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Le téléphone portable peut nuire à l’équilibre mental de votre enfant et dégrader certaines de ses facultés. C’est un fait avéré. En revanche, la nouveauté tient plutôt dans le moment de la journée où les risques sont les plus élevés. En effet, si l’on en croit une étude inédite réalisée par des chercheurs de l’Université de Rennes, présentée hier par « Santé publique France », le risque qu’un petit développe des retards du langage ou de dysphasie est fortement amplifié s’il est face à la télé, à une tablette, à un téléphone, particulièrement le matin.
Pour en arriver à ces résultats, l’étude a été menée auprès de 276 bambins, âgés de 3 ans et demi à 6 ans et demi. Elle révèle que ceux qui regardent les écrans le matin ont trois fois plus de risques de développer des troubles du langage, allant du simple retard à la dysphasie à un déficit sévère de la production et de la compréhension orale. Mais pas seulement. Le plus inquiétant est que si l’enfant ne parle pas de ce qu’il a vu à l’écran avec un proche ou ses parents, les risques précités sont multipliés par six.
Si par le passé, plusieurs études sur le sujet ont pointé du doigt le temps d’exposition comme facteur aggravant, finalement, ce ne serait pas le cas. Contactée par « Le Parisien », l’autrice Manon Collet, médecin généraliste dans le bassin rennais, a expliqué que «peu importe le temps, le problème, c’est l’exposition dès le lever. » Des propos corroborés quelques lignes plus bas par le pédopsychiatre, Lise Barthélémy : «Les écrans, le matin, les excitent toute la journée. En consultation, je vois des petits agités, des comportements brouillés. » Egalement cité, le Collectif « surexposition écrans » (Cose) pointe du doigt la relation de cause à effet, entre la démocratisation des « joujous numériques » et « une hausse faramineuse des troubles du langage, de l’apprentissage, du comportement, relationnels »
A l’école, les instituteurs font rapidement la différence entre les enfants biberonnés à la tété et les autres qui le sont moins, ou pas du tout. Une différence apparemment flagrante. « Souvent à l’écart, ils n’ont pas le langage pour décrire leurs émotions alors ils poussent, griffent, tapent », explique via la même source Maryse Chrétien, présidente de l’Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques.
Des attitudes qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à celle exprimée par un enfant qui a passé ses matinées devant les écrans dont la famille a accepté de témoigner. En suivant le conseil d’un pédopsychiatre, les parents ont débranché la télé et interdit tous les écrans. Ceux-là ont été remplacés par des jeux de pâte à modeler et des randonnées le week-end. Le résultat ne s’est pas trop fait attendre. Si le premier jour, l’enfant a boudé, au bout d’une semaine, sa colère a fait place nette à l’apaisement et son mutisme à la logorrhée. En plus, le dialogue s’impose lui aussi comme une solution idoine. « Il ne faut pas brimer les enfants. S’ils veulent voir Mickey, par exemple, il vaut mieux leur proposer de raconter l’histoire après, de façon à alimenter un lien social », ajoute le Collectif « surexposition écrans »
Interrogé par le quotidien francilien, le docteur en neurosciences à l’Inserm, Michel Desmurget, a quant à lui porté un regard un peu plus poussé, notamment au niveau des retards du langage développé par les enfants. « En le mettant devant un écran, vous le privez d’une discussion quotidienne. Ce sont des milliers de mots qu’il n’apprendra pas. Si vous échangez beaucoup avec lui, il connaîtra 1.100 à 1.200 mots à 3 ans, alors que si vous parlez peu, seulement 500. » Une préoccupation majeure, surtout que d’après lui, ce retard est difficile à rattraper, pour ne pas dire impossible, car « toucher au langage, c’est toucher au cœur de l’intelligence humaine ».
En outre, Desmurget souligne que la limite d’âge de trois ans n’est ni plus ni moins qu’une « jolie arnaque marketing ». Il argumente :« Les publicitaires développent des programmes prétendument adaptés aux plus de 3 ans, alors qu’en réalité, les écrans sont aussi délétères à 2 ans qu’à 4 ans. Qu’importe leur âge, les enfants ne doivent pas être exposés à la télé, aux tablettes, aux smartphones. Pour moi, c’est zéro écran jusqu’à 6 ans. » Puis de conclure : «On est face à un problème majeur de santé publique. Aujourd’hui, on se rend compte aussi qu’une personne âgée qui regarde la télé trois heures par jour a deux fois plus de risques de développer la maladie d’Alzheimer. Ces écrans nous rendent bêtes. C’est une expérience de décérébration.»