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Et la douleur que vous avez remarquée sur mon visage, en entrant, était autant causée par la mort de son mari que par la désolation où je venais de la voir. J’allais même vous envoyer faire mon compliment de condoléance dans le moment que vous êtes entré. » À ces paroles de Zobéide : « Voilà, madame, une obstination bien étrange ! s’écria le calife avec un grand éclat de rire. Et moi je vous dis, continua-t-il en reprenant son sérieux, que c’est Nouzhat-Oulaoudat qui est morte. Non, vous dis-je, seigneur, reprit Zobéide à l’instant et aussi sérieusement, c’est Abou-Hassan qui est mort : vous ne me ferez pas accroire ce qui n’est pas. » De colère, le feu monta au visage du calife ; il s’assit sur le sofa assez loin de la princesse, et en s’adressant à Mesrour : « Va voir tout à l’heure, lui dit-il, qui est mort de l’un ou de l’autre, et viens me dire incessamment ce qui en est. Quoique je sois très certain que c’est Nouzhat-Oulaoudat qui est morte, j’aime mieux néanmoins prendre cette voie que de m’opiniâtrer davantage sur une chose qui m’est parfaitement connue. »
Le calife n’avait pas achevé que Mesrour était parti. « Vous verrez, continua-t-il en s’adressant à Zobéide, dans un moment, qui a raison de vous ou de moi. « – Pour moi, reprit Zobéide, je sais bien que la raison est de mon côté, et vous verrez vous-même que c’est Abou-Hassan qui est mort, comme je l’ai dit. « – Et moi, repartit le calife, je suis si certain que c’est Nouzhat-Oulaoudat, que je suis prêt à gager contre vous, ce que vous voudrez, qu’elle n’est plus au monde et qu’Abou-Hassan se porte bien.
« – Ne pensez pas le prendre par-là, répliqua Zobéide, j’accepte la gageure. Je suis si persuadée de la mort d’Abou- Hassan, que je gage volontiers ce que je puis avoir de plus cher contre ce que vous voudrez, de quelque peu de valeur qu’il soit. Vous n’ignorez pas ce que j’ai en ma disposition ni ce que j’aime le plus, selon mon inclination. Vous n’avez qu’à choisir et à proposer, je m’y tiendrai, de quelque conséquence que la chose soit pour moi.
« – Puisque cela est ainsi, dit alors le calife, je gage donc mon jardin des délices contre votre palais de peintures : l’un vaut bien l’autre.
« – Il ne s’agit pas de savoir, reprit Zobéide, si votre jardin vaut mieux que mon palais : nous n’en sommes pas là-dessus. Il s’agit que vous ayez choisi ce qu’il vous a plu de ce qui m’appartient pour équivalent de ce que vous gagez de votre côté : je m’y tiens, et la gageure est arrêtée. Je ne serai pas la première à m’en dédire, j’en prends Dieu à témoin. »
Le calife fit le même serment, et ils en demeurèrent là en attendant le retour de Mesrour. Pendant que le calife et Zobéide contestaient si vivement, et avec tant de chaleur, sur la mort d’Abou-Hassan ou de Nouzhat-Oulaoudat, Abou-Hassan, qui avait prévu leur démêlé à ce sujet, était fort attentif à tout ce qui pourrait en arriver.
D’aussi loin qu’il aperçut Mesrour, au travers de la jalousie contre laquelle il était assis en s’entretenant avec sa femme, et qu’il eut remarqué qu’il venait droit à leur logis, il comprit aussitôt à quel dessein il était envoyé. Il dit à sa femme de faire la morte encore une fois, comme ils en étaient convenus, et de ne pas perdre de temps.
En effet, le temps pressait, et c’est tout ce qu’Abou-Hassan put faire avant l’arrivée de Mesrour que d’ensevelir sa femme et d’étendre sur elle la pièce de brocart que le calife lui avait fait donner. Ensuite il ouvrit la porte de son logis, et le visage triste et abattu, en tenant son mouchoir devant ses yeux, il s’assit à la tête de la prétendue défunte.
À peine eut-il achevé, que Mesrour se trouva dans sa chambre. Le spectacle funèbre qu’il aperçut d’abord lui donna une joie secrète, par rapport à l’ordre dont le calife l’avait chargé.
(A suivre)