«Et si l’Espagne régularise la situation administrative des travailleurs marocains transfrontaliers bloqués à Sebta et à Mellilia» ?, c’est ce que demande aujourd’hui l’Association pour les droits de l’Homme en Andalousie (APDHA) pour mettre fin à un drame humanitaire qui perdure depuis plusieurs mois. Une solution qui s’avère urgente et primordiale puisqu’un arrêté du ministère espagnol de l'Intérieur, publié mardi 2 novembre 2021 au Bulletin officiel (BOE), vient de prolonger d'encore un mois, jusqu'au 30 novembre 2021 à 00h00, la fermeture des frontières séparant le Maroc de Sebta et Mellilia. Les autorités espagnoles n'excluent pas une nouvelle prorogation à la fin de ce délai, rapporte le site econostrum.info. Dans un manifeste publié sur le site de l’APDHA, la régularisation s’impose comme la seule issue face à une situation considérée comme « intenable » pour les plus de 3.500 travailleurs transfrontaliers qui sont bloqués des deux côtés après la fermeture des frontières. Selon l’ONG andalouse, ces personnes vivent aujourd’hui dans une situation de vulnérabilité sociale, juridique et émotionnelle de peur de perdre leur emploi, leurs cotisations et leurs droits fondamentaux au travail. Elles sont également totalement démunies face à l'impossibilité de se rendre au Maroc pour renouveler leurs papiers, « ce qui affecte leur droit aux soins, entre autres, dans les centres de santé, particulièrement dans une situation de crise sanitaire», précise le manifeste. Ces travailleurs frontaliers se sentent oubliés et incapables d’atteindre un minimum de stabilité et de sécurité. Ils ressentent même de la frustration face à l'inaction de l’administration espagnole. Une situation jugée inacceptable par l’APDHA pour des personnes qui travaillent depuis plus de 20 ans et qui ont contribué et contribuent encore au développement de la ville de Sebta. Amin Souissi, membre de l’APDHA, a déclaré aux médias espagnols que « ces personnes sont traitées de manière cruelle par l’administration » et a dénoncé le fait qu'elles "se retrouvent sans aucun document, sans carte transfrontalière, sans droit à la sécurité sociale, alors qu'elles payent des cotisations de sécurité sociale depuis des années, ainsi que leurs impôts». Il a également indiqué que « ces personnes ont acquis des droits qui doivent être respectés » avant de préciser que « ce qui inquiète aujourd’hui le plus ces Marocains, ce n'est pas de savoir quand ils vont pouvoir quitter Sebta pour rejoindre le Maroc et voir leurs familles, mais c’est plutôt la peur d’être empêchés de rentrer à Sebta où ils disposent d'un travail ». A ce propos, ladite association exige des mesures urgentes de la part de la Délégation gouvernementale à Sebta pour régulariser la situation de ces personnes et mettre fin à l'injustice et aux violations dont elles sont victimes. « En plus de l'ouverture des frontières de Sebta pour normaliser une situation manifestement injuste qui dure sans raison », souligne le manifeste. Par régularisation, l’APDHA exige un permis de travail temporaire et une carte de séjour d'un an renouvelable en vertu de la loi sur l'immigration. L'objectif : assurer une stabilité administrative à ces travailleurs qui n'ont pas pu voir leur famille pendant une année et demie et qui redoutent la perte de leur emploi en cas d’un retour au Maroc. Selon Omar Naji, militant des droits de l’Homme et spécialiste des questions migratoires, cette situation de blocage des travailleurs frontaliers marocains a contraint plusieurs d’entre eux à déposer des demandes d’asile auprès des autorités de la ville afin de jouir de la liberté de circulation. Une solution qui s’avère inopérante puisqu’« un grand nombre de ces demandes ont été rejetées en l’absence de motivations convaincantes », nous a-t-il indiqué. D’autres ont cherché plutôt une issue via les réseaux des passeurs. « Nous avons constaté une arrivée massive de clandestins à Sebta via des jet-skis, précisément la fin du mois de septembre dernier », nous a affirmé Ahmed Khalifa, de l’Association marocaine d’intégration des migrants à Malaga. Et d’ajouter : « Selon plusieurs témoignages, ces travailleurs estiment que c’est la seule solution pour pouvoir se déplacer librement et sortir de leur prison à ciel ouvert (Sebta et Mellilia) ». Notre source considère, cependant, qu’il faut distinguer entre les travailleurs frontaliers qui travaillent depuis au moins 30 ans dans les présides occupés et entre les personnes issues de Tétouan ou Fnideq qui ont rejoint Sebta à la nage ou à pied depuis le Maroc en mai dernier. « Ces derniers n’ont plus où aller et n’ont pas de ressources, ce qui a compliqué davantage leur situation », nous-t-elle expliqué. Un état des lieux que confirme Omar Naji qui nous a précisé que les autorités espagnoles ne prennent pas en charge ces personnes, notamment après la fermeture du centre mis en place pour les accueillir. « Aujourd’hui, seuls ceux qui ont déposé une demande d’asile peuvent accéder au Centre d’internement d’étrangers (CIE). Pour les autres, ils doivent se débrouiller seuls ou à l’aide de quelqu’un de leur famille sur place », a-t-il noté. A rappeler que le 1er novembre dernier, une cinquantaine de travailleurs marocains ont organisé un sitin devant la délégation du gouvernement à Sebta pour demander à quitter la ville. Une caravane féministe pour soutenir les travailleurs transfrontaliers à Sebta sera lancée prochainement pour sensibiliser l’opinion publique et l’administration sur la situation de ces personnes laissées-pour-compte.