Sous un gouvernement effacé : L’économie informelle n’a de cesse de prendre du grade

2021–2025, quatre années pendant lesquelles l’Etat a reculé, le désordre s’est installé


Mohamed Assouali
Vendredi 28 Novembre 2025

Sous un gouvernement effacé : L’économie informelle n’a de cesse de prendre du grade
Entre 2021 et 2025, le Maroc a connu un phénomène assez bizarre. Sous un gouvernement qui ne cesse de se targuer de regorger de compétences: l’économie informelle a progressé. Non pas parce que celle-ci était trop forte, mais parce que l’Etat s'est démarqué par son absence quasi totale de l'espace de régulation et de contrôle de l'activité économique. Ce n’est pas l’informel qui a gagné du terrain ; c’est le gouvernement qui le lui a cédé. Le résultat est connu : près d’un tiers du PIB échappe partiellement ou totalement aux circuits déclarés, plus de 40% de la main-d’œuvre travaille hors radar, et 34 milliards de dirhams échappent chaque année à l’impôt. Le pays a avancé quatre ans «à découvert», sans régulation ferme, sans vision, sans cohérence. La question n’est plus de savoir pourquoi l’informel prospère, mais de comprendre comment un gouvernement doté d’une majorité confortable a réussi à laisser se déliter l’un des fondements de l’économie nationale.
 
1. Un Etat effacé, un marché livré à lui-même

Pendant que le gouvernement promettait «l’Etat social», l’Etat réel se retirait des marchés. Les contrôles ont ralenti, les inspections se sont espacées, et la régulation est devenue sporadique. Dans ce vide, l’informel n’a pas eu besoin d’être malin ; il lui a suffi d’exister. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 28% et 33% du PIB hors des circuits déclarés, 34 milliards de dirhams de pertes fiscales, et une administration incapable d’assurer la traçabilité minimale de la valeur ajoutée. Le gouvernement a entretenu l’illusion d’une économie maîtrisée, alors qu’il fermait les yeux sur l’un de ses plus grands angles morts. Le marché s’est autorégulé… c’est-à-dire qu’il a dérivé.
 
2. Les tensions sociales ont servi d’alibi à l’impuissance publique

Entre 2021 et 2025, chômage à  13%, chômage des jeunes à 35%, pouvoir d’achat faible: le terrain était propice à l’informel, et le gouvernement en a fait un prétexte. Au lieu d’imposer un cadre, il a laissé les acteurs chercher des issues individuelles. Les petites unités productives ont basculé dans le non-déclaré pour survivre ; les ménages ont privilégié les circuits bon marché faute d’alternatives. L’informel n’est pas né de la crise sociale : il a été rendu nécessaire par la passivité publique. Pendant que la situation se dégradait, l’exécutif s’est contenté de discours, de slogans et de promesses recyclées. Aucune mesure sérieuse n’a réduit le coût de la conformité ; aucune réforme n’a rendu l’économie formelle plus accessible. Le social a servi d’argument, jamais de politique.
 
3. Un contrat fiscal abîmé volontairement

Le gouvernement n’a pas seulement failli ; il a envoyé les mauvais signaux. L’amnistie de 2024, révélant 100 milliards de dirhams d’actifs dissimulés, a montré que la non-déclaration peut être récompensée. Comment encourager la conformité lorsque ceux qui s’en affranchissent obtiennent des avantages ? La confiance fiscale n’a pas été érodée : elle a été sabotée. Les règles du jeu ont changé au gré des besoins budgétaires, sans cohérence et sans vision d’ensemble. Résultat : les entreprises conformes se sentent abandonnées et biaisées; les autres, confortées. Ce n’est pas un déficit de civisme : c’est un déficit d’Etat.
 
 
4. Une économie parallèle devenue plus visible que l’économie officielle

Entre 2021 et 2025, l’informel s’est installé comme une économie alternative, avec ses réseaux, ses prix, ses circuits de distribution, ses règles implicites. Il influence désormais le marché bien plus que la politique gouvernementale. Quand un tiers de l’activité échappe à la déclaration, ce n’est plus un «secteur informel» : c’est une architecture économique parallèle. Cette réalité affaiblit la protection sociale, fausse la concurrence, décourage l’investissement productif et prive le pays d’outils fiables pour piloter son développement. L’Etat a perdu du terrain parce qu’il a cessé de le défendre.
 
Conclusion : tourner la page 2021–2025 et reconstruire un Etat régulateur solide

Le quinquennat 2021–2025 a montré  les limites d’un gouvernement qui a confondu majorité parlementaire et capacité de gouverner. L’économie informelle n’a pas explosé par fatalité ; elle a prospéré parce que le cadre public était trop fragile, trop hésitant, trop incohérent. Le Maroc ne peut pas continuer sur cette trajectoire sans sacrifier son économie formelle, sa justice fiscale et sa capacité à financer un véritable Etat social.

Ce tournant exige une nouvelle direction politique capable d’assumer la régulation, de rétablir la confiance fiscale et de redonner à l’économie formelle son sens et son avantage.

L’Union socialiste des forces populaires porte cette orientation : une conception claire de l’Etat régulateur, une vision de la justice fiscale et une cohérence politique que la période 2021–2025 a montré comme nécessaires. La reconstruction ne viendra pas d’un slogan, mais d’une main ferme et d’un projet assumé. C’est précisément ce que l’USFP met aujourd’hui sur la table.

Par Mohamed Assouali
Secrétaire provincial du parti à Tétouan, membre du Conseil national.


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