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La scène semble réelle. Pourtant, elle ne l'est pas. Bienvenue en Alpésie, pays imaginaire créé par l'ONG il y a 15 ans dans les bois de Genève en Suisse. Un territoire où les rebelles du Front de libération Séquane affrontent les autorités et où les nouveaux délégués de l'organisation humanitaire apprennent à mieux affronter les dangers croissants auxquels ils sont confrontés: attaques, enlèvements ou bombardements d'hôpitaux.
Les délégués doivent avoir entre 25 et 35 ans et sont près de 200 par année à passer le test.
Dans les bois de Genève, le programme est le même. Check-point militaire, visite d'un hôpital détruit ou d'un camp de déplacés... tout cela sur huit jours, avec une formation pratique et théorique.
Par petits groupes de cinq environ, les nouveaux délégués du CICR partent en 4x4 dans la forêt de Genève. Ils doivent se rendre dans un camp de déplacés, mais rencontrent en chemin un poste de contrôle militaire.
Certains délégués sont éloignés du groupe par un militaire qui les tient en joue avec un véritable fusil d'assaut. Les délégués doivent alors savoir utiliser les bons mots, expliquer leur neutralité et leur mission, pour être libérés. "Parfois, les faux militaires du CICR haussent le ton s'ils ne sont pas satisfaits du comportement des nouveaux délégués", explique à l'AFP un porte-parole du CICR, Philippe Marc Stoll.
Une fois le jeu de rôle terminé, le débriefing est sévère mais l'examen n'est plus éliminatoire.
Cette fois, un des faux militaires, Benjamin Eckstein, s'énerve car les délégués ont laissé un soldat armé monter dans la voiture, ce qui en fait "une cible militaire légitime". "La simulation que nous avons eue sur le terrain était vraiment réelle", s'enthousiasme Gaia Pallechi, envoyée à Bogota en Colombie. Cela permet de corriger les erreurs et de les "éviter sur le terrain", fait valoir Nezar Tamine, qui part pour Beyrouth.
Difficile pour autant d'éviter tous les dangers. "2012 a été l'année la plus difficile pour le CICR en termes de sécurité depuis 2003 et 2005", selon le patron de l'ONG, Peter Maurer.
En Syrie, le conflit a déjà coûté la vie à 20 employés du Croissant-Rouge national. Les temps sont durs pour les organisations humanitaires, alors que les conflits -- comme en Syrie -- tendent à s'éterniser.
En 2011, 308 travailleurs humanitaires ont été tués, enlevés ou blessés, un record, selon les dernières statistiques de Humanitarian Outcomes, un groupe de chercheurs basé aux Etats-Unis et dont les données sont suivies par l'ONU. La plupart des attaques ont lieu dans un petit nombre de pays: Afghanistan, Somalie, Soudan du Sud, Pakistan et Soudan.
Après un repli en 2010, le nombre total d'incidents contre les travailleurs humanitaires a repris du terrain, confirmant une tendance enregistrée depuis 2005, en particulier en ce qui concerne les enlèvements.
Selon les Nations unies, les enlèvements sont le type d'atteinte à la sécurité des agents qui connaît l'augmentation la plus rapide. Il y a eu ainsi 87 travailleurs humanitaires enlevés en 2012 contre 24 en 2002, selon Humanitarian Outcomes.
"Nous étions pris dans des feux croisés il y a 10 ou 20 ans, maintenant nous sommes pris pour cible", explique à l'AFP le patron du département des situations d'urgence au Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Amin Awad.
Au HCR, les délégués envoyés dans les situations d'urgence participent aussi à des jeux de rôle -- en Allemagne, Suède et Norvège. Prise d'otage, enlèvements, stress, tout est fait pour qu'ils soient "prêts au pire", explique M. Awad.
Pour sa part, l'ONU augmente aussi les préparatifs et a lancé en novembre 2011 une version révisée du cours de formation en ligne "Sécurité de base en mission". Et depuis cinq ans, le personnel envoyé sur les urgences reçoit en plus une formation spécifique, explique un porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Jens Laerke.
A l'ONU, la formation pour le terrain "s'est professionnalisée ces 4/5 ans, mais il y a encore du travail à faire", reconnaît-il.
D'autres soulignent l'importance de défendre la neutralité des ONG afin de garantir leur sécurité. Mais, "quand vous avez 10.000 ONG, les gens ne savent plus" qui vous êtes, explique Philippe Ruscassier, en charge de la formation chez Médecins sans frontière (MSF) et qui a organisé des jeux de rôle pour l'Institut de formation pour les métiers de l'humanitaire Bioforce à Lyon en France.
Mais malgré les dangers, le nombre d'ONG travaillant dans l'humanitaire n'a jamais été aussi élevé. On les trouve désormais presque partout sur la planète, et donc toujours plus exposées aux risques.