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Indignation collective après la grâce accordée à un pédophile espagnol

La commission des affaires pénales et des grâces doit rendre des comptes


Narjis Rerhaye
Samedi 3 Août 2013

Indignation collective après la grâce accordée à un pédophile espagnol
Colère, émoi, indignation. Depuis jeudi, l’opinion publique marocaine est scandalisée et le fait savoir haut et fort. La grâce accordée  au pédophile-pornographe  espagnol Daniel Galvan condamné par la Cour d’appel de Kénitra à 30 ans de prison après avoir violé 11 enfants âgés de 2 à 14 ans est devenue une véritable affaire d’Etat, dépassant les frontières même du Maroc.
Lors de sa visite d’Etat au Maroc, le Roi Juan Carlos avait demandé au Souverain d’accorder sa grâce à 48 détenus espagnols incarcérés dans les prisons marocaines. Dans le lot -c’est le dernier sur la liste des 48 prisonniers en faveur desquels le monarque espagnol a intercédé- le violeur d’enfants de Kénitra, celui-là même qui a été condamné il y a 18 mois à une peine de prison exemplaire.
Comme d’habitude, l’information nous est venue d’ailleurs. C’est la presse ibérique qui, la première, donne l’alerte. La maison royale espagnole est dans l’embarras mais réagit très vite. «Le roi Juan Carlos a sollicité la grâce pour un groupe d’Espagnols détenus au Maroc, et nous ne pouvons fournir plus de précisions car c’est à l’ambassade d’Espagne de Rabat qu’incombe la tâche de fixer la liste des bénéficiaires», expliquent les services de communication de la Zarzuela. Interpellée à son tour par le site d’information Alif poste, l’ambassade d’Espagne à Rabat s’empresse de préciser que la liste des Espagnols bénéficiaires d’une grâce est « une question relève de la compétence du ministère des Affaires étrangères à Madrid».
A Madrid, l’affaire fait grand bruit. Personne ne veut assumer la responsabilité d’un pédophile remis en liberté après avoir passé un an et demi de prison. Le ministère espagnol des Affaires étrangères prend très vite ses distances avec ce dossier explosif. « Nous n’y sommes pour rien. Nous n’avons proposé aucun nom. Ce sont les autorités marocaines qui étaient responsables de l’élaboration de la liste des détenus espagnols », a fait savoir une source proche du ministère des AE à l’agence de presse espagnole Europa presse.
Une version qui ne résiste pas à la réalité des faits. Tous les étrangers détenus hors de leur pays sont suivis de très près par leurs ambassades…
 Au Maroc, c’est un silence assourdissant qui a caractérisé les officiels. Au sortir du Conseil de gouvernement, le ministre de la Communication et porte-parole de l’Exécutif est à l’évidence gêné. Mostafa Khalfi commence par affirmer ne pas savoir si Daniel Galvan faisait partie de la liste des Espagnols graciés avant d’annoncer que le délinquant sexuel espagnol serait «éloigné» du territoire marocain.
Il faut attendre plusieurs longues heures  pour que le ministre de la Justice et des Libertés sorte enfin  de son mutisme.   A l’AFP, Mustafa Ramid fait  une déclaration pour le moins surprenante où il confirme la grâce du pédophile espagnol tout en prenant le soin de préciser qu’il n’est pas «habilité à commenter une décision de deux souverains. L'administration a pour mission d'exécuter. L'individu sera extradé et interdit de territoire au Maroc».
« Ramid ne peut pas marquer ses distances de cette affaire en refilant la patate chaude au Palais Royal. La direction des affaires pénales et des grâces relève de son ministère. En son sein, il y a une commission composée de différents représentants étatiques qui instruisent les dossiers de grâce avant de les soumettre au Cabinet Royal. A l’évidence, cette commission a failli. Quelque chose n’a pas fonctionné dans le système et il faut en assumer la responsabilité. Ce qui s’est passé est un scandale. Nous devons tous dire à cette commission de dégager ! », s’exclame l’activiste et avocat Ahmed Arrehmouch.
Relevant du ministère de la Justice, et plus précisément de la direction des affaires pénales et des grâces, cette commission est le canal principal par lequel passent tous les dossiers, avant leur arrivée au Cabinet Royal. On y retrouve des représentants de divers organismes étatiques qui sont autant de filets de sécurité pour réduire erreurs et corruption. Un représentant du premier président de la Cour suprême, un représentant du procureur général près la Cour suprême, un représentant de la direction des affaires pénales et des grâces, un représentant de l’administration pénitentiaire, et, surtout, le représentant du Cabinet Royal en font partie. Organe permanent, la commission des grâces organise des délibérations sept fois par an, en prévision de fêtes religieuses et nationales lors desquelles le Roi accorde habituellement des grâces. Il faut enfin savoir que même pour les occasions exceptionnelles, comme la demande de grâce formulée par le Roi d’Espagne, la commission des grâces fonctionne toujours selon la même procédure.
Hier soir, un sit-in devait avoir lieu à Rabat, devant le Parlement lancé par une page facebook. Une manifestation de protestation et d’indignation qui va battre le pavé derrière le même étendard, le même slogan «le peuple demande l’indépendance de la justice ». Ce vendredi matin, plus de 19.000 personnes ont dit leur intention de venir manifester alors que plus de 147.000 citoyens soutiennent l’initiative.
L’indignation a atteint son paroxysme. Sur la Toile, les commentaires sont cinglants. La société civile monte au créneau. L’opinion publique demande des comptes. « Qui a pensé à ces 11 enfants, à l’enfance violée, meurtrie, traumatisée ? Qui leur expliquera que leur bourreau est désormais libre ? ». Ils sont nombreux à se poser cette question pesante, lancinante, dérangeante. Sauf peut-être la présidente de l’Association « Touche pas à mon enfant », Najat Anwar qui s’est empressée de déclarer que « seul le Roi a le droit de considérer qui mérite ou non la grâce ».


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