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Bidonvillois et «bétonvillois» ne savent plus où donner de la tête : La “Ceinture de la misère” croule toujours sous les eaux


Rida ADDAM
Jeudi 2 Décembre 2010

Taoufiq Hjira, ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'Espace, aura-t-il des comptes à rendre ?  Son programme «Ville sans bidonvilles» est tombé à vau-l'eau. Les dernières pluies qui ont provoqué des dégâts matériels et des victimes dans les différents quartiers insalubres ont démontré que la lutte contre les bidonvilles n'a pas permis de les éradiquer en faveur d'un habitat de bonne qualité, mais de simples « bétonvilles » où il ne fait vraiment pas bon vivre. En un mot : la gangrène urbanistique qui ronge le pays persiste. Et pourtant les pouvoirs publics avaient déboursé, rien qu'à Casablanca, quelque 8 milliards de dirhams dans la lutte contre l'habitat insalubre en 2007. Cet énorme budget qui est proche de celui de Tanger Med (11 milliards de DH), s'est volatilisé dans des opérations qui n'ont pas permis de réduire la taille de certains bidonvilles, pourtant anciens. Depuis quelques années, des quartiers d'habitat social ont poussé un peu partout sans logique urbanistique et surtout avec le strict minimum d'infrastructures. Preuve à l'appui : il a fallu juste une centaine de millimètres de pluies (170 mm) pour transformer ces quartiers en vrais marécages. Le bilan est catastrophique : les petites ruelles qui séparent ces blocs en bétons nommés immeubles sont inondées, les toits gouttent, le retour d'eau des égouts envahit les mini-appartements de quelques dizaines de mètres, quelques balcons risquent à tout instant de s'écrouler, etc. La liste des dégâts est plus longue que la durée de vie de ces «bétonvilles» construits dans la précipitation pour soi-disant éradiquer certains bidonvilles de la métropole.
Idem au niveau des quartiers résidentiels où les normes de construction ne sont pratiquement jamais respectées. Dans différents quartiers de la métropole, l'amertume est à son comble. A l'instar des habitants des autres villes, les Casablancais sont déçus de la qualité des blocs de béton qu'ils ont payés très cher. Surtout que l'infrastructure et l'architecture des quartiers laissent à désirer. Les promoteurs ne semblent avoir d'autres objectifs que de  réduire les coûts de construction. Ils profitent du laxisme des contrôles pour jouer sur la qualité des matériaux utilisés et transforment les plans ne varietur sans le moindre respect des normes en la matière. Résultat : des blocs en béton menacés d'effondrement, surtout qu'un nombre important des immeubles de Casablanca sont construits dans des zones anciennement marécages. Notons dans ce sens que la métropole est une ville qui nage sur plusieurs courants d'eau dont le plus réputé est celui de l’Oued Bouskoura qui traverse la ville de long en large.
Le constat ne fait pas le bonheur des habitants des quartiers résidentiels où le moyen et haut standings règnent en maîtres. Ils  partagent les mêmes soucis et sentiments d'amertume que leurs concitoyens regroupés dans le logement social. Sachant qu'il n'y a pratiquement pas de différences entre les deux catégories de logements puisque les contraintes sont les mêmes. Seuls les quelques mètres supplémentaires dans les superficies des appartements et les matériaux à usage décoratif privilégient les habitants des quartiers résidentiels.
L'autre revers de la médaille ne fait non plus pas le bonheur des citoyens de Casablanca qui regroupe plus de 36% des bidonvilles nationaux. Pour les autres villes, le phénomène est presque stéréotypé. Et la misère des citoyens se poursuit. Depuis quelques jours, leurs maigres biens croulent sous les eaux qui ont envahi leurs bidonvilles et leurs «bétonvilles». Et ce n'est pas sans ironie de rappeler que même le terme «bidonville» a été inventé dans cette métropole. Le ministre savait-il que les bidonvilles de Casablanca sont indéracinables depuis les années 20? Rien n'est sûr. Surtout qu'il avait juré devant la presse nationale et les autorités publiques de la métropole qu'il appréhendait de quitter le gouvernement sans avoir résolu ce problème. Le vent ne semble pas souffler en sa faveur. On est bien à la quatrième année du programme, mais les bidonvilles font toujours de la résistance. Pire, ils continuent à proliférer. Le ministre le savait puisqu'il avait souligné qu'il ne suffisait pas d'éradiquer les bidonvilles qui existent, car d'autres naîtront inéluctablement. Il a même trouvé la formule magique qui, avec le temps, s'est elle-même avérée inefficace : «Il faut donc prévenir ces naissances par l'intensification de l'offre en logements à bas prix, une offre qui doit impérativement être adaptée aux revenus. Les prix ne doivent en aucun cas dépasser les 140.000 DH», insistait-il pour lancer le programme de l'habitat social (50m2) et les quartiers résidentiels (entre 50 et 84m2) à proximité et à la portée de la classe moyenne. Cette classe sociale qui a disparu depuis bien des années.
Il est à rappeler qu'au niveau de la région du Grand Casablanca, quelque 100 mille ménages vivent dans des bidonvilles répartis en 550 noyaux. La cartographie des implantations de ces habitations insalubres dans la métropole montre l'ampleur du développement de ces véritables «villes» dans la ville. Deux des plus importants bidonvilles sont localisés dans les communes d'Anfa et du Mâarif. Pour leur part, par la taille, les carrières de Sidi Moumen et d'Aïn Sebaâ sont les plus grands bidonvilles de Casablanca. Ils abritent, chacun, plus de 10 mille ménages. Et ce n'est pas tout : La carte des bidonvilles casablancais est complétée par Hay Hassani, Lissasfa, Sidi Maârouf, Ben M'sick-Sidi Othmane, Moulay Rachid, Moulay Youssef, Mediouna, Sidi Bernoussi, Ahl Laghlam. Des régions ou quartiers où les responsables ont implanté massivement des «bétonvilles» et des quartiers résidentiels pour dissimuler des ménages qu'ils ne peuvent éradiquer à cause des problèmes à caractère social qui favorisent leur augmentation. D'après la Banque mondiale, cette croissance serait non seulement une conséquence de la pauvreté mais également de la réponse inadéquate de l'offre sur les marchés formels des terrains et logements soumis à des réglementations rigides et coûteuses en matière d'aménagement, des systèmes inadaptés de financement des infrastructures, et l'impact de ces contraintes sur le coût des terrains et logements des systèmes formels, etc. Ce qui explique également, selon les experts de la BM, l'expansion des zones de peuplement informelles en violation des normes existantes d'aménagement et d’utilisation de terrains et considérées illégales.
En attendant l'éradication des bidonvilles de la métropole et ses agglomérations, des dizaines de milliers de citoyens croulent sous les eaux. Ils attendent des réactions concrètes des responsables qui ont brillé par leur absence, notamment à Mohammedia où les habitants des bidonvilles Brahma Cherkaoua, Al Massira, et autres sont sans abri. Leurs modestes biens sont engloutis par les eaux. Ils attendent les aident qui n'arrivent toujours pas. 


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