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"Je n'ai plus assez de T-shirts", avoue Pinar Bad, 30 ans, vendeuse sur l'avenue Istiklal, à quelques centaines de mètres de l'emblématique place Taksim, épicentre avec le parc Gezi de la contestation.
A côté des vêtements de gothiques, ou des T-shirts avec des messages anarchistes, se trouve toute une série de vêtements flanqués des slogans des manifestants.
"Résiste Gezi" avec l'oiseau bleu du réseau social Twitter, ou la désormais célèbre formule "Je suis un alcoolique", en référence aux propos du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan présentant les contestataires comme des ivrognes, "s'arrachent comme des petits pains", s'amuse Pinar Bad.
"Personne n'avait imaginé que ces produits marcheraient si bien", dit-elle.
En juin, la Turquie a vécu au rythme d'une mobilisation sans précédent. Parti de la volonté de sauver les arbres du parc Gezi, le mouvement s'est rapidement mué en une révolte contre le gouvernement islamo-conservateur de l'AKP.
A l'occasion de ces manifestations et de la réponse ferme et violente des forces policières, cinq personnes sont mortes, plusieurs milliers d'autres ont été blessées et des centaines ont été arrêtées.
"Mon patron est socialiste", confesse Roy Timo, 24 ans, vendeur dans une boutique d'Istanbul. Avec ses tatouages flanqués sur tout le corps, et son chapeau melon, il présente avec enthousiasme ses produits "Gezi" aux jeunes intéressés et délaisse un peu les autres.
"Au début du mouvement, on a donné gratuitement tous ces produits liés à Gezi", s'emballe-t-il, mais "aujourd'hui il faut combler les pertes" en vendant une tasse à 12 livres turques (soit un peu moins de cinq euros) et un T-shirt à 15 (environ six euros), explique-t-il.
"Nous, on était à fond avec les manifestants!", ose-t-il même lancer devant sa clientèle.
Les acheteurs sont aussi bien des touristes, curieux d'"emporter des souvenirs", que des Turcs, qui portent ces vêtements lors des rassemblements place Taksim. "Une manière d'affirmer ses opinions", estime Roy.
Contrairement à la vente des tasses et des t-shirts, certains produits ont été créés pour aider directement les personnes emprisonnées lors de ces manifestations.
Une styliste a lancé des sacs en toile, flanqués de photos devenues très célèbres de la contestation. L'objectif est d'utiliser les fonds récoltés pour aider les femmes emprisonnées à s'acheter les produits de première nécessité.
La presse satirique a elle aussi tiré son épingle du jeu. "Nous vendons beaucoup plus les mensuels qui ont fait leur couverture sur Gezi, et qui les soutiennent, que les quotidiens nationaux", explique Ergül, 50 ans, gérant d'un kiosque sur la place Taksim. Éberlué, il dit en vendre "des centaines et des centaines par mois, c'est incroyable". Dans les librairies, les premiers livres publiés sur la contestation rencontrent un succès fou.
Imprimé pour la 11e fois en moins d'un mois, "Les 30 jours qui ont secoué la Turquie - la résistance du parc Gezi", d'Emre Kongar et Aykut Küçükkaya, rencontre un très grand succès.
"Le livre s'achète partout en Turquie, pas seulement dans les grandes villes", explique la maison d'édition Cumhuriyet Kitaplari.
Au-delà du récit détaillé des manifestations, l'ouvrage étudie aussi le mouvement: près de 60% des manifestants ont rejoint le mouvement parce qu'ils avaient le sentiment que "leurs libertés diminuaient jour après jour", et pour 69% d'entre eux, c'est à travers les réseaux sociaux qu'ils se sont informés et se sont mobilisés. Le sondage a été réalisé les 6 et 7 juin auprès de 4.411 personnes.
"Le livre se vend tellement bien que nous n'arrivons pas à répondre à toute la demande et à approvisionner les magasins", conclut Cumhuriyet Kitaplari.