Driss Lachguar : Dans les démocraties matures, des tragédies comme celles de Fès ou Safi ont des conséquences politiques immédiates

La reconstruction du parti s’est faite par le travail militant, la discipline organisationnelle et la clarté des règles


Adam Ali
Lundi 22 Décembre 2025

Le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, a accordé, vendredi, un entretien au site d’information «Achkaynpress». L’échange s’est déroulé dans un climat franc et direct, loin des discours convenus, et a porté sur plusieurs questions politiques, sociales et institutionnelles d’actualité. 
Aujourd'hui, à l’USFP, les responsabilités se gagnent par le travail, et non par les réseaux ou les arrangements de coulisses
Dans un paysage politique souvent marqué par l’esquive et la langue de bois, l’entretien accordé par le leader ittihadi se distingue par sa franchise assumée et par la cohérence d’un discours qui revendique l’expérience, la mémoire et la responsabilité comme fondements de l’action publique. «La politique n’est ni un exercice de communication, ni une suite de postures opportunistes», affirme-t-il, notant qu’elle demeure avant tout «un engagement exigeant, fondé sur la lucidité, le courage et la fidélité aux principes».

Dès les premières minutes, Driss Lachguar installe le ton en rendant hommage au professionnalisme de «Achkaynpress » et à la nature du débat proposé. Il salue «une démarche journalistique qui ose poser les vraies questions, sans complaisance et sans calcul». Cette reconnaissance n’est pas anodine, elle traduit une conception exigeante du débat public, où la confrontation des idées devient un levier de clarification démocratique et non un simple spectacle.

Interpellé sur l’actualité nationale et sur les émotions contradictoires qui traversent l’opinion publique en ce moment, Driss Lachguar s’arrête longuement sur la victoire de l’équipe nationale marocaine lors de la Coupe arabe. Un succès qu’il accueille «avec fierté et émotion», tout en appelant à une lecture responsable et lucide. Selon lui, «cette victoire, aussi éclatante soit-elle, ne doit pas masquer les fragilités structurelles du secteur sportif national».

Il rappelle, avec une pointe de nostalgie, les grandes heures de l’athlétisme marocain, les exploits en boxe et les ambitions déçues dans d’autres disciplines, soulignant que «le Maroc ne peut se contenter d’exploits ponctuels». Pour Driss Lachguar, l’enjeu est clair : «Il faut bâtir une politique sportive globale, cohérente et durable». Dans cette analyse, il insiste sur le rôle déterminant de la Vision Royale, notamment à travers la stratégie des académies de football et des infrastructures modernes qui portent aujourd’hui leurs fruits. «Lorsque la volonté politique s’appuie sur une planification rigoureuse et des moyens adéquats, les résultats suivent», indique-t-il. Mais il avertit, avec la même fermeté, contre toute tentation d’autosatisfaction, appelant à généraliser cette approche à l’ensemble des disciplines sportives afin que le succès ne soit pas l’exception, mais la règle.
Le Maroc n’a pas à justifier son identité. Elle est plurielle, riche et assumée, comme le consacre la Constitution
Abordant le débat identitaire suscité par la participation du Maroc à la Coupe arabe, Driss Lachguar répond sans détour : «La question est tranchée depuis longtemps par l’histoire, la Constitution et la conscience collective». Le Maroc, dit-il, assume pleinement «son identité plurielle, dans toutes ses composantes arabe, amazighe, africaine et méditerranéenne». Il rejette les polémiques stériles et précise que «ce qui importe réellement, c’est la place du Maroc dans le monde, la qualité de l’image projetée et les opportunités offertes à la jeunesse». Mais l’entretien prend une tournure plus grave lorsque le Premier secrétaire évoque les tragédies qui ont récemment endeuillé plusieurs villes marocaines, notamment Fès et Safi. Des drames qu’il qualifie, sans ambiguïté, de «responsabilités humaines et institutionnelles». Driss Lachguar refuse toute fatalité et toute tentative de se réfugier derrière le discours du destin : «Ce qui s’est produit aurait pu être évité si la loi avait été appliquée avec rigueur et si les mécanismes de contrôle avaient joué leur rôle».
La victoire de l'EN à la Coupe arabe nous rend fiers, mais elle ne doit pas masquer les fragilités structurelles du sport national
Dans une analyse d’une grande précision, il pointe la responsabilité partagée des autorités gouvernementales, des administrations territoriales, des agences urbaines et de l’ensemble de la chaîne décisionnelle. Il insiste sur la nécessité «d’identifier clairement les responsabilités à travers des enquêtes sérieuses et transparentes», rappelant que, dans les démocraties matures, ce type de drame entraîne des conséquences politiques et administratives immédiates.

Concernant les inondations de Safi, Driss Lachguar adopte une perspective historique et structurelle. Il met en évidence que certaines zones sont connues depuis des décennies pour leur vulnérabilité et que des études existent, identifiant clairement les risques et les solutions nécessaires. Il déplore «l’absence de planification à long terme et de priorisation budgétaire», relevant que «le coût de la prévention est toujours inférieur à celui des catastrophes humaines et matérielles».

Interpellé sur l’absence de communication officielle de l’USFP après ces événements, Driss Lachguar répond avec une sincérité désarmante. Il rejette ce qu’il appelle «les gesticulations médiatiques et les réactions opportunistes», estimant que «la responsabilité politique ne consiste pas à publier des communiqués à chaud, mais à proposer des solutions sérieuses et durables».

Il explique que le parti avait envisagé l’organisation d’une rencontre de réflexion à Safi, mais que le Message Royal est venu recentrer l’action collective autour d’une initiative nationale nécessitant «respect, retenue et sens de la hiérarchie institutionnelle».

C’est dans ce même esprit de responsabilité que Driss Lachguar aborde sa reconduction à la tête de l’USFP pour un quatrième mandat. Une situation inédite dans l’histoire du parti, qu’il assume «sans triomphalisme ni faux-semblants». Il rappelle que cette décision «n’est ni personnelle ni imposée», mais résulte d’«un choix collectif mûrement réfléchi, dans un contexte particulier marqué par de grands défis électoraux et organisationnels».

Revenant sur le long processus de reconstruction du parti, il évoque avec émotion les années difficiles, marquées par les divisions, les départs et les crises internes. «L’USFP a frôlé l’effondrement», reconnaît-il, avant de se relever progressivement grâce à la persévérance de ses militantes et militants. Il souligne que le parti est aujourd’hui «la seule force d’opposition disposant de deux groupes parlementaires», un acquis politique majeur qui témoigne, selon lui, du renouveau organisationnel et de la crédibilité retrouvée.
L’aménagement du territoire ne peut plus être pensé dans l’urgence ou l’improvisation
Le leader ittihadi insiste longuement sur la refondation interne du parti, mettant en avant la tenue d’un nombre inédit de congrès régionaux et provinciaux avant le congrès national. Une démarche qu’il qualifie de «révolution organisationnelle», visant à mettre fin aux pratiques de rente et à instaurer «une culture du mérite, de l’effort et de la compétence». «Aujourd’hui, à l’USFP, les responsabilités se gagnent par le travail, et non par les réseaux ou les arrangements de coulisses», déclare-t-il.

Sur la question du renouvellement générationnel, Driss Lachguar se montre résolument optimiste. Il fait savoir que l’USFP est «le seul parti marocain à fixer l’âge de la jeunesse partisane à moins de trente ans» et à permettre à de jeunes militantes et militants d’accéder à des responsabilités nationales majeures. «Mon ambition est de voir un jour un jeune trentenaire accéder au poste de Premier secrétaire», confie-t-il, «incarnant ainsi la continuité et le renouveau».

L’entretien aborde également la question de l’unité retrouvée du parti. Driss Lachguar rejette catégoriquement les accusations de purge ou d’exclusion. Il ajoute que le congrès s’est déroulé «dans un climat d’apaisement et de maturité politique inédit», où les divergences se sont exprimées «dans le respect des instances et des règles démocratiques». Il assure que plusieurs figures critiques ont participé activement aux travaux du congrès et continuent de jouer un rôle au sein des structures du parti.

Sur le plan national et international, Driss Lachguar développe une vision claire et assumée de la diplomatie partisane de l’USFP, en parfaite cohérence avec la diplomatie Royale. Il rappelle l’engagement constant du parti en faveur de la cause nationale et son action soutenue auprès des forces progressistes internationales pour faire reconnaître la légitimité du plan d’autonomie comme «la seule solution réaliste et durable» à ce conflit artificiel.

Il explique que cette position n’est «ni improvisée, ni conjoncturelle», mais le fruit d’«un travail patient et rigoureux» mené dans les forums internationaux, les réseaux socialistes et les alliances progressistes. Il insiste sur la nécessité «d’une lecture géopolitique réaliste, débarrassée des slogans idéologiques dépassés», soutenant que la défense de l’intégrité territoriale du Royaume exige «intelligence stratégique, constance et sens des équilibres internationaux».

Concernant le plan d’autonomie, Driss Lachguar précise qu’il constitue non seulement une solution politique, mais aussi «une opportunité historique pour corriger les erreurs du passé, renforcer la démocratie territoriale et consolider l’unité nationale». Il indique que le Maroc, «fort de ses institutions et de sa stabilité, n’a rien à craindre d’un modèle avancé de gouvernance territoriale», dès lors qu’il s’inscrit «dans un cadre constitutionnel clair et souverain».
La défense de l’intégrité territoriale du Maroc exige sérieux, constance et intelligence stratégique
Tout au long de cet entretien, Driss Lachguar donne à voir un responsable politique pleinement conscient des défis du moment, mais profondément confiant dans les capacités du Maroc et de l’USFP à y répondre. Son discours mêle expérience, lucidité et espoir, dessinant les contours d’un projet politique fondé sur la responsabilité, la justice sociale et la fidélité aux constantes nationales.

Cet entretien n’est pas seulement le reflet d’une trajectoire personnelle ou partisane. Il constitue un document politique de premier plan, qui éclaire les choix stratégiques de l’Union socialiste des forces populaires et réaffirme sa vocation historique : celle d’un parti de lutte, de proposition et d’avenir, au service du Maroc et des Marocains.

Adam Ali


Lu 119 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Dossiers du weekend | Actualité | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | TVLibe


Flux RSS