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Le satisfecit empressé d’ un gouvernement bafouillant

Quand le porte-parole prend des vessies pour des lanternes


Hassan Bentaleb
Vendredi 26 Novembre 2021

Le satisfecit empressé d’ un gouvernement bafouillant
Aux critiques,  protestations et couacs, le nouveau gouvernement répond, via son porte-parole, qu’il s’agit bien d’un «Exécutif légitime, de rupture et de  réformes». Mustapha Baitas, ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement va plus loin en déclarant que le nouvel Exécutif constituera une étape importante dans l’histoire contemporaine du pays.

Intervenant lors d’une conférence de presse à l’issue du Conseil du gouvernement tenu jeudi, le ministre délégué a affirmé que «le gouvernement actuel réussira sa mission puisqu’il est doté de tous les ingrédients nécessaires pour réaliser un tel succès». Mieux,  il a souligné que «cette équipe gouvernementale marquera un tournant». Que signifie se doter de tous les ingrédients nécessaires ? Le ministre fait-il allusion à la qualité de profils de ses collègues ministres, au programme gouvernemental ou bien au contexte régional et mondial tendu ? Ou sous-entend-il plutôt l’homogénéité du gouvernement  qui a été remise en cause à deux reprises. D’abord, lorsque Noureddine Médiane, chef du groupe istiqlalien de l'unité et de l'égalitarisme à la Chambre des représentants, a déclaré, lors de la discussion en commission à la Chambre des représentants du projet de loi de Finances (PLF) 2022,  que ce programme ne répond pas aux attentes sociales des Marocains et que sa mise en œuvre pose problème, notamment son volet dédié au développement du tissu économique. Ensuite, lorsque la Ligue des économistes istiqlaliens a critiqué, elle aussi, le PLF 2022 particulièrement le taux de croissance à 3,2% qui correspond bien aux années précédentes. La Ligue a considéré que ce taux ne constitue pas une rupture avec le passé et ne donne pas de signes positifs aux acteurs économiques.

Le ministre ne pipe également pas mot sur la signification du terme «tournant».  Un tournant dans quel sens ? Le porte-parole du gouvernement n’a pas donné de précisions et s’est contenté d’affirmer que l’actuel Exécutif a pour mission de mettre en œuvre les réformes et de ne pas les reporter ou les bloquer. Selon lui, ce gouvernement  est celui de «la rupture politique» et non pas de la continuité vu le haut niveau des attentes politiques, économiques et sociales des citoyens.

Encore une fois, le ministre reste muet concernant le sens des termes utilisés. Rupture avec qui ou quoi ?  Rupture dans la vision ou le cap à prendre ? Rupture dans le mode de gestion des affaires publiques ? Personne ne le sait. Pourtant, le chef du gouvernement a indiqué, himself, que l’Exécutif  sera  «un gouvernement tripartite de centre-droite avec un programme qui se veut réformiste, mais pas plus, le Nouveau modèle de développement étant déjà là». Un état de fait confirmé par le projet de loi de Finances 2022 que beaucoup d’économistes ont qualifié  «de loi standard et tendancielle qui ne se démarque pas de celles qui l’ont précédée». Pour eux, il s’agit bel et bien d’une loi qui s’inscrit dans la continuité puisqu’elle se base sur l’endettement, la fiscalité et les grands projets. Pis, ils estiment que 2022 sera une  année de transition où il ne faudrait pas s’attendre à de grandes réformes ou à d’importantes transformations   comme celle fiscale, à titre d’exemple, ou à une opérationnalisation effective du nouveau modèle de développement.

Mustapha Baitas estime que les Marocains ont donné leur feu vert à ce gouvernement dont le premier parti dispose aujourd’hui de 102 parlementaires,  ce qui veut dire, selon lui, «que les citoyens ont misé sur ce parti et comptent sur lui». Et de préciser : «Aujourd’hui, l’intérêt pour les affaires politiques et publiques est en hausse et ce gouvernement a choisi de poursuivre son chemin, de prendre les mesures et les réformes essentielles qui guident vers une véritable réforme et non pas celles de courtoisie et de tapotage».   Comment peut-on expliquer alors les protestations dans de nombreuses villes contre la cherté des prix des denrées de première nécessité, le pass vaccinal et le dernier projet de décision de Chakib Benmoussa fixant des conditions d’âge pour accéder aux Académies régionales d'éducation et de formation (AREF) ? Pour Mustapha Baitas, en véritable acteur de droite, une décision gouvernementale  ne doit pas être suspendue chaque fois que des individus descendent à la rue et protestent même s’il croit qu’il est normal qu’il y  ait des contestations et que les citoyens sont en droit de protester puisqu’il s’agit d’un droit constitutionnel exercé   dans un pays démocratique où les droits de l’Homme et les libertés sont garantis par la Loi suprême sous contrôle des deux grandes institutions. Toutefois, il oublie l’essentiel, à savoir, que disposer de la majorité au sein des instances élues ne signifie en aucun cas un soutien populaire absolu. Mieux, l’actuelle équipe gouvernementale a ôté, avec ses débuts titubants et ses faux pas,  tout espoir d’un avenir meilleur pour les Marocains, tout en déconstruisant l’image d’un Exécutif pourvoyeur d’espoir, capable d’apporter aux masses de nouvelles perspectives et même…le salut. Le nouveau gouvernement semble bien gaspiller son  «capital politique» alors que «les croyances sur ce qui est possible dans l’avenir sont essentielles pour l’action sociale et que, sans elles, la politique ne peut exister», comme l’a souligné le philosophe Loren Goldman en s’inspirant de Kant.


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