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Le rêve d’une cinquantaine de migrants irréguliers prend fin au large de Tarfaya


Hassan Bentaleb
Mardi 18 Janvier 2022

45 disparus, 2 corps repêchés et 10 rescapés

Le rêve d’une cinquantaine de migrants irréguliers prend fin au large de Tarfaya
Un nouveau drame de la migration irrégulière a eu lieu dimanche matin au large de Tarfaya. Un zodiac transportant entre 50 et 55 migrants subsahariens, selon des sources, a chaviré après avoir pris de l’eau faisant deux morts et 45 disparus.

Un zodiac en détresse
Selon Alarm Phone, une ligne téléphonique d’urgence, initiée par des acteurs associatifs à destination des personnes se trouvant en situation de détresse pendant une traversée de la mer Méditerranée et de l’océan Atlantique, le zodiac a pris le large samedi vers minuit avec 55 personnes à bord dont 20 femmes et 3 enfants. Vers 03h36 (heure de l’Europe centrale, CET) un proche d’un des migrants à bord a donné l’alerte. Contactés par Alarm Phone vers 05h00 CET, les passagers, effrayés et paniqués, précise la même source, indiquent que le zodiac a pris de l’eau et qu’ils se sont égarés. Une heure et 20 minutes après, plusieurs personnes sont déjà tombées à l’eau, rapporte Alarm Phone.

Retard délibéré ?
D’après toujours cette même source, il a fallu attendre jusqu’à midi pour qu’un bateau de sauvetage embraque de Tan Tan. Ce dernier est arrivé sur les lieux vers 16h00, mais sur place il n’y avait personne et toute tentative de communication avec le zodiac naufragé a été impossible. La recherche par voie aérienne a été également difficile vu les conditions météorologiques. Et c’est vers 18h00 que le bateau de sauvetage marocain a trouvé l’embarcation chavirée. A son bord, il n’y avait que 10 rescapés (6 femmes et 4 hommes) et deux corps sans vie. L’opération de recherche des autres naufragés s’est poursuivie jusqu’à la tombée de la nuit, mais en vain. Pour Alarm Phone, les autorités marocaines ont pris du retard à réagir alors que l’alerte avait été donnée depuis 6h00 du matin. « S’agit-il d’un retard délibéré ou bien est-ce que le Maroc ne dispose pas des moyens nécessaires pour remplir ses obligations internationales de recherche et de secours ? », s’est interrogé le collectif.

Vies humaines et obligations internationales
« Il n’y a rien de délibéré puisqu’il s’agit de vies humaines et d’obligations internationales en matière de communication et de coordination en cas de situation de détresse et de sauvetage de personnes en mer », nous a répondu Moustapha Morjan, délégué du Département de la pêche maritime à Laâyoune. Et effet, le Maroc est un pays signataire de la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime (SAR) adoptée par l’OMI le 27 avril 1979 et dont l’objectif est de permettre non seulement une coopération et une coordination de l’action des États en matière de secours en mer mais aussi de «favoriser la coopération entre les organisations de recherche et de sauvetage du monde entier et entre tous ceux qui participent à des opérations de recherche et de sauvetage en mer». En adhérant à la Convention, les Etats consentent à définir un espace géographique de recherche et de sauvetage appelé zone SAR et à mettre en place un ou plusieurs Centres de coordination et de sauvetage dits RCC. Le Royaume fait également partie de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) adoptée par l’OMI le 1er novembre 1974 qui impose d’importantes obligations aux Etats en matière de recherche et de sauvetage. Ces derniers s’engagent notamment à surveiller les côtes et à fournir les renseignements concernant les moyens de sauvetage dont ils disposent. Notre pays a aussi ratifié la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (1979) qui précise les obligations des Etats et organise tout le maillage des systèmes géographiques. Par cet accord, les Etats sont en charge de zones phares pour la recherche et les secours en mer et doivent installer des centres de coordination ou MRCC - Maritime Rescue Coordination Centers- avec les moyens de surveillance. Une source sollicitant l’anonymat nous a expliqué que ces obligations internationales édictent que « le premier RCC contacté devrait immédiatement se déployer à transférer la gestion de l’incident au RCC responsable de la région dans laquelle l’assistance est fournie. Lorsque le RCC responsable de la région SAR dans laquelle une assistance est nécessaire est informé de la situation, celui-ci devrait immédiatement accepter la responsabilité de coordonner les efforts de sauvetage, étant donné que les responsabilités connexes, y compris les dispositions pour assurer un lieu sûr aux personnes secourues, incombent principalement au gouvernement en charge de cette région. Cependant, le premier RCC est chargé de coordonner l’incident jusqu’à ce que le RCC responsable ou une autre autorité compétente prenne la relève ». La même source a ajouté que parfois certaines contraintes comme la météorologie, l’incapacité à identifier la zone de détresse ou la lenteur de la coordination entre les RCC, rendent ces opérations de sauvetage difficiles et parfois très lentes. Selon Moustapha Morjan, l’alerte a été donnée le matin par le MRCC de Bouznika. Selon ce dernier, un zodiac transportant 50 personnes était en détresse près des côtes de Tarfaya. « Un bateau de sauvetage est parti de Tan Tan et un autre de Tarfaya. Mais c’est celui de Tan Tan qui est arrivé le premier sur les lieux du drame. Les équipes de secours ont trouvé 10 personnes en vie dont 6 femmes ainsi que deux morts. Les rescapés ont été transférés vers Tarfaya », nous a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « L’ensemble des personnes embarquées sur ce zodiac sont d’origine subsaharienne et il n’y avait aucun Marocain ».

Une voie maritime meurtrière
En outre, notre interlocuteur nous a affirmé que ses services ont réagi dés qu’ils ont été alertés et que les allégations accusant le Maroc de retarder les secours sont infondées puisque les services de sauvetage assument leur rôle en toute responsabilité depuis toujours. « Il y a de grands efforts qui se déploient en matière de secours et de sauvetage, notamment de la part de la Marine Royale. Et particulièrement au cours de la période actuelle qui est marquée par la recrudescence des tentatives de passage vers les îles Canaries », a-t-il souligné. Et de conclure : « Nos opérations de sauvetage sont souvent couronnées de succès contre de rares échecs ». A rappeler que la voie canarienne reste encore ouverte et le nombre d'arrivées n’a pas diminué par rapport à 2020, a précisé dernièrement le journal El Pais. A noter également les statistiques du collectif de défense des droits des personnes et des communautés en déplacement qui considère 2021 comme l'une des années les plus tragiques pour les migrants aux frontières du pays ibérique. Dans son Monitoring of the Right to Life-Year 2021, il précise que près de 4.404 personnes ont perdu la vie en 2021 dans leur tentative de rejoindre l'Espagne et que les décès ont augmenté de 102,95% par rapport à 2020. Le plus grand nombre de décès, de loin, se produit lors de voyages en mer, de l'Afrique de l'Ouest aux Iles Canaries. L'organisation a identifié 124 naufrages et 4.016 morts, ce qui en fait l'une des routes migratoires les plus dangereuses au monde. La majorité des victimes étaient des hommes, mais 628 femmes et 205 enfants ont également perdu la vie, ce que le groupe a qualifié de "nécropolitique de l'immigration". 


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