Le programme Villes sans bidonvilles est au point mort. En effet, deux ans après le bilan adressé par la Cour des comptes, la situation demeure la même. 150.000 ménages vivent encore dans ces bidonvilles alors que ce dispositif lancé en 2004 afin de résorber les bidonvilles et d’améliorer les conditions d’habitat des ménages à faibles revenus, était censé être achevé en 2010. Intervenant devant la Chambre des conseillers, Fatima Zahra Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, a expliqué que depuis 2004, seulement 300 ménages ont bénéficié de ce programme avec un budget de 40 milliards de DH. Ledit rapport de la Cour des comptes a déjà indiqué que ce dispositif n’a atteint que 60% de son objectif, sachant qu’il prévoyait d’éradiquer les bidonvilles en 2010, dans toutes les villes du Royaume ou au moins rendre ce «phénomène marginal». Selon la même source le programme aurait coûté plus de 30 milliards de dirhams sur plus de 15 ans, en précisant que cette somme n'a pas été répartie convenablement sur les régions. Elle a également souligné que le nombre des familles et des villes cibles est passé de 217.000 familles réparties sur 70 villes dans le plan initial du gouvernement à 472.700 dans 85 villes en 2018. Ledit document a précisé que la moyenne d’augmentation des bidonvilles au Maroc atteignait annuellement 10.000 unités, ce qui a conduit à une augmentation de 202.000 familles. D’autre part, le rapport indique que «la déclaration de villes sans bidonvilles se fait sans remplir toutes les conditions. Seulement 59 villes sans bidonvilles ont été déclarées sur un total de 85 villes, tandis que 26 autres n’ont toujours pas été annoncées ». Que propose la nouvelle locataire du département de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, pour faire relancer le programme Villes sans bidonvilles? Pour elle, il n’y a pas de solutions définitives à ce problème. Et qu’en est-il des recommandations de la Cour des comptes ? En effet, les juges de la Cour des comptes ont déjà recommandé l’instauration d’une plus grande rigueur dans la lutte contre la prolifération des bidonvilles et de mettre un terme à la perception répandue de la garantie d’une rente publique future. Ils ont appelé également à adopter une démarche intégrée de développement humain allant au-delà de l’approche de «relogement» pour inclure les dimensions économiques et sociales dans les sites des nouveaux logements, en prévoyant des activités génératrices de revenus et en intégrant les services publics de base, à savoir l’éducation, la santé, le transport et la sécurité. Sur un autre registre, ils ont préconisé d’agir sur l’offre, en proposant des solutions plus variées en produits de logement et aides financières pouvant répondre aux besoins des différents segments de ménages et tenant compte de leurs moyens financiers réels. Et de demander de définir un nombre précis de bénéficiaires, avec des critères d’éligibilité standardisés et une base de données fiable, un schéma de financement réaliste et respecté, un foncier assaini et optimisé, une programmation réaliste et un délai d’exécution respecté, ainsi qu’une meilleure coordination d’ensemble avec une responsabilisation claire de chacun des acteurs. Ces recommandations ne semblent pas trouver grâce aux yeux de la ministre puisqu’elle n’a pas mentionné une seule d’entre elles. Pour l’instant, elle affirme que la bonne volonté existe et propose une approche basée sur l’utilisation des nouvelles technologies afin de maîtriser les opérations de recensement et la création d’un registre national fixant le nombre des bénéficiaires. D’autant plus que son département compte examiner la possibilité de reloger sur place les familles qui résident dans les bidonvilles vu les problèmes psychologiques et économiques suscités par les opérations d’éloignement. Ces deux propositions seraient-elles aptes à faire face à un fléau qui dure depuis des décennies? Affaire à suivre.