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Horrible braderie

Un Master à 40.000,00 DH. Qui dit mieux ?


H.T
Lundi 20 Août 2018

L’affaire a fait l’effet d’une trainée de poudre sur les réseaux sociaux. Un enregistrement vocal circule, en effet, à la vitesse du vent sur whatsApp. Il dévoile une présumée affaire de corruption liée à l’accès au Master Droit des contentieux publics de l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès.
Un étudiant y négocie avec un intermédiaire l’accès à ce Master contre la somme de 40.000 dirhams. Lequel s'est engagé à lui garantir l’obtention dudit diplôme ainsi que la solution de tout problème auquel il pourrait se trouver confronté durant ses deux années d'études. Il lui a même promis de revoir à la baisse le montant demandé s'il arrivait à rabattre d’autres étudiants vers lui. 
Mais au lieu de cela, l’étudiant en question s’est contenté de lui soutirer le maximum d’informations avant de mettre l’enregistrement de cette communication en ligne. Ce qui a non seulement pour effet d’enflammer les réseaux sociaux, mais aussi à pousser l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah à entrer en lice, samedi, pour annoncer, via un communiqué relayé par l’agence MAP, l’ouverture, en coordination avec le département de tutelle, d’une enquête» à ce propos et « qu'elle procède à l'analyse de manière minutieuse du contenu de l’enregistrement et à la collecte des données requises en vue de prendre la décision légale appropriée», tout en réitérant sa détermination «à garantir les conditions de transparence, d'objectivité et d'égalité des chances en matière d'inscription des candidats à toutes ses branches, tout en veillant à l'application des critères du Cahier des normes pédagogiques et au respect des dispositions d'accréditation relatives à chaque formation» et en précisant, sous le ton de la menace, qu’elle «se réserve le droit de faire face à toute pratique attentatoire à sa réputation et contraire à la loi et à l'intérêt général, quelle que soit son origine».
Pour sa part, le secrétaire d'Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Khalid Samadi, s’est contenté d’écrire sur sa page Facebook que «cette affaire aura certainement des conséquences fermes et sévères et il n’est pas possible de prendre à la légère le fait que la formation au sein de l’enseignement supérieur atteigne ce niveau de médiocrité et de bassesse… Les intervenants dans ce dossier que nous espérons isolé, devront rendre des comptes». Quelques heures plus tard, il a partagé sur son  mur un article de Hespress faisant état de l’arrestation opérée dans ce cadre sur ordre du Parquet général.
Mais, de fait, ce cas n’est nullement isolé puisque l’université marocaine a été secouée par de nombreux scandales liés à ses critères et ses systèmes d’évaluation. Certains d’entre eux ont défrayé la chronique et fait intervenir la justice et d’autres ont noirci les pages des rapports de la Cour des comptes.
Parmi les premiers, celui qui est encore frais dans les mémoires a eu pour cadre l’Université Abdelmalek Essadi de Tétouan. La presse en a fait ses choux gras et l’a même qualifié d’«affaire de sexe contre de bonnes notes». Certaines autres n’ont pas eu autant d’impact médiatique et ont vite été oubliées, exception faite de celles auxquelles la Cour des comptes a consacré ses investigations.
Il suffit d’ailleurs de lire les comptes rendus de celles-ci pour se rendre compte qu’en certains établissements universitaires, le terreau est propice à l’émergence de pareilles pratiques : problèmes de gouvernance et de contrôle,  procédures d’élaboration et d’accréditation des filières initiées en l’absence d’études préalables visant à déterminer les moyens humains assurant l’encadrement pédagogique et les infrastructures d’enseignement nécessaires, rareté des conventions de partenariat avec le secteur privé concernant les licences professionnelles visant à dispenser une formation permettant d’acquérir des compétences à même de répondre aux attentes du marché, inadéquation des systèmes d’évaluation des acquis des connaissances et des compétences relatifs aux filières des licences fondamentales, licences professionnelles, master et master spécialisé à la faculté, et le reste à l’encan.
Or, au lieu de prendre le taureau par les cornes, les autorités publiques compétentes se complaisent souvent dans l’attentisme, les effets d’annonce et les plans à long terme dont la réalisation dépendra de toutes les parties possibles exception faite de ceux qui en ont verbalement dressé les contours. Une sorte de jeu de la patate chaude que chacun refile à l’autre en étant sûr qu’il ne sera certainement point en poste pour avoir à rendre compte de ce qu’il a fait.
En attendant, le niveau de l’enseignement supérieur public continue de baisser et les affaires liées à ce que les parlementaires de la majorité et de l’opposition ont officiellement imputé à «la mafia de la corruption» continuent à secouer, da temps à autre, le secteur de l’enseignement.
Certains d’entre eux n’ont pas hésité, en août de l’année dernière, à dénoncer la corruption, la délivrance de faux diplômes et le plagiat des recherches scientifiques, demandant au ministre de l’Education nationale d’alors d’ouvrir une enquête à ce propos, mais ce dernier les a renvoyés vers la justice. «Ceux qui possèdent des dossiers et des preuves sur la corruption dans l’éducation nationale se doivent de les présenter à la justice » et ne pas accuser gratuitement de hauts responsables, leur avait-il répondu.  
 


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