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Bizarrement ulcéré, Alger rappelle son ambassadeur à Madrid


Mourat Tabet
Dimanche 20 Mars 2022

Bizarrement ulcéré, Alger rappelle son ambassadeur à Madrid
«Un tournant historique». C’est le terme utilisé par les observateurs  pour qualifier le changement radical dans la position de l’Etat espagnol quant à l’affaire du Sahara marocain. Jusqu’à récemment, l’Espagne maintenait une neutralité négative dans ce dossier, tout en appuyant les efforts de l’ONU pour trouver une solution à ce conflit artificiel.

Mais vendredi dernier, Madrid a changé de ton et de position en considérant «l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend» au sujet du Sahara marocain.

C’est un communiqué du Cabinet Royal qui a annoncé cette bonne nouvelle. « Dans un message adressé à S.M le Roi Mohammed VI, le Président du gouvernement espagnol, S.E.M. Pedro Sánchez, a souligné qu’il "reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc. A ce titre, l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend » au sujet du Sahara marocain.

Il a, également, souligné "les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable".

Dans son message au Souverain, le  président du gouvernement espagnol a, en outre, mis en exergue que les « deux pays sont unis inextricablement par des affections, une histoire, une géographie, des intérêts et une amitié partagée ». Mieux encore, Pedro Sánchez s’est dit « convaincu que les destins des deux peuples le sont aussi" et que "la prospérité du Maroc est liée à celle de l’Espagne, et inversement ».

Le même jour, le gouvernement espagnol a rendu public un communiqué dans lequel il s’est engagé à garantir « la souveraineté et l’intégrité territoriale » du Maroc dans le cadre de « la nouvelle étape » entamée entre les deux pays.

«Nous entamons aujourd'hui une nouvelle étape dans nos relations avec le Maroc, basée sur le respect mutuel, l’application des accords, l'absence d'actions unilatérales, la transparence et la communication permanente. Cette nouvelle étape sera développée (...) sur une feuille de route claire et ambitieuse. Tout cela afin de garantir la stabilité, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la prospérité de nos deux pays », souligne le communiqué de la Présidence du gouvernement espagnol.

Pourquoi cette nouvelle position espagnole constitue un tournant historique ? Pour Moussaoui Ajlaoui, expert associé à Ames-center, cette nouvelle position est historique, car « c’est la première fois que le gouvernement espagnol reconnaît le plan d'autonomie comme la seule base pour résoudre l’affaire du Sahara. Cela signifie que Madrid reconnaît explicitement la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Si les Américains ont reconnu la marocanité du Sahara par la décision de Trump confirmée d’ailleurs par l'administration de Joe Biden directement et indirectement, alors les Espagnols, à leur tour, sont engagés dans ce changement international vers une solution politique fondée sur le plan d'autonomie proposé par le Maroc. Cette nouvelle position est d'une grande importance, car l'Espagne est l’ex-puissance colonisatrice du Sahara et constitue un fief des séparatistes du Polisario ».

Il ne faut pas oublier également que l’Espagne, à l’instar d’autres pays européens comme l’Allemagne (qui a changé par la suite sa position), s’est opposée à la décision de Donald Trump reconnaissant la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Comment expliquer le changement de position de l’Espagne  qui met fin à la crise diplomatique entre Rabat et Madrid déclenchée à cause de l’affaire Brahim Ghali? Selon Moussaoui Ajlaoui, ce qui a favorisé ce changement est la guerre actuelle en Ukraine. « Avec la guerre en Ukraine, la question de renforcer la sécurité dans la région Sud de la Méditerranée, qui est une zone géostratégique importante pour l’Europe, a commencé à se poser entre les Européens. La Russie veut encercler l’Europe et, partant, l’Occident, et l’Europe veut aussi encercler la Russie. D’où l’importance de cette région aussi bien pour les Russes que pour les Européens », a souligné le chercheur marocain. Et de préciser : « Ce qui a accéléré ce changement, c'est la non-participation du Maroc au vote lors de l’Assemblée générale de l’ONU pour condamner la Russie. Par cette position, Rabat voulait adresser un message aux Européens selon lequel si vous voulez un partenariat stratégique, il doit être global, c'est-à-dire tenant compte des intérêts et de l'intégrité territoriale du Royaume du Maroc ».

Cette nouvelle position de l’Espagne constitue le coup de grâce pour l’Algérie et ses affidés séparatistes. Profondément vexé, le régime algérien a réagi impulsivement en décidant le rappel avec «effet immédiat» de son ambassadeur à Madrid après les déclarations du chef du gouvernement espagnol qui constituent, selon Alger, un «brusque revirement» de position sur la question du Sahara marocain.

«Très étonnées par les déclarations des plus hautes autorités espagnoles relatives au dossier du Sahara, les autorités algériennes, surprises par ce brusque revirement de position de l'ex-puissance administrante du Sahara, ont décidé le rappel de leur ambassadeur à Madrid pour consultation avec effet immédiat», a indiqué le ministère des Affaires étrangères algérien dans un communiqué.

«La «colère» du régime algérien montre une fois de plus la frustration qu’il ressent surtout après le nouveau contrat gazier conclu entre le gouvernement espagnol et le régime d’Alger », a souligné Moussaoui Ajlaoui. Et de préciser : « La position algérienne montre une fois de plus que l'Algérie est la principale partie dans l’affaire du Sahara, alors que le Polisario n'est qu'une marionnette entre les mains du régime algérien. La décision de l'Espagne est une décision souveraine qui n’a aucun rapport avec les affaires intérieures de l’Algérie, pourquoi, donc, le régime algérien se sent vexé et convoque son ambassadeur pour consultation?
Pourquoi n'a-t-il pas retiré son ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique après la reconnaissance par Donald Trump de la marocanité du Sahara ? Et pourquoi n'a-t-il pas retiré ses ambassadeurs d'un certain nombre de pays arabes qui ont exprimé la même opinion, tels le Bahreïn, les Emirats arabes unis, entre autres ? Cela montre la justesse de l’affirmation marocaine selon laquelle l'Algérie est la principale partie dans ce conflit ».

Quant à la position de la France, Moussaoui Ajlaoui a estimé qu’il faut attendre les résultats des prochaines élections présidentielles. « Certes, la France a toujours défendu le Royaume au sein du Conseil de sécurité et appuie le plan d’autonomie. Mais le Maroc attend que Paris fasse un pas en avant qui pourrait unir l'Europe occidentale quant à la question du Sahara  marocain».

Mourat Tabet


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