L’insoutenable enlisement de l’Algérie


Rachid Meftah
Mardi 23 Novembre 2021

Dans son vain stratagème de diversion, la junte au pouvoir n’en finit pas d’essayer de charger le Maroc des malheurs de tout un pays

De nombreux observateurs, chercheurs universitaires, experts en géostratégie et spécialistes des affaires africaines et maghrébines, au terme d’analyses savantes de la crise des relations politiques, diplomatiques et économiques entre les deux pays nord-africains voisins, le Maroc et l’Algérie, esquissent un constat qui n’admet, objectivement, pas de réplique. L’hostilité d’Alger, à l’égard de son voisin de l’Ouest, s’explique aisément par un facteur sociopolitique subjectif mais paradoxalement saisissable, la recherche de «l’ennemi extérieur» pour détourner l’attention de la population algérienne, complètement désœuvrée par les maux sociaux endémiques qui la rongent du fait des pratiques crapuleuses généralisées d’une bande de dirigeants politiques, militaires et affairistes ayant usurpé au fil des années le pouvoir en Algérie, détourné et dilapidé ses richesses et ressources plongeant le pays dans des crises économiques et sociales aiguës et sans issue.
En effet, le chômage, les grèves, la grogne sociale de plus en plus virulente corollaires de la paupérisation galopante sur fond d’une crise économique aiguë accentuée notamment par la chute vertigineuse de la rente pétrolière et gazière conjuguée aux répercussions de la pandémie du coronavirus, en sont l’illustration parfaite.
De ce fait, l’impasse politique dans laquelle pagaye la junte présidant à la destinée de ce pays de 45 millions d’habitants perdure et se creuse davantage depuis le déploiement populaire du Hirak, il y a un peu plus de deux ans.
«La situation économique de l’Algérie s’aggrave jour après jour et entraîne la paupérisation de couches entières de la population, un chômage important et en bref, tous les indicateurs économiques sont au rouge», souligne Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center.
Prenant pour alibi la situation pandémique, pour sa part, Mohamed Chérif Benmihoub, ministre algérien chargé de la Prospective avance que la crise sanitaire a causé la perte de « 500 mille emplois minimum ».
Là-dessus, la récente décision de fermer 16 ports secs (terminaux connectés à un port maritime par route ou par chemin de fer » devrait occasionner la perte de 400 emplois directs. De même que la fermeture d’un certain nombre d’usines de montage automobile des suites de l’éclatement de scandales de népotisme et la rupture des importations de composants d’appareils électroménagers ont engendré la perte de près de 60.000 emplois en 2020.
Le Fonds monétaire international (FMI) estime, à ce propos, le taux de chômage en Algérie à près de 15%, alors que le pays jouit d’atouts naturels inestimables dans l’agriculture ou le tourisme et humains avec une large classe de jeunes entrepreneurs désabusés devant les insolubles obstacles posés par la bureaucratie et la corruption.
Par ailleurs, la chute des prix des hydrocarbures depuis le pic de 2014 a eu un impact désastreux sur les revenus de l’Algérie les amputant, en sept ans, d’un tiers. L’activité économique s’est contractée de 6% en 2020 et le taux de croissance sera de 2,9% cette année et de 2,7% l’an prochain, selon les estimations du Fonds monétaire international.
D’autre part, compte tenu des besoins croissants en produits importés pour ce pays, particulièrement alimentaires et de la modicité des investissements étrangers, réticents car découragés par la corruption et le népotisme, le déficit de la balance de paiements reste très élevé ayant dépassé 10% du PIB en 2020 et pouvant frôler 8% cette année.
Ainsi, devant ces indicateurs alarmants et des difficultés budgétaires ne cessant de s’aggraver depuis 2018, le pouvoir algérien, au lieu de chercher les bonnes solutions, désarçonné et perdu dans ses conjectures extranationales, n’a pas trouvé mieux à faire que mettre fin à la politique des subventions généralisées via le vote des députés à sa solde, le 17 novembre dernier d’un projet de loi de Finances disposant, entre autres, la suppression de ce système.
Par cette mesure, les produits essentiels vont voir leurs prix s’envoler. Il s’agit, entre autres, de la semoule, de l’huile, du pain, du lait mais également de l’eau, de l’électricité et du gaz (dans un pays exportateur de gaz !!).
De nombreux experts s’interrogent sur la conduite à tenir du régime algérien qui a longtemps acheté une certaine forme de paix sociale en puisant dans la manne pétrolière et gazière afin d’endiguer l’exaspération du mécontentement des couches populaires vulnérables les plus impactées par les répercussions de la crise.
Le pouvoir propose dans ce contexte particulier le versement des compensations financières directement aux ménages, somme toute, un faux fuyant qui occulte nonchalamment une situation critique et très gênante dans laquelle patauge le gouvernement, astreint à se conformer aux directives des institutions financières internationales.
La tâche s’annonce, d’ores et déjà, très difficile car, en tout état de cause, en dépit de ce que lui rapportent le pétrole et le gaz dont elle est étroitement dépendante, mais avec des bases économiques très faiblement diversifiées, avec en plus une prédation des ressources, une gouvernance apocalyptique et une politique de rente manifeste, l’Algérie ne sait plus à quel saint se vouer. En témoigne un contexte complexe où la monnaie ne cesse de dégringoler, l’approvisionnement en denrées de première nécessité complètement défaillant, un blocage politique de plus en plus lourd et pesant, une économie essoufflée et de grandes tensions sociales.
A cet effet, la scène politique qui reflète l’état d’esprit de la population, en toute logique, n’est pas en reste. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), l’un des partis les plus influents en Algérie, a qualifié de « simulacre » les élections locales prévues le 27 novembre. « Le simulacre électoral du 27 novembre, en plus d’être illégal, achève le processus de discrédit entamé en décembre 2019 », a clamé le RCD dans un communiqué qui critique avec virulence « le système politique qui a dilapidé les richesses du pays et appauvri ses potentialités, promeut une politique qui vide le pays de sa jeunesse la plus instruite et la plus dynamique, réprime ses citoyens (….) et jette des pans entiers de la population dans la précarité et la misère ».
Et de poursuivre : «Ne pouvant plus acheter la paix sociale comme ce fut le cas dans les conjonctures de rente importantes, le gouvernement programme dans sa loi de Finances 2022 l’amplification de la dépréciation du dinar pour gonfler artificiellement les recettes provenant des hydrocarbures au détriment du pouvoir d’achat ».
Comment s’étonner alors de la quête forcenée de l’appareil politico-militaire au gouvernail des affaires de ce malheureux pays d’ennemis extérieurs imaginaires ? Le voisin de l’Ouest, tant jalousé et convoité, n’est-il pas tout indiqué ? 


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