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Fenêtre... : “On ne naît pas femme, on le devient”


Atmane Bissani
Jeudi 8 Mars 2012

Fenêtre... :  “On ne naît pas femme, on le devient”
On est le huit mars : la Journée internationale de la femme, ou, pour le dire dans les termes les plus courants : la fête de la femme. Meilleurs vœux à toutes les femmes du monde en général et Marocaines en particulier. Une fête remplace rapidement une autre, et après? Quels changements? Quel avenir et quel devenir? Et puis pourquoi une fête annuelle alors que la situation des femmes est de plus en plus lamentable dans les sociétés tiers-mondistes? Ce ne sont pas les fêtes qui font les êtres, ce sont les actes; ce ne sont pas les compliments qui structurent l’avenir, ce sont les faits. «On ne naît pas femme : on le devient», dit Simone de Beauvoir dans «Le deuxième sexe». Il est on ne peut plus aberrant que le sort d’un être humain soit le produit d’un autre être humain. Il est on ne peut plus scandaleux que de voir sévir les idéologies de la discrimination, de la ségrégation et du tutorat dans des sociétés appartenant au XXIe siècle. Le cri de Simone de Beauvoir est tellement fort qu’il condamne la société française de l’époque d’être indifférente à l’égard de la condition féminine dont la réalité était affreuse. En échos aux propos de Simone de Beauvoir, Gayatri Chakravorty Spivac s’interroge : «Les subalternes peuvent-elles parler?» Par «subalternes» elle entend les femmes (indiennes entre autres) dont la parole est interdite. Quand la société est phallocratique ; quand la pensée dominante est fondamentaliste ; quand les intellectuels progressistes démissionnent de la vie publique, les femmes sont réduites au silence et la société affronte l’irréparable. Faut-il toujours attendre la journée internationale de la femme, le 8 mars de chaque année, pour reconnaître son existence en tant que présence sine qua non pour la continuité de la vie, et en tant qu’être humain à part entière ? Est-il raisonnable de penser la condition féminine une fois par an bien que sa réalité soit lamentable dans un contexte régi, fondamentalement, par la logique masculine ? Il va sans dire que le devenir d’une société est la responsabilité de ses hommes et ses femmes. Une société qui réduit la femme à son seul corps, une société qui continue de voir en elle la représentation du démoniaque et du satanique, une société qui ne cesse de la considérer comme lieu de tous les tabous est, par la force de la raison, une société qui ne vit point en harmonie avec le cours de l’histoire, c'est-à-dire avec le sens du changement comme étant le moteur des grands acquis de l’humanité. Une telle société est tout naturellement bancale car elle avance en déséquilibre. Sociologues, psychologues et anthropologues concluent unanimement que les sociétés qui ont plus de chance d’évoluer, donc d’être historiques, sont celles qui permettent à leurs femmes de faire valoir leur intelligence et à participer à la création des schèmes et des structures de base de l’avenir. A contrario, les sociétés qui n’évoluent pas, donc anhistoriques, sont celles qui  étouffent les capacités intellectuelles de leurs femmes tout en les obligeant à ne jamais penser mais à subir aveuglément sans chercher à comprendre. Dans sa trilogie intitulée «Le génie féminin»,  Julia Kristeva s’engage dans le dévoilement des secrets du génie féminin tout en se posant la question : y a-t-il un génie féminin ? Elle présente à son lecteur trois voix féminines d’une exceptionnelle présence dans les paysages philosophique, psychanalytique et littéraire du siècle dernier : Hannah Arendt, Melanie Klein et Colette. En psychanalyste douée, Julia Kristeva découvre à travers ces trois femmes que le génie n’est point la distinction de la masculinité si l’on considère que la créativité, essence du génie, est aussi une expérience profondément féminine. Au Maroc, nombreuses sont les femmes qui peuvent incontestablement passer pour des génies car elles créent des œuvres que les hommes sont incapables d’imiter. Nombreuses sont les femmes qui cogitent sur leur propre condition et sur le devenir et l’avenir de tout le pays. Fatema Mernissi, Zakia Zouanat, Rahma Bourkia, Benhila Regraguia  et bien d’autres femmes sont inculquées dans la mémoire collective des Marocains pour les efforts qu’elles ont fournis en vue de promouvoir l’intelligence féminine. Dans son ouvrage Le « féminisme au Maroc »,  Abdessamad Dialmy voit que la question féminine est une question qui n’est pas encore transformée en objet d’enseignement et de recherche dans le curricula de l’Université marocaine, ce qui ne permet pas, malheureusement, un dépassement des représentations tellement archaïques qu’on continue de se faire de la femme. Il est temps de repenser la condition féminine comme étant une structure consubstantiellement liée à la condition masculine. Machisme, sexisme et phallocratie sont le résultat immédiat de l’incapacité masculine de saisir la présence féminine dans son champ de perception comme présence d’un être humain doué d’une subtilité et d’une ingéniosité éminentes. La vérité des êtres et des choses ne peut exister que dans le point interstitiel qui réunit masculinité et féminité. Ce point interstitiel demeure, à plus forte raison, la part occultée de chaque expérience. Le génie féminin nous invite à y voir clair en vue de définir autrement l’avenir…


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