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L’effondrement de trois maisons à l’ancienne Médina fait deux morts et de nombreux blessés : L’Avenue Royale se rappelle au bon souvenir des Casablancais


Hassan Bentaleb
Mercredi 23 Décembre 2009

L’effondrement de trois maisons à l’ancienne Médina fait deux morts et de nombreux blessés : L’Avenue Royale se rappelle au bon souvenir des Casablancais
Deux morts, cinq blessés graves dont deux  dans le coma, 14 blessés légers et des dégâts matériels importants. L’effondrement hier à l’aube de trois maisons mitoyennes au quartier Arsat Bensellam à l’ancienne médina de Casablanca n’est certes pas le premier du genre, mais son bilan est catastrophique.
Selon Saïd, un habitant du quartier : «Les trois maisons se sont écroulées l’une après l’autre,  la première à 6H00, la deuxième à 6h15 et la dernière vers 6H30 ». Selon lui, «c’est l’effondrement de la première haute de quatre étages qui a entraîné les autres ». Précision d’importance : « la première des maisons à s’être écroulée a été vidée de ses habitants depuis une année parce qu’elle menaçait ruine ».
Alors comment justifier le nombre important de victimes ? Pour les habitants du quartier, nulle justification n’excusera le manque d’intérêt des pouvoirs publics à l’endroit d’un problème qui perdure depuis une vingtaine d’années. « C’est une honte », clame l’un d’entre eux. « C’est un scandale », lui rétorque un autre avant qu’un troisième ne lâche sa sentence comme un couperet : « C’est tout simplement criminel ». Les agents de la Protection civile ont mis du temps pour se rendre sur les lieux. « Une heure d’attente alors que des citoyens agonisaient sous les décombres et que d’autres perdaient leur sang, c’est long, très long, une éternité », s’exclame cet autre habitant, les yeux hagards et la rage au ventre.
Seuls le courage et la détermination des habitants du quartier ont pu sauver des vies d’une mort certaine. C’est le cas de ce jeune homme de 26 ans, venu de Derb Taliane et qui a, dans l’aventure, laissé sa vie après qu’un bloc s’est détaché du toit de l’une des maisons effondrées, lui est tombé sur la tête. « C’est un mec sympa qui vit à proximité. Il est venu nous prêter main forte, mais le destin a voulu qu’il y laisse la vie », raconte Zahra avec amertume en rappelant que d’autres  volontaires ont été blessés.
«  Ce qui vient de se passer, n’est pas le premier accident du genre. Le problème dure depuis  20 ans. On a eu largement le temps de nous habituer à pareilles catastrophes », nous a affirmé Slimane, un sexagénaire qui a passé toute sa vie dans de quartier démuni de tout, y compris de l’incontournable sécurité que les pouvoirs publics ont pour rôle de garantir à tout un chacun. « On a plusieurs fois réclamé qu’une issue soit trouvée à ce problème, mais personne ne s’intéresse à nous. Les autorités locales nous renvoient vers la Sonadac et cette dernière fuit ses responsabilités ». Et en fait tout le problème vient de là.
Retour sur les années de braise et, plus précisément, aux années 80. Le projet d’édification de la grande Mosquée Hassan II a donné naissance à un autre qui, lui, n’arrivera, jamais à bon port: l’Avenue Royale.
Il s’agit d’une artère longue d’un kilomètre et demi qui devrait relier cette mosquée à la place des Nations Unies. Des immeubles de haut standing, un nouveau centre d’affaires que l’on disait international, un palais des congrès, un théâtre…, devaient composer le substrat de ce projet urbain dont le programme induisait le relogement de près de 12.000 ménages, la démolition de 3.376 constructions, l’acquisition des terrains et l’indemnisation des constructions visées.
Une Société nationale d’aménagement communal (Sonadac) a été créée sous l’égide du ministère de l’Intérieur pour réaliser ce projet dans un délai de 5 ans.
Seulement, sa gestion s’est avérée tellement chaotique qu’il n’en a été rien. La preuve, quelque 3000 ménages ont été relogés jusqu’à présent, soit au quartier Nassim, soit à Attacharouk. Il reste encore 9.000 ménages sur place.
Les expropriations réalisées portent uniquement sur la première tranche de 11 hectares qui va de la Mosquée Hassan II au boulevard Ziraoui. Les expropriations de la seconde et de la troisième tranche  n’ont pas encore été entamées.
A terme, la Sonadac compte donc construire près de 10 000 logements d’ici 2014.
Le retard pris dans la réalisation du projet est dû à plusieurs raisons. Outre la gestion erratique du dossier par cette société, il y a eu une fraude importante au niveau du recensement des bénéficiaires  éventuels de l’opération de relogement. Le nombre de ménages comptabilisés dans le cadre de la première tranche est passé de 2 200 en 1989 à plus de 3 000 quelque temps après.
La Sonadac a pourtant redoublé d’efforts pour inciter les 9000 ménages appelés à déménager à accepter son offre, sans parvenir aux résultats escomptés et sans pouvoir rattraper le temps perdu. Un temps durant lequel cette société pourtant publique, a goûté aux délices de la spéculation  à travers la braderie de beaucoup de terrains qui appartenaient au domaine public. C’est ce qu’aurait  d’ailleurs relevé une étude du cabinet KPMG dont les conclusions ont été gardées secrètes, contrairement aux attentes. Pourtant, ce rapport aurait dû être suivi d’une enquête pour mettre en lumière tant les dysfonctionnements graves au niveau du management de la Sonadac que de sa  mauvaise gestion des biens et deniers publics qui lui ont été conférés. Notamment une importante contribution du Fonds Hassan II pour le développement économique et social qui s’est élevée à 500 millions de dirhams et le reste à l’encan.
Autre preuve de la gabegie, lors des premières opérations, la Sonadac a signé des contrats de recasement avec les locataires avant d’acquérir les immeubles de l’ancienne médina. Mais lorsque ces derniers évacuaient leurs logements pour se déplacer à Nassim, les propriétaires les relouaient à d’autres familles, ce qui ramenait tout à la case de départ.
Résultat : sur 9 000 foyers initialement recensés dans l’ancienne médina, il reste... 9.000 foyers à reloger ! Et ce, malgré les 3.000 appartements construits et commercialisés.
Déterrant dernièrement le dossier de cette indicible Avenue Royale, Kamal Dissaoui, président de l’arrondissement de Sidi Belyout, a déclaré que : « La Sonadac a oublié sa mission première et sa vocation purement sociale pour se transformer en promoteur immobilier qui brade à loisir le foncier de l’Etat ». Pour lui, cette société a tellement traîné les pattes que le projet de creusement de cette artère est devenu fort complexe. « Chacune des familles qui devaient être relogées pour que soit construite l’Avenue Royale et tout ce qui devait aller avec, n’était composée, il y a 20 ans, que des parents et de trois ou quatre enfants. Aujourd’hui, chaque foyer s’est ramifié puisque les enfants d’il y a 20 ans, se sont eux-mêmes mariés dans la maison familiale et ont eu, eux aussi, leurs propres enfants. Ils réclament maintenant leur propre logement ». A la Sonadac qui est passée, depuis lors, sous le giron de la CDG de le leur construire. Le peut-elle et, surtout, le fera-t-elle ? Rien n’est moins sûr
Pour Kamal Dissaoui « le problème fondamental ne réside donc pas dans le seul fait qu’une avenue n’a pas été construite à temps, mais ce sont des milliers de familles qui se trouvent aujourd’hui menacées de mort puisqu’elles continuent d’habiter dans des logements menaçant ruine qui devaient être rasés depuis longtemps ».
« Rien qu’à Sidi Belyout, il y a près de la moitié des 80.000 familles qui vivent à Casablanca dans des maisons menaçant ruine et une bonne partie aurait pu être relogée depuis longtemps dans le cadre du projet de l’Avenue Royale », précise le président de cet arrondissement. Selon lui, « il y a vraiment péril en la demeure et on a trop longtemps laissé pourrir la situation. Au point que même certaines maisons évacuées ont été squattées par des malfrats qui menacent aujourd’hui la sécurité des riverains ».


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