«Le Maroc a changé, les jeunes ont changé, et la politique doit changer avec eux».
A l’horizon 2026–2030, deux voies s’offrent au pays :
– poursuivre l’enlisement orchestré par une majorité en déclin,
– ou réhabiliter l’Etat, rétablir la confiance, et engager un nouveau cycle national fondé sur la justice sociale, la protection, la cohésion et la responsabilité.
Et comme le rappelait François Mitterrand: «Le progrès ne naît jamais du renoncement». Le Maroc doit, aujourd’hui plus que jamais, choisir le progrès.
Par Mohamed Assouali
Secrétaire provincial de l’USFP à Tétoun










