Les équipes en place ont entamé ici et là quelques actions de réparation, de remise en ordre de certains aspects défectueux de la vie communale dans l’espoir de séduire les électeurs. Des couches de cosmétique sur une réalité désastreuse en termes d’équipements et de qualité de service. Mais, nul débat autour de la gestion communale comme bilan et comme philosophie; quelques polémiques sporadiques à Casablanca et Rabat notamment ; pour le reste, c’est le calme plat.
Certains fins connaisseurs du système rétorquent cependant que toute l’effervescence que vient de vivre le pays faisait en réalité partie d’une stratégie électorale: on va même jusqu’à dire que l’affaire du nouveau Code de la route a été au centre d’une gigantesque opération de manipulation électorale. C’est de bonne guerre, sommes-nous tentés de dire tant que cela permet de mobiliser les troupes, de faire tourner la machine…mais l’essentiel est que le rendez-vous de juin ne soit pas ramené à un simple règlement de comptes politique; à un vaste calcul partisan pour renforcer telle position, asseoir tel acquis et gagner quelques points dans le délicat exercice des rapports de force.
D’un point de vue stratégique, nous pensons qu’autour de ces élections se joue autre chose. Il y a bien sûr des intérêts partisans, légitimes dans la mesure où ils s’expriment dans la transparence de l’espace public mais il y a aussi des enjeux que nous qualifierons de fondamentaux de la démocratie. Il ne faut pas oublier en effet que ce nouveau rendez-vous électoral arrive dans un contexte marqué par la désaffection des citoyens vis-à-vis de la chose publique en général et des élections en particulier. L’un des enjeux, en principe, du rendez-vous de juin est de fournir aux citoyens une occasion de retrouver de l’intérêt dans l’exercice démocratique. Une occasion importante d’autant plus que nous sommes en présence d’un scrutin de proximité censé mobiliser et motiver autour des affaires du quotidien. Une occasion pour redonner sens à la démocratie quasiment au sens propre du mot: le peuple prenant en main ses propres affaires. Hélas, il n’en est rien. Le climat qui prédomine renforce l’idée que la politique s’éloigne davantage des gens et devient l’apanage de quelques spécialistes, de quelques clients…on assiste à un phénomène inouï: le nombre de citoyens prenant part à une élection comme votant se réduit sans cesse au moment où le nombre de ceux qui se présentent à une élection augmente: sociologiquement cela va donner naissance à une caste qui s’auto-reproduit loin de la dynamique populaire. C’est un risque mortel pour notre jeune démocratie.
On aurait aimé assister à des débats de fond sur le rôle de la commune dans la construction démocratique. On a préféré plancher sur l’élaboration d’un code électoral tellement technique qu’il rend le vote lui-même inutile tant celui-ci (le vote) est corrigé par des calculs de liste, de quota…sous prétexte d’une discrimination positive, on n’est pas loin finalement du système de la cooptation. Le moment de l’élection communale aurait été le moment d’une réflexion pour améliorer le fonctionnement démocratique de base par des ouvertures procédurales qui ne se réduisent pas au seul mode électoral. Le drame de la démocratie locale est le désintérêt des citoyens. On aurait pu les motiver par des propositions de démocratie participative élargie tel le référendum d’initiative populaire au niveau de la commune; les conseils de quartier…en d’autres termes, redonner à la démocratie son contenu original. Cette fois c’est raté.