L’Afrique face à la Cour pénale internationale


Marie Joannidis (MFI)
Jeudi 2 Avril 2009

L’Afrique face à la Cour pénale internationale
L’Afrique mais aussi les pays islamiques et non-alignés se sont mobilisés après la décision de la Cour pénale internationale (CPI) de lancer un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir à propos du Darfour – réticences partagées par la Russie et la Chine, alors que les Etats-Unis, qui n’en font pas partie, ont applaudi.
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a demandé à plusieurs reprises au Conseil de sécurité des Nations unies de surseoir au processus initié par la Cour pénale internationale (CPI), compte tenu de la nécessité de tout faire pour que les efforts de paix en cours ne soient pas gravement compromis. L’ancien chef d’Etat sud-africain, Thabo Mbeki, qui préside un comité de l’UA sur le Soudan, a souligné à ce propos que celle-ci entend bien concilier les impératifs de paix avec ceux de justice et de réconciliation afin d’éviter une aggravation de la situation au Darfour, situé dans l’ouest du pays, cette région en proie à une guerre civile depuis 2003.
Cette démarche africaine vise aussi à éviter un dérapage dans la mise en œuvre de l’accord de paix de 2005 entre le Nord et le Sud-Soudan. En fait, les Africains, qui n’ont pas hésité à condamner le coup de force à Madagascar, se sentent avant tout pointés du doigt par la justice internationale qui ignore, selon eux, les exactions commises ailleurs dans le monde. La CPI a en effet émis le 4 mars 2009 le mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, ne retenant pas toutefois l’accusation de génocide contre le président soudanais, premier chef d’Etat en exercice à être traité de la sorte.
Une perception jugée raciste de la justice internationale
Depuis septembre 2004, quatre enquêtes ont été ouvertes à propos de crimes commis en République démocratique du Congo (RDC), en Ouganda, au Soudan (Darfour) et en République centrafricaine. Trois d’entre elles l’ont été à la demande des gouvernements concernés (Ouganda, RDC et RCA), la quatrième (Soudan) ayant été déférée en 2005 à la Cour par le Conseil de sécurité des Nations unies alors que ce pays est un État non partie au Statut de Rome qui a créé la CPI.
Le Soudan a aussitôt réagi en expulsant treize des plus importantes ONG internationales actives au Darfour, dont la britannique Oxfam, l’américaine Care et les sections française et néerlandaise de Médecins sans frontières (MSF). Et le président el-Béchir à défié la communauté internationale en se rendant en Erythrée voisine et en participant au sommet arabe de Doha, au Qatar.
La réaction africaine au mandat d’arrêt a été partagée dans d’autres enceintes : ainsi le président de l’Assemblée générale de l’Onu, le Nicaraguayen Miguel d’Escoto Brockmann, a estimé qu’elle contribuait « à approfondir la perception de la justice internationale comme raciste, car c’est la troisième fois que quelque chose vient de la CPI, et c’est la troisième fois que cela a à voir avec l’Afrique ».
Dans un autre registre, l’ancien président de MSF, Rony Brauman, doute sérieusement des bienfaits d’une telle procédure. « Cette inculpation entraîne une radicalisation des positions et un risque d’escalade de la violence aussi bien du côté gouvernemental que du côté des forces rebelles du Darfour », a-t-il récemment estimé. De son côté, Anne-Marie La Rosa, conseillère juridique et chargée de liaison du Comité international de la Croix-Rouge (CICR – qui n’a pas été expulsé du Darfour) pour les questions ayant trait à la justice pénale internationale, a récemment mis l’accent sur la pratique du Comité basé à Genève, clairement établie depuis longtemps, de non-intervention dans les procédures judicaires et de non-divulgation de ce qu’il découvre dans le cadre de ses activités qui s’appuient sur sa vaste expérience du terrain, ainsi que sur son respect absolu de la confidentialité.
Pour le CICR, confidentialité ne rime pas avec consentement
Le CICR, selon elle, n’hésite pas à rappeler aux parties engagées dans un conflit – qu’il s’agisse de gouvernements ou de groupes armés non étatiques – les obligations qui leur incombent en vertu du Droit international humanitaire (DIH). Pour cette organisation neutre et indépendante, « Confidentialité ne rime cependant pas avec silence ou consentement. Cela signifie juste que nous ne communiquons qu’à la partie responsable nos informations et constatations concernant des violations présumées du DIH. Les informations que nous recueillons ne sont pas et ne seront jamais transmises à qui que ce soit d’autre, y compris la CPI », a-t-elle précisé. « La CPI et le CICR travaillent tous deux à prévenir les violations du DIH, mais selon des approches différentes que nous considérons comme complémentaires. (…) Tandis que la CPI poursuit et sanctionne, le CICR s’attache à promouvoir le respect du DIH au moyen du dialogue confidentiel et de la persuasion».


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