Un système de baccalauréat unifié et efficace

La solution idéale pour relever les défis éducatifs et économiques


Saïd Jamil
Vendredi 20 Juin 2025

Un système de baccalauréat unifié et efficace
Le système du baccalauréat au Maroc fait aujourd’hui face à une série de défis qui soulèvent de profondes interrogations quant à son efficacité et sa pertinence face aux exigences de l’époque actuelle.

Lors de la session de cette année, le taux de réussite national n’a pas dépassé 67 %, un chiffre modeste en comparaison avec plusieurs pays du bassin méditerranéen : la France a atteint un taux de réussite de 91,4 % en 2024, l’Espagne 94 %, le Liban plus de 90 %, et l’Italie plus de 99 % en 2025.

Ces écarts ouvrent le débat sur la structure organisationnelle et le mode d’évaluation du baccalauréat marocain, ainsi que sur la nécessité d’une relecture tenant compte de l’évolution des contextes national et international.

Il convient de rappeler que le Maroc a connu sa première réforme structurelle du système du baccalauréat à la fin des années 1980 (1987), avec une division de ce cycle en deux années : la première année du baccalauréat et l’année terminale, dans le but d’améliorer la progressivité de l’apprentissage et de renforcer la préparation des élèves à l’enseignement supérieur. Cependant, cette structure n’était initialement accompagnée d’aucun système de pondération dans la notation, l’évaluation reposant entièrement sur les résultats des examens finaux de la dernière année.

Ce n’est qu’à partir de 2003, dans le cadre de la Charte nationale d’éducation et de formation, qu’un système d’évaluation multiple a été instauré, intégrant trois composantes principales dans le calcul de la moyenne générale du baccalauréat : le contrôle continu (25 %), évalué au sein de l’établissement scolaire ; l’examen régional en première année de baccalauréat (25 %) ; puis l’examen national unifié en année terminale (50 %), qui concerne les matières de spécialité selon chaque filière. Cette réforme a constitué un tournant qualitatif dans la structuration des méthodes d’évaluation des candidats au baccalauréat, en instaurant une répartition plus équilibrée des responsabilités entre l’établissement scolaire, les centres régionaux et le département de tutelle.

En apparence, cette répartition semble organisée ; mais dans la réalité, elle engendre une grande confusion dans le parcours scolaire de l’élève, dispersant son attention et diminuant sa préparation aux matières spécialisées nécessaires à ses études universitaires. L’élève se retrouve contraint de concilier les matières de l’examen régional et celles de sa spécialité, ce qui nuit à sa concentration et à sa performance dans les matières fondamentales de son orientation.

Ainsi, l’élève consacre presque entièrement le deuxième semestre, voire l’année scolaire complète, à la préparation des matières de l’examen régional, négligeant volontairement, ou sous pression, les matières de spécialité qu’il doit pourtant maîtriser en deuxième et dernière année du secondaire. Cette situation provoque un déséquilibre dans la hiérarchisation des priorités d’apprentissage, reléguant les matières essentielles à l’orientation universitaire et au parcours professionnel, et impactant négativement la préparation à l’année terminale qui représente la moitié de la moyenne générale du baccalauréat.

Par ailleurs, le phénomène des cours de soutien privés prend de l’ampleur, en particulier en première année du baccalauréat. Sous la pression de l’examen régional, les élèves assistent à de nombreuses heures de cours en dehors de l’école, entraînant une fatigue physique et mentale qui affecte leur rendement dans les matières de spécialité pendant les heures de cours. De plus, cela engendre un coût financier lourd pour les familles, accentuant les inégalités sociales, notamment dans les zones urbaines.

Plus grave encore, la tenue de l’examen régional à la fin du mois de mai, comme c’est le cas cette année, vide de fait les lycées de leurs élèves avant l’heure, puisque ces établissements deviennent des centres d’examen ou de correction. Cela impose aux autres élèves une sorte de « vacances non déclarées ». Ainsi, l’élève passe d’une pause estivale prévue de deux mois à une interruption qui s’étale en réalité sur trois mois ou plus, ce qui provoque une rupture prolongée des études. La rentrée scolaire de septembre devient alors difficile et perturbante, obligeant les enseignants à reconstruire et à consolider les connaissances de base des matières spécialisées censées avoir été acquises l’année précédente, ce qui entrave toute planification pédagogique cohérente pour le début de la nouvelle année scolaire.

En tenant compte de la structure actuelle du baccalauréat sur deux années, de la faible attention portée aux matières de spécialité, de la pression psychologique, du poids accordé à la réussite de l’examen régional dans des matières secondaires, ainsi que de l’allongement des vacances d’été, il apparaît clairement qu’une grande partie de la faiblesse des résultats au baccalauréat marocain provient de ce choix organisationnel. Ce mode d’organisation, adopté depuis plus de vingt ans, est aujourd’hui dépassé et ne répond plus à la réalité actuelle. Les systèmes d’évaluation doivent être périodiquement revus pour s’adapter aux besoins des nouvelles générations et aux mutations sociales.

A cela s’ajoute un dysfonctionnement dans l’orientation scolaire et ses répercussions sur l’intégration et la réussite dans l’enseignement supérieur. On constate un fort taux d’abandon en première ou deuxième année universitaire, ce qui représente une perte énorme en termes de formation des compétences jeunes et un impact négatif sur leur avenir professionnel.

Au-delà de ce constat pédagogique, académique et humain accablant, le système actuel de baccalauréat sur deux années engendre également un coût financier important pour l’Etat. Le budget d’organisation de chaque session atteint plusieurs dizaines de millions de dirhams, couvrant l’élaboration, l’impression, la distribution, la surveillance, la correction des examens, ainsi que leur sécurisation. A cela s’ajoute la mobilisation contre la fraude et la mise à contribution des appareils sécuritaires et de la protection civile pendant les trois jours des épreuves.

D’un point de vue économique, l’absence des parents de leur lieu de travail pour accompagner leurs enfants pendant les examens nuit à la productivité nationale, ces derniers représentant environ 2 à 3 % de la population active, ce qui engendre des pertes financières notables.

Il ne s’agit pas seulement aujourd’hui d’alléger la pression sur les élèves, mais aussi de revaloriser les matières de spécialité, de reconnaître les efforts fournis en première année, d’intégrer l’évaluation de manière équilibrée dans le parcours scolaire, de rationaliser le temps scolaire et de garantir la continuité de l’enseignement jusqu’à la fin de l’année.

Ces problèmes confirment que le système actuel du baccalauréat a besoin de réformes profondes centrées sur une orientation des élèves vers leurs spécialités dès la première année du secondaire, soit au niveau du tronc commun, plutôt que d’attendre la deuxième année pour choisir une filière. Ce changement permettrait aux élèves de mieux se concentrer, d’améliorer leurs résultats, et de réduire les charges financières et organisationnelles de l’Etat.

Pour dépasser tous ces dysfonctionnements, il semble que le moment soit venu de repenser entièrement la structure de l’examen du baccalauréat au Maroc. Il est impératif de réorganiser cet examen sur une seule année, à savoir l’année terminale du secondaire. Les élèves devraient être évalués principalement dans leurs matières de spécialité, en plus d’une épreuve de philosophie et d’une matière linguistique au choix. Ces matières devraient représenter 60 % de la moyenne générale.

Les 40 % restants pourraient être répartis en deux volets complémentaires : 20 % dédiés à l’évaluation continue au sein de l’établissement scolaire, par le suivi des performances de l’élève tout au long de l’année, et 20 % à l’évaluation des compétences de vie, des aptitudes comportementales et des capacités relationnelles, à travers des projets scolaires collectifs réalisés au sein de l’établissement. 

Saïd Jamil
Saïd Jamil
Ce travail devrait être effectué en deuxième année du secondaire, avant l’année terminale, afin que l’élève développe ses compétences au bon moment et n’attende pas la phase de l’examen final. Ces projets doivent porter sur des thèmes civiques et éducatifs soigneusement choisis, présentés devant les élèves et les enseignants, renforçant ainsi l’esprit d’initiative, le travail collectif, la communication et l’implication dans la vie scolaire.

En définitive, l’avenir de l’éducation au Maroc dépend de la capacité des décideurs à moderniser ce système au service des intérêts des élèves et de l’économie nationale, afin de faire du Maroc un pays compétitif en matière de qualité d’enseignement et de chances de réussite.

Par Saïd Jamil
Professeur de l’enseignement supérieur


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