Les Lions de l’Atlas retrouvent leur verve et affirment leur statut

Dissiper les doutes et rallumer la flamme


Mehdi Ouassat
Mardi 30 Décembre 2025

Les Lions de l’Atlas retrouvent leur verve et affirment leur statut
Rabat n’a pas seulement assisté à une victoire. La capitale a vécu, lundi soir, une véritable libération collective. Sous les projecteurs du stade Prince Moulay Abdellah, l’équipe nationale du Maroc a balayé la Zambie avec autorité, trois buts à zéro, pour conclure la phase de groupes de cette CAN 2025 à domicile en patron assumé, premier du groupe et qualifié pour les huitièmes de finale. Un succès net, plein, maîtrisé, qui a dissipé les doutes, calmé les tensions et rappelé à tous pourquoi les Lions de l’Atlas portent, depuis le premier jour, l’étiquette de favori.

Car ce match n’était pas un simple rendez-vous comptable. Après une entrée en matière peu convaincante contre les Comores et un nul frustrant face au Mali, le Maroc avançait sous une pression lourde, presque étouffante. Le public attendait une réponse. Les critiques s’étaient accumulées, parfois excessives, parfois fondées. Walid Regragui, figure centrale de ce projet, se retrouvait une nouvelle fois au cœur du débat. Il fallait donc plus qu’une qualification déjà en poche. Il fallait une démonstration. Elle est venue, éclatante.

Dès les premières secondes, le ton a été donné. Intensité maximale, pressing haut et volonté de jouer vers l’avant sans détour. Le Maroc a étouffé la Zambie dans des proportions rares à ce niveau. Les Chipolopolos n’ont jamais pu installer leur jeu, ni même espérer imposer le moindre rapport de force physique. Très vite, la possession a basculé de manière écrasante en faveur des Lions, avec près de 70% dès le premier quart d’heure, symbole d’une domination totale et assumée.

Cette emprise s’est matérialisée rapidement. Sur un centre ciselé de Azzedine Ounahi, Ayoub El Kaabi surgit entre trois défenseurs et place une tête plongeante imparable (9’). Un geste de pur numéro neuf, précis, clinique, qui libère le stade et lance définitivement la soirée marocaine. El Kaabi, déjà décisif lors de la première rencontre, confirmait ainsi son état de grâce. Il ne s’arrêtera pas là.

Le Maroc, loin de se contenter de cet avantage, a continué à accélérer. La circulation du ballon était fluide, intelligente et souvent verticale. Ounahi, véritable chef d’orchestre du milieu, a livré une prestation majuscule. Il a créé plus d’occasions que tout autre joueur sur le terrain (4), subi le plus de fautes (5), disputé un nombre impressionnant de duels (15), tout en délivrant deux passes décisives. Son influence a été constante, aussi bien dans la construction que dans la désorganisation du bloc adverse.

A la demi-heure de jeu, sur une nouvelle ouverture inspirée d’Abdessamad Ezzalzouli, Brahim Diaz surgit dans la surface et conclut du pied gauche (27’). Ce troisième but en trois matchs de poule propulse le madrilène au sommet du classement des buteurs du tournoi et l’inscrit dans l’histoire. En marquant lors de chacune des rencontres de groupe, il égale la performance d’Ahmed Faras, Ballon d’or africain en 1975 et figure éternelle du football marocain. Un clin d’œil du destin, lourd de symbole, quelques mois après la disparition de la légende.

A ce moment-là, les chiffres parlaient d’eux-mêmes. Plus de 200 passes réussies contre moins d’une centaine pour la Zambie, 8 tirs contre un seul, une maîtrise totale du tempo. Les Lions de l’Atlas jouaient juste, vite et avec une confiance retrouvée. Les dribbles réussis en une heure de jeu contre la Zambie dépassaient déjà le total cumulé des deux premiers matchs de poule. Le Maroc s’exprimait enfin avec liberté.

La seconde période n’a fait que confirmer cette impression de puissance tranquille. Cinq minutes après la reprise, Ayoub El Kaabi signe l’un des gestes les plus marquants de cette CAN. Un retourné acrobatique d’une pureté rare, son deuxième du tournoi, son troisième but personnel. Dans une compétition où l’efficacité prime souvent sur l’esthétique, l’attaquant de l’Olympiacos rappelle que le football peut aussi être un art. Élu homme du match avec une note éclatante (8,7), il a incarné à la fois le pressing incessant, le sens du but et le sacrifice collectif.

Autour de lui, tout fonctionnait. Ismaël Saibari, replacé dans un rôle axial plus cohérent, a remporté le plus grand nombre de duels de la rencontre (10). Noussair Mazraoui, d’une solidité remarquable, n’a, quant à lui, perdu aucun de ses duels (6/6). Nayef Aguerd, patron discret mais essentiel, a été le joueur le plus sollicité à la relance, enchaînant les passes propres et rassurantes (65 réussies sur 68). Cette ossature a permis au Maroc de jouer haut, de récupérer vite et d’asphyxier un adversaire dépassé.
Et puis est venu le moment que tout un stade attendait. A la 64ème minute, Achraf Hakimi fait son entrée. L’ovation est immense, presque émouvante. 59 jours après sa blessure, le capitaine retrouve la pelouse, et avec lui une dimension supplémentaire. Sa simple présence change le visage de l’équipe. Positionné tantôt latéral, tantôt milieu, parfois avant-centre, Hakimi apporte ce déséquilibre permanent qui rend le Maroc si difficile à contenir. Il passe tout près de marquer, obligeant le gardien zambien à deux parades de grande classe, et montre déjà qu’il est prêt pour les échéances à venir.

Eliesse Ben Seghir, en zone mixte, ne s’y est pas trompé. Pour lui, «le retour de Hakimi dépasse le simple cadre sportif». Il parle «d’un leader, d’un frère, d’un joueur qui apporte de la joie et de l’énergie au groupe». Il insiste aussi sur «l’importance de Walid Regragui», décrit comme «un entraîneur vrai, respecté, pour lequel les joueurs sont prêts à se battre». Dans ses mots, on perçoit une unité profonde, une relation humaine forte, souvent invisible mais essentielle dans les grandes compétitions.

Cette victoire est aussi celle d’un choix tactique assumé. En osant un milieu plus créatif, en libérant certains joueurs de rôles qui ne leur correspondaient pas, Regragui a retrouvé un équilibre qui semblait parfois manquer. Le Maroc a joué comme une équipe moderne, compacte sans ballon, audacieuse avec, capable de presser haut pendant 90 minutes sans perdre sa lucidité. Une équipe qui ressemble davantage à un grand club qu’à une sélection en construction.

Bien sûr, tout n’est pas gagné. Le Maroc n’est pas encore champion d’Afrique. On en est encore très loin. Mais ce lundi soir à Rabat, les Lions de l’Atlas ont envoyé un message clair au continent. Quand cette équipe joue à ce niveau d’exigence, d’intensité et de justesse, elle devient redoutable. Très difficile à sortir. Presque effrayante.

Dimanche prochain, face à l’un des meilleurs troisièmes, commencera une autre compétition. Celle des matchs couperets, où la moindre erreur se paie cash. Mais avec ce visage retrouvé, cette confiance renouvelée et ce public derrière elle, la sélection marocaine avance désormais avec des certitudes. Et surtout avec une merveilleuse promesse : continuer à faire vibrer tout un peuple.

Mehdi Ouassat


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