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La lumière tombe de la rue, les tubes fluorescents assurent le reste. En dessous, ils sont une vingtaine à s’arracher par grappes de cinq. L’organisateur et propriétaire de la salle, Samy Houiche, biceps saillants, épaules de déménageur, ne laisse rien au hasard. Le coach multidisciplinaire s'assure que les juges sont impartiaux et les compétiteurs dans les clous. La musique rythmée, crachée par les haut-parleurs, masque les respirations en surchauffe. Mais les cages thoraciques qui s’affolent disent les souffles courts et la sueur qui ruisselle raconte l’effort. Ça fait mal, ça fait du bien, ça fait fureur : C’est du CrossFit. Une méthode de préparation physique développée au milieu des années 70 en Californie par Greg Glassman.
Une idée révolutionnaire
Ancien gymnaste devenu coach, chassé de quasiment toutes les salles qu’il fréquentait pour cause de punkitude de la pratique, notamment en rapport à ses pieds sur les murs et ses démonstrations sonores, Glassman a pris ses idées sous le bras pour commencer à entraîner dans le garage d’un de ses clients. Son idée révolutionnaire ? Mélanger gym, haltérophilie et cardio dans des circuits training. Cinquante ans plus tard, cette discipline est arrivée au Maroc. «Grâce à CasaCrossFit, la première salle de CrossFit au Maroc », se remémore Samy Houiche « et petit à petit, il y a eu plusieurs salles qui ont suivi le mouvement» dont Gym Factory.
Le lieu porte bien son nom. “A la base, c’était une usine. Une ancienne papeterie pour être plus précis. D’où le nom de Gym Factory que nous avons trouvé avec des amis”, raconte Samy Houiche. Il est arrivé au Maroc en 2014, en provenance de France, où il était “dans le sport depuis très jeune. Le foot pour commencer, puis le taekwondo, la boxe anglaise, le MMA, le kick-boxing, le grappling. Ensuite, j’ai subi de multiples blessures. Du coup, j’en ai profité pour passer des diplômes.” Samy avait aussi pour objectif de créer son propre Gym et n’a mis qu’une année pour l’atteindre “vu que j’allais souvent en Thaïlande pour m’entraîner, j’ai repris le concept thailandais des GYM, à l’image de “Tiger Muay thai”. Bon lui en a pris.
Ce samedi matin, à la box de Gym Factory, entouré d’une foule en délire, où les visages renfrognés étaient aussi rare qu’un pilote d'avion de chasse myope, ils sont plus d’une vingtaine de compétiteurs à avoir fait le warm-up (l’échauffement) et assuré le skill (l'entraînement technique) avant de se lancer à corps perdu dans le WOD. Aujourd’hui, répartis en plusieurs catégories (hommes, femmes, débutants et pros) les participants passent dix minutes à enchaîner rameurs, box jump et burpees. Vous l’aurez remarqué, en CrossFit, on est en version originale. On ne fait pas un équilibre mais une “handstand”, on ne fait pas une “traction” mais un pull-up. Surtout pas une pompe mais un “push-up”. Et encore moins un arraché mais un “snatch”.
Un virus qui s’attrape vite
On mélange toutes ces choses sympas dans le WOD (Workout of the day, l'entraînement du jour) et on pratique dans une box, la salle dédiée, sans presque jamais quitter son “Checker” qui contient une boisson énergisante. Un vocabulaire qui s’attrape aussi vite que le virus du CrossFit. Amine Fennas, la trentaine, grand de taille, s’est épris de la discipline depuis qu’il s’est inscrit à Gym Factory. Accro, il avait vaguement « entendu parler du CrossFit par des amis. Puis, j'ai fait des recherches et je me suis dit que c'est le truc à essayer. Surtout pour quelqu'un comme moi, qui avait du mal à faire du sport sans lâcher », raconte-t-il. Son WOD a beau avoir fini depuis quelques minutes, il n’a pas totalement retrouvé son souffle et la sueur coule encore de ses tempes.
Une douleur et un dépassement de soi accueillis sans aucune appréhension. Il faut dire qu’Amine n’était pas en terre inconnue. Il s'entraîne cinq à six fois par semaine. “Notre coach a fait un énorme travail avec notre groupe de CrossFit. Il nous a aidés à nous améliorer. Dès que l’on a commencé à ressentir des progrès, on s’est dit que cette compétition serait la parfaite occasion pour tester notre niveau et le comparer à celui des autres CrossFiteur”, nous indique-t-il avec enthousiasme. A voir le niveau des participants, Amine n’a sûrement pas été déçu.
“C’était HardCore”, sourit une CrossFiteuse, la vingtaine, en s’adressant à son coach. “Dès la deuxième série, j’avais envie de vomir”, poursuit-elle. A son image, le CrossFit séduit autant les femmes que les hommes. Derrière son sourire radieux, Assia Benamar est une compétitrice acharnée pour qui la défaite n’est pas une option. Coach de CrossFit depuis plus de trois ans, elle a découvert la discipline il y a quelques années à Paris. "J'ai adoré. Et comme j'en voulais plus, j'ai redoublé d’efforts pour progresser en technique et en gymnastique pendant 2 ans”, se remémore-t-elle. Et de poursuivre : “Une fois rentrée au Maroc, j'ai eu une proposition pour coacher dans une box de CrossFit et bien sûr j’ai accepté sans hésitation parce que c'était mon rêve de travailler dans un domaine qui me passionne”.
Produire des athlètes complets
Dire que le CrossFit est passionnant relève en effet du doux euphémisme. La discipline produit des athlètes complets. Comment ? Tout simplement en leur faisant faire des mouvements fonctionnels, constamment variés, à haute intensité et surtout en petits comités. Dans cette discipline, travailler toujours de manière différente est une doctrine. Le WOD change tous les jours et peut contenir des exercices parfois incongrus et souvent défoulants, comme marcher sur les mains, taper sur un pneu avec une masse, monter à la corde, sauter sur des boîtes, faire du rameur, des squats, l’haltéro, courir,... Des gestes naturels aussi tels que tirer, pousser, sauter. Le tout évidemment à fond la caisse. Sans pour autant oublier de s’adapter au niveau de chacun. “A l’instar de toutes les disciplines disponibles à Gym Factory (boxe anglaise, MMA, musculation, ju jitsu, kick-boxing,...), en CrossFit, j’ai instauré trois groupes : loisirs, amateur et professionnel", détaille Samy Houiche.
Séduisant. En fin, pas pour tout le monde. Certains pensent que le CrossFit n’est rien d’autre qu’une mode. “D’autres croient que c’est du fitness mais ils sont très loin de la réalité”, souligne ce dernier. Une chose est sûre, le CrossFit est un peu à l’image de nos sociétés contemporaines, où il faut aller vite et être jeune. Et comme la musculation, ça fait un peu vieillot, ce n’est pas le fruit du hasard si le CrossFit séduit de plus en plus. Surtout des gens qui n’ont pas beaucoup de temps et qui veulent des résultats rapides. Mais pour Assia Benamar, il y a un bémol à cette quête du résultat instantané. “Je dis toujours que l'apprentissage se fait petit à petit. Certes, le coach modifie les mouvements pour les nouveaux, mais il ne faudrait pas brûler les étapes”, prévient-elle.
D’autant que même en pratiquant dans les règles de l’art, on se met minable en trente minutes et on voit vite les changements : Une baisse de la masse graisseuse à foutre le seum aux magnats de l’industrie du fast food et une augmentation de l’aérobie et de l’entraînabilité. Sans oublier de se forger un mental de fer. “Par moments, on se retrouve à faire des exercices qu'on aime pas ou qui sont ennuyeux ou trop durs. Il faut être persévérant et avoir le mental pour se dire qu'on doit donner le meilleur comme si c'était un défi. C'est le secret pour progresser”, corrobore Assia Benamar.
Facilite le réseautage
Loin des salles où tu pédales en regardant la télé, Gym Factory vise l’excellence pour elle comme pour ses adhérents. Portés par l’effort collectif, les CrossFitteurs de Gym Factory ont créé une vraie communauté. Ils sont tellement dedans qu’ils peuvent faire un peu secte. On plaisante, mais il est vrai que fréquenter les salles de sport, en général, et les séances de CrossFit, en particulier, facilite grandement le réseautage.
Autour de la box de Gym Factory où s'acharnent les compétiteurs, Lastes Gaston Halim distille ses encouragements et sa bonne humeur. “En tant qu'adhérent à Gym Factory et pratiquant de CrossFit, cela me paraissait naturel d'être partenaire de cet événement sportif pour célébrer le sport et les valeurs de dépassement de soi, de vie et de solidarité qu'il porte”, nous explique-t-il, tout en mettant en avant une judicieuse analogie entre sa vie professionnelle et la compétition organisée : “Avec nos deux marques investir-au-maroc.com et vivre-au-maroc.com, nous accompagnons celles et ceux qui souhaitent venir s'installer ici au Maroc et/ou qui désirent y investir dans l'immobilier. Car investir au Maroc, c'est aussi continuer de croire en un avenir meilleur pour ce pays et cet événement était l'occasion de rappeler à quel point le Maroc est vivant et sportif malgré le contexte que l'on a connu ces derniers mois".
La crise sanitaire a malheureusement prouvé que pour l'exécutif, le sport n’est pas un secteur vital. Pourtant, c’est tout l’inverse. Et ce n’est certainement pas la sécurité sociale qui nous contredira. Le CrossFit, pour ne parler que de lui, est une discipline qui donne une conduite et une hygiène de vie remarquables. “Avant je ne mangeais pas de légumes ou en tout cas pas assez. Désormais, je suis conscient de l’importance de l’alimentation. Il est impératif d'avoir une bonne hygiène de vie pour la récupération surtout avec un sport intense comme le cross”, consent Amine. Il est vrai qu’il est plus difficile de trouver un CrossFitteur qui boit beaucoup d’alcool, fume et mange très mal, qu’une aiguille dans une botte de foin. A tel point que, pour certains, mal se nourrir quand on fait du CrossFit, c’est un peu comme vouloir gagner une course de F1 en mettant du pipi dans le réservoir.
Régime alimentaire équilibré
« La nutrition c'est la base”, confirme Assia Benamar. “Il faut bien manger parce que le CrossFit ça consomme». Alors les régimes “Zone” sont très populaires dans le milieu du CrossFit «Rien de bien sorcier. Beaucoup de légumes, des protéines et des glucides. Après, ça dépend des objectifs de chacun. Si une personne veut éliminer des kilos en trop, le CrossFit n'est pas une solution miracle, il faut obligatoirement diminuer un peu son apport calorique journalier pour y parvenir. En revanche, si le but est de gagner du muscle, il faut veiller à avoir un surplus calorique de 300 à 500 calories en consommant plus de protéines et de glucides », explique t-elle.
Enfin, si pour certains préparateurs physiques, Kinés et autres Ostéos, on a plus de chance de se blesser au CrossFit que dans d’autres sports, certaines voix s'élèvent pour rétablir une forme de vérité. “Cette discipline est beaucoup moins traumatisante que les sports co. On ne trouve pas de ruptures des ligaments croisés, du tendon d'Achille, de luxations ou d’entorses graves. Ce que je soigne ce sont plus des troubles musculaires et articulaires légers”, avance dans les colonnes de l’Equipe, Pierre-Alexis Tozzi, osthéopate parisien. “De plus, les CrossFiteurs ne seraient pas plus sujets aux tendinites : les pratiquants sont généralement très attentifs à leur alimentation, à leur sommeil et à leur récupération”, conclut-il.
On ne va pas se raconter d’histoires, il est évident que plus on fait de sport, plus on multiplie les risques de se faire mal. Mais les CrossFiteurs que nous avons rencontrés à Gym Factory ne font, pour l’instant, pas encore partie des 0,003% de pratiquants répartis sur toute la planète qui participent aux CrossFit Games, les championnats du monde de la discipline, disputés chaque année à Carson, en Californie, avec un Prize Money de 2,2 millions d’euros.
Pour le moment, les pratiquants rencontrés sont avant tout des passionnés de sport en attendant de devenir des CrossFiteurs hors pair. Ils sont heureux quand ils font du CrossFit. Et quand ils sont tristes, c’est uniquement en cas de blessures qui les mettent sur le carreau. Mais qui sait, un jour, un champion du monde de CrossFit dédiera peut-être son trophée à Gym Factory ?
Chady Chaabi
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