Le Nouvel an ne laisse pas indifférent : Frénésie d’achats et soirées branchées

C’est parti pour une nouvelle année. La page de la première décennie du 21ème siècle est tournée. L’an 2011 est prometteur pour la plupart des gens.  Mais il ne l’est pas certes pour tous. Pourtant chacun s’y prépare à sa manière. Surtout après avoir dressé le bilan de toute une année, d’une décennie aussi. C’est ce qui a donné à ce réveillon  une ambiance toute particulière. Les quelques heures de festivités, auxquelles tout le monde s’y est préparé, veulent tout dire pour la majorité des citadins. Les préparatifs du Réveillon et des fêtes de fin d’année se sont poursuivis plusieurs jours bien avant. Surtout avec la frénésie d’achat qui s’empare des gens attirés par les affiches de soldes sur toutes les devantures des magasins. Reportage.
Vendredi, 31 décembre 2010. Il est 10 heures du matin. Nous sommes au Boulevard Prince Moulay Abdallah à Casablanca. Les boutiques à peine ouvertes se préparent pour ce grand jour. C’est demain le Nouvel an. Le compte à rebours est lancé. Plus que quelques heures nous séparent de la seconde  décennie du 21ème siècle. Chacun s’y prépare à sa manière. Des grandes surfaces aux petites boutiques, c’est également la fête des soldes qui est lancée depuis plusieurs jours. La liquidation totale fait le bonheur des clients pris par la frénésie des achats. Chocolat, fleurs, parfums et bijoux attirent bon nombre de gens. C’est l’occasion de s’offrir aussi des tartes et des bonbons. Pour les enfants, c’est le père Noël qui s’en occupe. Mais cette année, on n’en a vu que dans certains quartiers commerciaux. Le phénomène des pères Noël dans les rues est réduit pour des mesures de sécurité. Plusieurs plaintes ont été déposées l’an dernier contre des agresseurs déguisés en père Noël. Heureusement que des commerçants ont trouvé la formule magique : des pères Noël gonflables. Les amoureux, quant à eux, font le tour de toutes ces boutiques : c’est le moment propice de s’offrir à la fois du chocolat, des cadeaux (souvent des bijoux ou des parfums) et un délicieux gâteau pour minuit. Juste en face du célèbre café de la Shop, un marchand ambulant propose aux passants quelques jouets à des prix dérisoires. «J’ai des singes qui dansent à 10 dirhams, des mini-tambours à 20 et des ballons lumineux à 15 dirhams», précise-t-il en souriant. «Les enfants pauvres ont bien droit de jouer aussi. Le Nouvel an  est pour tous. D’ailleurs, c’est la période où nos ventes sont boostées.», murmure-t-il en fuyant les deux agents d’autorité mis en place à la demande des commerçants de ce boulevard piétonnier, mécontents de la présence des vendeurs ambulants qui leur font une rude concurrence. D’après un responsable de l’association des commerçants et artisans du boulevard, «ces intrus nous empêchent de travailler tranquillement. Ils proposent nos produits à des prix dérisoires. C’est normal, car ils n’ont pas de charges. Le soir à partir de 23 heures, on les laisse dealer comme ils veulent. Mais le jour, on est obligé de les chasser d’ici. Même nos clients se plaignent d’eux car ils harcèlent les passants». Et d’ajouter : «La majorité de ces vendeurs ambulants sont des arnaqueurs. Ils vendent des produits de contrebande et des imitations au prix fort. Ils font croire aux clients que c’est de la bonne marchandise. Les clients connaisseurs ne traitent jamais avec eux.» Le long de ce boulevard renommé de la métropole, cette ambiance matinale est à son pic. Pour les boutiques du prêt-à-porter, c’est bien l’heure de préparer les présentoirs. Le travail se fait à la chaîne. Les femmes de ménage nettoient le parquet des boutiques et rincent minutieusement les quelques mètres supplémentaires juste devant. La tâche du reste du personnel se partage entre l’installation des présentoirs et l’affichage des prix. Les patrons, quant à eux, vérifient les prix affichés. Quelques discussions entre les patrons et leurs ouvriers, avertis des techniques de la concurrence et des règles de l’offre et de la demande en cette période peu spéciale, ne durent que quelques minutes. Souvent les prix des marchandises sont négociés avec les autres commerçants de ce quartier trop fréquenté. «Nous évitons les problèmes de la concurrence dans le cadre de notre association de professionnels du Boulevard Prince Moulay Abdallah en adoptant des fourchettes de prix raisonnables. Souvent les commerçants proposent la même marchandise à un prix fixe. C’est rare que l’on trouve une petite différence d’une dizaine de dirhams sur un produit. Cette différence est justifiée par plusieurs paramètres», nous a affirmé un commerçant. Ces paramètres qui influencent parfois les prix des marchandises sont très connus : «Le prix d’achat et les charges d’un seul produit varient d’une boutique à une autre. Mais la marge bénéficiaire est la même. Ce qui explique la légère différence des prix affichés par les commerçants du quartier.», poursuit la même source. En somme, la politique des soldes semble  attirer davantage de clients. Elle crée le besoin chez la plupart d’entre eux. A peine ouvertes, les boutiques du prêt-à-porter sont envahies par des dizaines de clients qui préfèrent la matinée pour faire leurs courses de fin d’année. «Il est propice de faire des courses juste après l’ouverture des boutiques. Les commerçants sont souvent dociles avec leurs premiers clients. Ce qui nous permet de négocier les prix même pour les produits en solde. Il est connu qu’un commerçant est toujours superstitieux. Pour lui, c’est le premier client qui influence sa journée.», explique cette cliente peu avertie des points faibles des commerçants. Sa copine quant à elle voit les choses autrement : «Je ne crois pas à ces bêtises. Personnellement, je préfère la matinée pour éviter la foule. Car le soir, il est difficile de faire tranquillement les bons choix.
Surtout que ce quartier est peuplé de dragueurs qui ne cessent de harceler les femmes. Certains nous suivent jusqu’à l’intérieur des boutiques. Les commerçants ne réagissent même pas. Ils doivent par ailleurs faire un effort dans ce sens au lieu d’engager toute l’autorité publique sur place pour empêcher les vendeurs ambulants de s’installer devant leurs boutiques. En réalité, les menaces réelles  pour  ce quartier commercial sont les cafés qui occupent l’espace public, les agresseurs qui nous guettent de partout et aussi ces harceleurs». Des aspects bien visibles dans ce quartier que l’association des commerçants cherche à faire renaître par tous les moyens. Depuis quelques années, plusieurs politiques d’encouragement ont été lancées. Les commerçants organisent plus de quatre fois par an des ventes en solde. Ils s’engagent même dans plusieurs campagnes de communication pour booster leurs ventes. D’ailleurs, le festival des ventes de cette fin d’année est l’une des occasions les plus attendues pour renflouer leurs caisses grevées par les charges des autres mois.
Seules les boutiques des produits cosmétiques et des lingeries échappent à cette stagnation qui frappe ce quartier durant les autres mois. Pourquoi ? «Ils travaillent dans les gammes de produits que les marchands ambulants ne peuvent pas exposer sur les trottoirs. Les femmes n’achèteront jamais de maquillage ou des sous-vêtements en pleine rue.», explique un bijoutier de la place. Ces boutiques des produits destinés aux femmes sont déjà surpeuplées en cette matinée. Tous genres  confondus, les clients ont l’embarras du choix et ne savent plus où se donner de la tête. Les hommes venus en groupes  recourent aux vendeuses qui leur proposent certains produits qui feraient plaisir à leur femme. Les rares hommes habitués à ces courses sont les premiers servis. D’après la responsable d’une franchise internationale installée sur le boulevard, «nos produits sont concurrentiels sur tous les plans, notamment pour ce qui est rapport qualité/prix. En cette période, nous cassons les prix pour permettre à toutes les femmes d’en profiter.» Et de rappeler : «Nos clients masculins sont plus nombreux ces derniers jours de l’année  que d’habitude. Je crois que les hommes commencent à adopter un autre comportement envers leurs femmes et s’adonnent davantage à ce genre de cadeau. Ils savent pertinemment que les femmes adorent recevoir des parfums et des bijoux.» Un constat approuvé par certaines femmes en file devant la caisse. Selon une cliente, «c’est également une occasion d’offrir à nos filles des produits cosmétiques. Ce geste est primordial pour leur éducation. Elles doivent dès maintenant apprendre l’importance du bien-être et de la beauté dans leur vie. Et surtout savoir faire le bon choix des produits utilisés et éviter les imitations et les produits nocifs à leur santé». Pour une autre cliente, il s’agirait plutôt d’une occasion de faire le stock en produits de beauté puisque les prix sont cassés.
De l’autre côté de la ville, plus précisément au Boulevard El Massira, l’ambiance générale en cette fin d’année est un peu différente. Les boutiques de cette partie de la ville sont pratiquement fréquentées par une catégorie de clients bien particulière. Dans ce quartier commercial surpeuplé de franchises, les soldes  ne sont pas à la portée des clients des classes moyennes qui fréquentent le Boulevard Prince Moulay Abdellah. Les clients sont plutôt intéressés par des bijoux de marque. Les boutiques du prêt-à-porter n’accueillent que quelques clients habitués à faire leurs shopings dans ces grandes surfaces. Les panneaux et affiches des soldes sont bien étudiés et répondent aux exigences des clients et surtout au design des boutiques. 
Il n’y a pratiquement pas ces bouts de papiers écrits à la main en feutre rouge ou bleu et qui affichent les soldes. Ici, ce sont  des affiches publicitaires personnalisées et conçues par des agences spécialisées. La communication et l’esthétique des lieux justifient les prix des produits proposés en «solde». Les clients ne tardent pas à faire le choix des cadeaux à offrir ou  des tenues de soirée pour le Réveillon qui s’annonce déjà chaud. Les catalogues distribués aux alentours de ce quartier et dans des centaines de bureaux installés sur le boulevard et les rues avoisinantes ont facilité la tâche aux clients. Ces derniers font leurs commandes par téléphone,  passent régler la note et récupérer leurs marchandises emballées dans de jolis colis. Une opération qui ne dure que quelques minutes. Les chocolatiers et les bijoutiers de ce boulevard accueillent le maximum de clients. Une gamme diversifiée de chocolat de tous les arômes et de toutes les formes est exposée sur des présentoirs conçus pour attirer le maximum de clients ou stimuler un besoin d’achat. Venus de partout de la ville, les clients attendent en file. C’est d’ailleurs le seul commerce qui réunit toutes les catégories de clients. Du chocolat, tout le monde se l’offre en cette période. Les prix sont raisonnables pour tous. Seules quelques franchises sur place offrent une gamme de chocolats importés à des prix peu élevés. Idem pour les franchises de gadgets décoratifs et de bijoux qui boostent en quelque sortes leurs recettes en cette période. «Le cadeau idéal pour un homme est une montre ou un parfum de marque. Pour une femme, c’est un ensemble de bijoux, un parfum aussi ou un accessoire de beauté. Les ensembles de sacs et chaussures sont souvent sollicités par des femmes. C’est pourquoi, nous renforçons nos stocks en ces marchandises bien avant. Souvent nous effectuons nos commandes à nos fournisseurs en octobre. Les arrivages ont toujours lieu en début de décembre.», nous a affirmé un patron d’une franchise.
Les fleuristes n’échappent pas non plus à cette frénésie d’achat. Ils accueillent à leur tour des centaines de clients par jour. Et ce, depuis la soirée de Noël. C’est un détour incontournable en cette fin d’année. Aucune fête ne manque de jolis bouquets de fleurs. Les présentations varient selon le concepteur. Les budgets alloués à cette marchandise aimée par tous déterminent souvent la qualité et le volume de ces bouquets exposés joliment devant les boutiques des fleuristes. D’après un fleuriste du centre-ville, «les prix sont quadruplés en cette saison. Le manque de fleurs chez les grossistes en est la cause. Nous souffrons trop de la pénurie qui frappe ce marché.» Et pourtant, les demandes ne cessent pas. Les clients de dernière minute sont les moins gâtés. Certes, «c’est le geste qui compte. La qualité des fleurs formant le bouquet ne gâche ni le plaisir de les offrir, ni celui de les recevoir», conclut-il.
Les parfumeurs quant à eux sont les plus sollicités. Hommes et femmes en profitent. Ils achètent à la fois pour eux et pour leurs proches. La saison des soldes est l’occasion propice pour prévoir aussi un petit stock. Dans presque tous les quartiers, ces boutiques sont surpeuplées. Les prix sont encourageants et la diversité répond aux attentes de tout le monde. Même les enfants en profitent. Ces derniers, les plus gâtés en cette fin d’année ont bel et bien droit à d’autres cadeaux :  jouets et produits électroniques. Entre ordinateurs et jeux éducatifs, la gamme des cadeaux destinés aux enfants ne manque pas. Les prix sont également à la portée de tous. «En réalité, cette fête est plutôt celle des enfants. Les adultes en profitent pour tourner la page d’une année et entamer une autre en pleine forme et avec beaucoup de dynamisme. D’où les soirées dansantes du Réveillon», chuchote un commerçant de jouets. Celui-ci semble trop occupé par ses clients pour poursuivre la discussion. Il s’installe rapidement devant la caisse qu’il ne quittera pas le long de la journée.