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Le pouvoir algérien brûle par ses feux politiques et sociaux


Rachid Meftah
Jeudi 13 Janvier 2022

Pataugeant dans la mare des atteintes aux libertés individuelles et collectives, Alger s’embourbe dans les abysses de l’autoritarisme et l’illégitimité

Le pouvoir algérien brûle par ses feux politiques et sociaux
A quelques semaines du troisième anniversaire du déclenchement du Hirak en Algérie, le pouvoir politico-militaire en place ne sait plus où donner de la tête. Perdu dans ses tergiversations, il bafoue les règles de gestion des affaires publiques et des finances du pays et enfreint, dans un entêtement inouï, les lois qu’il a, lui-même, édictées par l’intermédiaire de ses institutions fantoches. Un militant de gauche vient d’être condamné à deux ans de prison et de nombreux partis politiques sont menacés de dissolution… Ainsi le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), parti d’opposition laïque, a reçu la semaine dernière (jeudi 6 janvier) une mise en demeure du ministère de l’Intérieur le sommant de cesser des activités «contraires à la réglementation». Par ailleurs, le Pacte pour une alternative démocratique (PAD), parti qui revendique un changement radical du système de gouvernance et qui a été fondé en 1989, risque, quant à lui, la dissolution pour avoir accueilli le 24 décembre 2021 une réunion d’un conglomérat des formations politiques de gauche. Cependant, il est bien établi que la loi sur les partis politiques n’exige aucune autorisation pour la tenue par un parti de réunions dans les locaux de son siège. L’article 66 précise :« La violation par le parti politique des dispositions de la loi (sur les partis politiques) entraîne la suspension temporaire de ses activités prononcée par le conseil d’Etat. La suspension temporaire entraîne la cessation de ses activités et la fermeture de ses locaux ». D’autre part, le président du RCD, Mohcine Belabbas, a, par ailleurs, été mis sous contrôle judiciaire ce lundi 10 janvier, officiellement pour avoir employé «illégalement» un ressortissant marocain, qui est décédé des suites d’un accident survenu lors de la construction de sa maison. Il est à signaler, en outre, que ce n’est pas la première fois que le Rassemblement pour la culture et la démocratie, qui conteste les termes du processus politique suivi dans son pays et réclame à cet effet un changement de système, reçoit des menaces de dissolution. Déjà en juin 2020,son président, Mohcine Belabbas, annonçait que sa formation avait reçu une missive du ministère de l’Intérieur le «menaçant de dissolution». Les raisons invoquées de cette menace alors étaient quasiment semblables à celles adressées en ce début de janvier.Il y était, en effet,reproché au RCD d’abriter en son siège des réunions politiques regroupant des personnalités de l’opposition. En fait, le RCD n’est pas le seul parti à subir la pression des autorités. En mai 2021, le ministère de l’Intérieur avait introduit une requête auprès du conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative du pays, en vue d’enclencher la procédure de dissolution à l’encontre de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), dont la présidente, l’avocate Zoubida Assoul, est très active dans la contestation sociale du Hirak et dans le mouvement d’opposition. Ledit département ministériel avait un mois auparavant relevé la «non conformité» des activités de l’UCP et de sa présidente avec la législation en vigueur, soulignant que cette dernière «poursuit ses activités sous couvert de la présidence du parti en dépit de l’absence d’un statut juridique, conformément aux dispositions de la loi fondamentale du parti ». Ainsi, pour «se conformer à la loi», ce parti a tenu en avril 2021 un congrès de «mise en conformité» comme l’exige la loi qui dispose que les partis doivent renouveler leurs instances tous les quatre ans, et a déposé, à nouveau, son dossier au ministère de l’Intérieur qui n’a toutefois pas répondu. Depuis lors, la requête es trestée en suspens mais le parti craint d’être dissous. Là-dessus, à l’instar de l’UCP, le Parti socialiste des travailleurs (PST) de l’extrême gauche, a été sommé par le département ministériel de l’Intérieur de se « conformer à la loi » en organisant notamment son congrès, ce que les dirigeants de ladite formation se sont empressés de faire. Et bien que le dossier ait été déposé, les autorités n’ont jamais répondu ; laissant le parti dans le flou, d’après ses dirigeants. Un autre parti, membre, quant à lui, du Pacte pour une alternative démocratique, le Mouvement démocratique et social (MDS) est également visé par les autorités. Son coordinateur national, Fethi Ghares, 47 ans, a été condamné, dimanche 9 janvier, à une peine de deux ans de prison ferme et une amende de 200.000 dinars (près de 1.200 euros) pour «atteinte à l’unité nationale». L’institution judiciaire lui reproche des déclarations qualifiées d’«injurieuses» contre le chef de l’Etat et d’autres responsables algériens. Dans ce contexte politique marécageux,si ces partis continuent d’exister en dépit des menaces récurrentes de dissolution, l’Association «Rassemblement action jeunesse » (RAJ), très active dans les manifestations du Hirak, n’a plus d’existence légale, la Chambre administrative du tribunal de Bir Mourad Raïs, à Alger, ayant prononcé sa dissolution en octobre et la justice a tranché en faveur du ministère de l’Intérieur, qui jugeait que l’ONG en question menait des activités«non conformes» à ses statuts. Les autorités reprochent précisément au RAJ une participation très active lors des manifestations anti-pouvoir de 2019 et 2020. A ce propos, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), dans une communication à Middle East Eye, a souligné que «le pouvoir est en train de revenir dangereusement sur les acquis démocratiques des Algériens». Pour sa part, Amna Guellali, directrice-adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, a dénoncé, en octobre 2021, l’attitude des autorités algériennes en déclarant que «la décision de dissoudre le RAJ (…) est un indicateur alarmant de la détermination des autorités à durcir leur répression contre le militantisme indépendant ». C’est toujours dans ce contexte explosif, que le collectif du PAD, regroupant plusieurs partis politiques et de nombreux représentants de la société civile en Algérie, a fustigé «des pratiques d’un système totalitaire» dans ce pays. «Les forces du PAD ont appris avec stupeur que le RCD, un parti agréé s’activant dans la pleine légalité, a été destinataire, par le biais d’un huissier de justice, d’une mise en demeure lui intimant l’ordre de cesser d’organiser toutes rencontres avec des partis politiques et des représentants de la société civile dans les locaux de son propre siège national», peut-on lire dans le communiqué diffusé par ledit collectif, qui souligne, par ailleurs, que cette «dérive» «vient s’ajouter à l’intenable situation des libertés démocratiques et des droits de l’Homme marquée par une fermeture inédite des champs politique et médiatique, l’emprisonnement arbitraire du coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS), les procédures de dissolution engagées à l’encontre de l’Union pour le changement et le progrès(UCP), le Parti socialiste des travailleurs (PST) et l’Association «Rassemblement action Jeunesse» (RAJ), la poursuite des arrestations quasi-quotidiennes de militants». « Il s’agit, là, d’une nouvelle étape franchie dans le processus de remise en cause brutale du pluralisme politique et d’une descente vers les abimes du totalitarisme », regrette en outre le PAD, qui réitère, à cet effet, « l’exigence de rétablissement d’un climat politique serein et du libre débat afin de sortir le pays de l’impasse dangereuse où il a été entraîné à la faveur du maintien du système,rejeté par la majorité du peuple et qui, aujourd’hui, subit une régression épouvantable sur tous les plans, politique, économique et social ». Tout cela révèle un véritable profond marasme social et une situation politique explosive secouant durement hélas ce pays maghrébin dont le peuple ne supporte plus les affres d’une politique crapuleuse menée par une junte aveuglée parses prétentions foncièrement impopulaires, entraînant la destruction de tout un pays, pourtant disposant de richesses naturelles qui auraient pu favoriser son émergence et son rayonnement dans la région. L’appareil usurpateur du pouvoir se dirige vertigineusement et fatalement vers sa perte. La vérité éclatera et triompheront les forces vives et démocratiques qui luttent pour affranchir la population du joug de la cupidité, de l’obscurantisme, de l’imposture … Triompheront aussi les valeurs de liberté, de justice et de démocratie. Et … la magie s’est retournée contre le magicien …


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