
S'agit-il d'un séisme dans le commerce mondial ?
Oui… On y retrouve tous les éléments d'une carte tectonique d’un séisme…
Mais l'ironie, c'est qu'il s'agit d'un séisme contrôlé.
Il existe naturellement des interprétations diverses et variées de la décision du président américain, Donald Trump, d'instaurer un « nouveau système tarifaire » pour le commerce mondial, fondées sur les intérêts stratégiques de son pays au sein de l'économie mondiale (la première puissance à ce jour). Parmi ces interprétations figure celle des spécialistes, issus de la tribu des économistes et des experts boursiers, qui est largement technique. Cependant, il existe d'autres interprétations politiques, et même culturelles, de cette aventure inédite du président américain.
On peut affirmer sans hésiter que, par l'accumulation de ses réalisations politiques, Donald Trump s'assure une place dans la mémoire historique américaine (et peut-être mondiale) pour les décennies à venir. Cela a le même impact que nous connaissons tous de présidents américains comme James Monroe (le fondateur du principe du protectionnisme américain et de l'exclusion du nouvel Etat des calculs des puissances européennes, en particulier de leurs guerres compétitives à travers le monde dans la première moitié du XIXe siècle), Abraham Lincoln (l'unificateur de l'Amérique, l'émancipateur des esclaves et le fondateur de la théorie économique libérale américaine par le biais du Real state et de la Promotion immobilière dans la seconde moitié du XIXe siècle), ou Woodrow Wilson (l'auteur des 14 Principes internationaux sur le droit des peuples à l'autodétermination et la liberté du commerce international après la Première Guerre mondiale en 1918, qui a marqué la première transgression américaine de la doctrine Monroe et le retour de Washington sur la scène mondiale).
Le point essentiel est que, loin de la rhétorique de la plupart des médias européens (notamment français), qui proclament la « folie » de Trump, le président américain agit dans une perspective politique purement américaine, guidé par ce qu'il considère comme le « droit de l'intérêt suprême » de la suprématie commerciale mondiale. Trump n'est donc que la figure emblématique d'un mouvement américain qui s'est développé au plus profond du terreau politique qui façonne le processus décisionnel stratégique de Washington, avec des particularités culturelles et religieuses rarement reconnues à leur juste valeur.
Certes, cet homme est un commerçant, mais il est aussi un homme politique. Son projet politique possède les éléments d'une idéologie structurée et justificative, soutenue par un discours culturel et religieux complet, et une structure institutionnelle claire et ancrée dans le tissu social américain.
Le plus important ici est de prêter attention à la profondeur intellectuelle de cette politique Trumpienne, étayée par un cadre théorique mettant l'accent sur le devoir de protéger les droits commerciaux, économiques et entrepreneuriaux des États-Unis, ainsi que leur modèle mondial (pas nécessairement le slogan classique bien connu de la liberté, mais plutôt son modèle culturel, ethnique et religieux). Ce n'est pas un hasard si l'ensemble de l'arsenal « moral » déployé par le président américain se réfère au modèle du citoyen idéal, recoupant les institutions de la famille, de l'éducation et des médias. C'est plutôt la structure communicationnelle sous-jacente à cette tendance, représentée par la puissance de l'appareil technologique d'Elon Musk, qui en fournit la preuve la plus frappante.
Y a-t-il des perdants dans ce nouveau tournant américain, selon les calculs du XXIe siècle ?
Oui, il y a beaucoup de perdants, et il serait illusoire de croire que l’espace asiatique en fait partie. En effet, le grand perdant est l’espace européen, qui a bêtement succombé au piège de la dilapidation de sa profondeur russe et, parallèlement, s'est engagé dans un conflit armé via le dossier ukrainien. On ne peut guère s'étonner de la surdité des politiques européennes à Paris et à Berlin, qui semblent avoir ignoré l'appel du dirigeant historique de la France, Charles de Gaulle, qui continuait d'appeler à ne pas dilapider la profondeur de l'Europe occidentale, représentée par Moscou. Le résultat aujourd'hui n'est pas nécessairement l'émergence de la puissance rusée d'un dirigeant russe comme Vladimir Poutine (qui a en lui un côté tsariste et un côté Lénine soviétique, portant le gant de Staline), mais plutôt le don de la sphère russe à Pékin et à Washington, tout aussi importants et prestigieux. Ses principales conséquences à venir sont l'instauration d'une nouvelle ère d'empires pour le reste du XXIe siècle : l'Empire américain, l'Empire chinois et, comme médiateur, l'Empire russe. Avec tout ce que cela va entraîner en termes de réorganisation globale du système des Nations unies, qui est devenu aujourd'hui une structure vide et dépassée, car la logique des équilibres de l'après-Seconde Guerre mondiale en 1945 a pris fin aujourd'hui face à la naissance de la logique de nouveaux équilibres mondiaux avec de nouveaux pôles (dont une partie importante vient du Sud).
La centralité mondiale de l'Europe occidentale, telle qu'elle s'est cristallisée du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, a-t-elle pris fin ?
La réponse la plus fiable est peut-être qu'elle est devenue obsolète et traverse une crise existentielle et identitaire. En effet, sa plus grande tragédie réside dans le fait qu'elle est devenue obsolète cette fois-ci aux mains de l'Amérique, et l'on craint que la seule porte ouverte à son encontre soit celle de (the House of) « l'obéissance américaine ». Par conséquent, toutes les réactions européennes enregistrées ces derniers temps ne sont rien d'autre que des « lamentations des perdants » au regard des tendances historiques. Ce qui nous préoccupe ici, ce sont nos intérêts nationaux vitaux au Maroc, au Maghreb et en Afrique du Nord, en raison de nos liens d'intérêts étroits avec ces pays.
Revenons brièvement à l'histoire Trumpienne. L'expression la plus frappante pour décrire la situation américaine actuelle est que le monde connaît un tournant sans précédent dans le système « politique américain ». On peut décrire cela, d'un point de vue procédural, comme une transcendance (et une fin) de l'approche Reaganienne suivie depuis le début des années 1980. Cette approche, fondée sur un libéralisme absolu qui défend le « Marché »(MARKET) aux dépens de l'Etat (STATE), a conduit à la création d'un nouveau système commercial mondial dont la plus grande ambition, et celle qui a réussi jusqu'à présent, est de transformer le monde en une sorte de multinationale, en éliminant les frontières étatiques traditionnelles. Tous les systèmes politiques qui n'ont pas réussi à s'intégrer à ce nouveau système mondial (les grandes multinationales) s'effondrent comme un iceberg dans la gueule d'un volcan en furie (c'est ce qui est arrivé à la Syrie, à la Libye et au Venezuela, pour ne citer que quelques exemples). Ceux qui ont continué à lutter commencent maintenant à se soumettre, comme c'est le cas avec l'Iran et peut-être bientôt, d'une autre manière, avec l'Algérie. Les experts stratégiques américains (descendants de théoriciens influents tels que Kissinger et Brzeziński) ont compris que le grand gagnant de cette orientation américaine Reaganienne était le « Nouveau Sud », représenté par le marché asiatique, principalement le marché chinois, le marché indien et leurs satellites de la sphère indochinoise du Pacifique. Pour la première fois (dans un nouveau cycle historique, tel que l'avait imaginé le penseur économique français Jacques Attali), l'équilibre s'était déplacé de l'Atlantique vers le Pacifique.
La question alors est :
Que faire ?
Pour les nouveaux experts de Washington (qui ne font pas partie de l'intelligentsia traditionnelle des partis républicain et démocrate), la tâche consiste à réorganiser en profondeur la politique économique et commerciale américaine. Il ne s'agit pas de restaurer les célèbres principes du Fonds monétaire international formulés lors de la conférence de Bretton Woods aux Etats-Unis, mais plutôt de développer un modèle protectionniste et de sauvetage fondé sur des calculs du XXIe siècle, et non sur ceux de l'après-Seconde Guerre mondiale du XXe siècle. La voie à suivre consiste à restaurer le rôle de l'Etat et à limiter celui du Marché. C'est comme si Donald Trump appliquait les théories de Karl Marx, que le président démocrate Barack Hussein Obama avait précédées dans son approche face à la crise financière étouffante de 2008. Ce n'est donc pas un hasard si le slogan phare de Trump aujourd'hui est le retour du capital américain dans la géographie américaine, et même le retour du capital mondial dans celle-ci. Il faut mettre un terme à la délégation de la production au monde, fondée sur la logique des « entreprises mondiales », due à la domination du système de marché depuis les années 1980, qui a généré des profits pour les bourses mondiales grâce aux opportunités de réduction des coûts de production dans les régions défavorisées d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique. Cette situation n'a fait que provoquer la naissance du dragon chinois et un bouleversement de l'équilibre mondial des pouvoirs, dont le résultat final sera la domination commerciale mondiale de Pékin d'ici 2049 (un siècle après la révolution Maoïste en Chine).
En bref, Trump est à l'origine d'une nouvelle tendance américaine vers le retour de l'« Etat » pour freiner le « Marché », ce qui n'est plus dans l'intérêt du leadership américain dans le commerce mondial. C'est pourquoi, lorsque le président américain aux cheveux blonds appelle les Américains à la « patience », il fait presque écho à un proverbe amazigh marocain de notre pays : « Soyez patients avec les passages bornés, car ils vous mèneront vers l’immensité ». Il le fait avec la « ruse d'un marchand », aggravant la situation pour parvenir à la meilleure négociation. Il est intéressant de noter qu'ici, avec son équipe, il ne négocie pas avec une seule partie, mais avec le monde entier via sa nouvelle porte d'entrée majeure, la sphère asiatique et son influence chinoise, comme en témoignent les violences numériques exercées contre le commerce chinois.
Il ne faut pas non plus négliger un autre fait important : ce nouveau projet américain s’inscrit dans un contexte identitaire, cognitif et culturel, fondé sur une interprétation civilisationnelle émanant d’une orientation religieuse très conservatrice au sein de la structure chrétienne. Ce contexte se manifeste par le développement du mouvement de l’Église évangélique (le mouvement pentecôtiste), qui prône le devoir de restaurer les valeurs familiales, les valeurs conservatrices et le devoir de l’appel missionnaire apostolique pour des valeurs religieuses de l’Église chrétienne transcendant les mouvements catholiques et protestant traditionnels.
Tout se passe comme si l’ambition de Washington était de devenir la nouvelle autorité catholique romaine et papale, ce qui constitue, à mon sens, un projet historique sans précédent, rarement pris en compte (le fait que le point de référence chrétien devienne non pas européen, mais américain). Il ne faut pas oublier que le grand gagnant de cette nouvelle identité et cette orientation culturelle américaines, embryonnaire au début du XXe siècle, est l’Etat d’Israël, en tant que projet religieux fondamentaliste extrémiste. C'est parce que le mouvement évangélique, avec sa référence américaine (le mouvement pentecôtiste), croit au droit à l'existence du Grand Israël.
Quelle est notre position dans cette course effrénée à la réorganisation des relations internationales ? En tant que Marocains, nous sommes traditionnellement liés à la sphère européenne, ce qui nous rend prisonniers de ses évolutions (une crise complexe et inquiétante). De même que nous sommes victimes de l'absence d'un bloc maghrébin et nord-africain qui aurait pu nous libérer plus dans les négociations avec le monde, en raison de la vision politique étroite du groupe au pouvoir en Algérie, nous sommes également confrontés aux répercussions de l'appartenance nationale et identitaire au sein de notre sphère arabe et islamique, à travers la situation catastrophique de la crise palestinienne (avec son terrible tribut humanitaire payé par des innocents au pays de la Troisième Mosquée sacrée en Islam), et à l'énorme pression populaire naturelle qui en découle. La réalité est que nous sommes contraints, par intérêt, de coopérer intelligemment avec le nouveau Washington, avec ses spécifications habituelles. Tout cela doit se dérouler parallèlement aux sérieux défis que représente la consolidation de notre présence en Afrique de l'Ouest, qui représente notre bouée de sauvetage stratégique. Sans oublier les conséquences de la crise des élites au Maroc, qui pose un défi existentiel à notre « intelligence collective » en tant qu'entité. Ceci est dû à des choix de gestion politique qui ont malheureusement (par un étrange aveuglement historique) tari les sources traditionnelles de structuration, de protection de l'« identité nationale » et de développement du « système de valeurs universel et cohésif » à travers les institutions partisanes, syndicales et communautaires, les institutions scolaires et éducatives, et les médias.
La réalité est la réalité, quoi qu'il en soit ; elle est toujours là.
C'est assurément un cycle temporel qui impose à chacun les conditions de son développement. Il serait sage de traverser ce désert troublant avec le moins de pertes possibles, en s’appuyant sur le développement humain (l’Ecole), technique (Informatique) et sécuritaire (Sécurité souveraine en termes d’identité, de culture, d’agriculture, de finances, d’industrie, de droits et d’infrastructures techniques des services de sécurité) du Maroc pour réaliser une transition qui nous est imposée par cette force extérieure d’ici 2050.
Par Lahcen Laassibi
Oui… On y retrouve tous les éléments d'une carte tectonique d’un séisme…
Mais l'ironie, c'est qu'il s'agit d'un séisme contrôlé.
Il existe naturellement des interprétations diverses et variées de la décision du président américain, Donald Trump, d'instaurer un « nouveau système tarifaire » pour le commerce mondial, fondées sur les intérêts stratégiques de son pays au sein de l'économie mondiale (la première puissance à ce jour). Parmi ces interprétations figure celle des spécialistes, issus de la tribu des économistes et des experts boursiers, qui est largement technique. Cependant, il existe d'autres interprétations politiques, et même culturelles, de cette aventure inédite du président américain.
On peut affirmer sans hésiter que, par l'accumulation de ses réalisations politiques, Donald Trump s'assure une place dans la mémoire historique américaine (et peut-être mondiale) pour les décennies à venir. Cela a le même impact que nous connaissons tous de présidents américains comme James Monroe (le fondateur du principe du protectionnisme américain et de l'exclusion du nouvel Etat des calculs des puissances européennes, en particulier de leurs guerres compétitives à travers le monde dans la première moitié du XIXe siècle), Abraham Lincoln (l'unificateur de l'Amérique, l'émancipateur des esclaves et le fondateur de la théorie économique libérale américaine par le biais du Real state et de la Promotion immobilière dans la seconde moitié du XIXe siècle), ou Woodrow Wilson (l'auteur des 14 Principes internationaux sur le droit des peuples à l'autodétermination et la liberté du commerce international après la Première Guerre mondiale en 1918, qui a marqué la première transgression américaine de la doctrine Monroe et le retour de Washington sur la scène mondiale).
Le point essentiel est que, loin de la rhétorique de la plupart des médias européens (notamment français), qui proclament la « folie » de Trump, le président américain agit dans une perspective politique purement américaine, guidé par ce qu'il considère comme le « droit de l'intérêt suprême » de la suprématie commerciale mondiale. Trump n'est donc que la figure emblématique d'un mouvement américain qui s'est développé au plus profond du terreau politique qui façonne le processus décisionnel stratégique de Washington, avec des particularités culturelles et religieuses rarement reconnues à leur juste valeur.
Certes, cet homme est un commerçant, mais il est aussi un homme politique. Son projet politique possède les éléments d'une idéologie structurée et justificative, soutenue par un discours culturel et religieux complet, et une structure institutionnelle claire et ancrée dans le tissu social américain.
Le plus important ici est de prêter attention à la profondeur intellectuelle de cette politique Trumpienne, étayée par un cadre théorique mettant l'accent sur le devoir de protéger les droits commerciaux, économiques et entrepreneuriaux des États-Unis, ainsi que leur modèle mondial (pas nécessairement le slogan classique bien connu de la liberté, mais plutôt son modèle culturel, ethnique et religieux). Ce n'est pas un hasard si l'ensemble de l'arsenal « moral » déployé par le président américain se réfère au modèle du citoyen idéal, recoupant les institutions de la famille, de l'éducation et des médias. C'est plutôt la structure communicationnelle sous-jacente à cette tendance, représentée par la puissance de l'appareil technologique d'Elon Musk, qui en fournit la preuve la plus frappante.
Y a-t-il des perdants dans ce nouveau tournant américain, selon les calculs du XXIe siècle ?
Oui, il y a beaucoup de perdants, et il serait illusoire de croire que l’espace asiatique en fait partie. En effet, le grand perdant est l’espace européen, qui a bêtement succombé au piège de la dilapidation de sa profondeur russe et, parallèlement, s'est engagé dans un conflit armé via le dossier ukrainien. On ne peut guère s'étonner de la surdité des politiques européennes à Paris et à Berlin, qui semblent avoir ignoré l'appel du dirigeant historique de la France, Charles de Gaulle, qui continuait d'appeler à ne pas dilapider la profondeur de l'Europe occidentale, représentée par Moscou. Le résultat aujourd'hui n'est pas nécessairement l'émergence de la puissance rusée d'un dirigeant russe comme Vladimir Poutine (qui a en lui un côté tsariste et un côté Lénine soviétique, portant le gant de Staline), mais plutôt le don de la sphère russe à Pékin et à Washington, tout aussi importants et prestigieux. Ses principales conséquences à venir sont l'instauration d'une nouvelle ère d'empires pour le reste du XXIe siècle : l'Empire américain, l'Empire chinois et, comme médiateur, l'Empire russe. Avec tout ce que cela va entraîner en termes de réorganisation globale du système des Nations unies, qui est devenu aujourd'hui une structure vide et dépassée, car la logique des équilibres de l'après-Seconde Guerre mondiale en 1945 a pris fin aujourd'hui face à la naissance de la logique de nouveaux équilibres mondiaux avec de nouveaux pôles (dont une partie importante vient du Sud).
La centralité mondiale de l'Europe occidentale, telle qu'elle s'est cristallisée du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, a-t-elle pris fin ?
La réponse la plus fiable est peut-être qu'elle est devenue obsolète et traverse une crise existentielle et identitaire. En effet, sa plus grande tragédie réside dans le fait qu'elle est devenue obsolète cette fois-ci aux mains de l'Amérique, et l'on craint que la seule porte ouverte à son encontre soit celle de (the House of) « l'obéissance américaine ». Par conséquent, toutes les réactions européennes enregistrées ces derniers temps ne sont rien d'autre que des « lamentations des perdants » au regard des tendances historiques. Ce qui nous préoccupe ici, ce sont nos intérêts nationaux vitaux au Maroc, au Maghreb et en Afrique du Nord, en raison de nos liens d'intérêts étroits avec ces pays.
Revenons brièvement à l'histoire Trumpienne. L'expression la plus frappante pour décrire la situation américaine actuelle est que le monde connaît un tournant sans précédent dans le système « politique américain ». On peut décrire cela, d'un point de vue procédural, comme une transcendance (et une fin) de l'approche Reaganienne suivie depuis le début des années 1980. Cette approche, fondée sur un libéralisme absolu qui défend le « Marché »(MARKET) aux dépens de l'Etat (STATE), a conduit à la création d'un nouveau système commercial mondial dont la plus grande ambition, et celle qui a réussi jusqu'à présent, est de transformer le monde en une sorte de multinationale, en éliminant les frontières étatiques traditionnelles. Tous les systèmes politiques qui n'ont pas réussi à s'intégrer à ce nouveau système mondial (les grandes multinationales) s'effondrent comme un iceberg dans la gueule d'un volcan en furie (c'est ce qui est arrivé à la Syrie, à la Libye et au Venezuela, pour ne citer que quelques exemples). Ceux qui ont continué à lutter commencent maintenant à se soumettre, comme c'est le cas avec l'Iran et peut-être bientôt, d'une autre manière, avec l'Algérie. Les experts stratégiques américains (descendants de théoriciens influents tels que Kissinger et Brzeziński) ont compris que le grand gagnant de cette orientation américaine Reaganienne était le « Nouveau Sud », représenté par le marché asiatique, principalement le marché chinois, le marché indien et leurs satellites de la sphère indochinoise du Pacifique. Pour la première fois (dans un nouveau cycle historique, tel que l'avait imaginé le penseur économique français Jacques Attali), l'équilibre s'était déplacé de l'Atlantique vers le Pacifique.
La question alors est :
Que faire ?
Pour les nouveaux experts de Washington (qui ne font pas partie de l'intelligentsia traditionnelle des partis républicain et démocrate), la tâche consiste à réorganiser en profondeur la politique économique et commerciale américaine. Il ne s'agit pas de restaurer les célèbres principes du Fonds monétaire international formulés lors de la conférence de Bretton Woods aux Etats-Unis, mais plutôt de développer un modèle protectionniste et de sauvetage fondé sur des calculs du XXIe siècle, et non sur ceux de l'après-Seconde Guerre mondiale du XXe siècle. La voie à suivre consiste à restaurer le rôle de l'Etat et à limiter celui du Marché. C'est comme si Donald Trump appliquait les théories de Karl Marx, que le président démocrate Barack Hussein Obama avait précédées dans son approche face à la crise financière étouffante de 2008. Ce n'est donc pas un hasard si le slogan phare de Trump aujourd'hui est le retour du capital américain dans la géographie américaine, et même le retour du capital mondial dans celle-ci. Il faut mettre un terme à la délégation de la production au monde, fondée sur la logique des « entreprises mondiales », due à la domination du système de marché depuis les années 1980, qui a généré des profits pour les bourses mondiales grâce aux opportunités de réduction des coûts de production dans les régions défavorisées d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique. Cette situation n'a fait que provoquer la naissance du dragon chinois et un bouleversement de l'équilibre mondial des pouvoirs, dont le résultat final sera la domination commerciale mondiale de Pékin d'ici 2049 (un siècle après la révolution Maoïste en Chine).
En bref, Trump est à l'origine d'une nouvelle tendance américaine vers le retour de l'« Etat » pour freiner le « Marché », ce qui n'est plus dans l'intérêt du leadership américain dans le commerce mondial. C'est pourquoi, lorsque le président américain aux cheveux blonds appelle les Américains à la « patience », il fait presque écho à un proverbe amazigh marocain de notre pays : « Soyez patients avec les passages bornés, car ils vous mèneront vers l’immensité ». Il le fait avec la « ruse d'un marchand », aggravant la situation pour parvenir à la meilleure négociation. Il est intéressant de noter qu'ici, avec son équipe, il ne négocie pas avec une seule partie, mais avec le monde entier via sa nouvelle porte d'entrée majeure, la sphère asiatique et son influence chinoise, comme en témoignent les violences numériques exercées contre le commerce chinois.
Il ne faut pas non plus négliger un autre fait important : ce nouveau projet américain s’inscrit dans un contexte identitaire, cognitif et culturel, fondé sur une interprétation civilisationnelle émanant d’une orientation religieuse très conservatrice au sein de la structure chrétienne. Ce contexte se manifeste par le développement du mouvement de l’Église évangélique (le mouvement pentecôtiste), qui prône le devoir de restaurer les valeurs familiales, les valeurs conservatrices et le devoir de l’appel missionnaire apostolique pour des valeurs religieuses de l’Église chrétienne transcendant les mouvements catholiques et protestant traditionnels.
Tout se passe comme si l’ambition de Washington était de devenir la nouvelle autorité catholique romaine et papale, ce qui constitue, à mon sens, un projet historique sans précédent, rarement pris en compte (le fait que le point de référence chrétien devienne non pas européen, mais américain). Il ne faut pas oublier que le grand gagnant de cette nouvelle identité et cette orientation culturelle américaines, embryonnaire au début du XXe siècle, est l’Etat d’Israël, en tant que projet religieux fondamentaliste extrémiste. C'est parce que le mouvement évangélique, avec sa référence américaine (le mouvement pentecôtiste), croit au droit à l'existence du Grand Israël.
Quelle est notre position dans cette course effrénée à la réorganisation des relations internationales ? En tant que Marocains, nous sommes traditionnellement liés à la sphère européenne, ce qui nous rend prisonniers de ses évolutions (une crise complexe et inquiétante). De même que nous sommes victimes de l'absence d'un bloc maghrébin et nord-africain qui aurait pu nous libérer plus dans les négociations avec le monde, en raison de la vision politique étroite du groupe au pouvoir en Algérie, nous sommes également confrontés aux répercussions de l'appartenance nationale et identitaire au sein de notre sphère arabe et islamique, à travers la situation catastrophique de la crise palestinienne (avec son terrible tribut humanitaire payé par des innocents au pays de la Troisième Mosquée sacrée en Islam), et à l'énorme pression populaire naturelle qui en découle. La réalité est que nous sommes contraints, par intérêt, de coopérer intelligemment avec le nouveau Washington, avec ses spécifications habituelles. Tout cela doit se dérouler parallèlement aux sérieux défis que représente la consolidation de notre présence en Afrique de l'Ouest, qui représente notre bouée de sauvetage stratégique. Sans oublier les conséquences de la crise des élites au Maroc, qui pose un défi existentiel à notre « intelligence collective » en tant qu'entité. Ceci est dû à des choix de gestion politique qui ont malheureusement (par un étrange aveuglement historique) tari les sources traditionnelles de structuration, de protection de l'« identité nationale » et de développement du « système de valeurs universel et cohésif » à travers les institutions partisanes, syndicales et communautaires, les institutions scolaires et éducatives, et les médias.
La réalité est la réalité, quoi qu'il en soit ; elle est toujours là.
C'est assurément un cycle temporel qui impose à chacun les conditions de son développement. Il serait sage de traverser ce désert troublant avec le moins de pertes possibles, en s’appuyant sur le développement humain (l’Ecole), technique (Informatique) et sécuritaire (Sécurité souveraine en termes d’identité, de culture, d’agriculture, de finances, d’industrie, de droits et d’infrastructures techniques des services de sécurité) du Maroc pour réaliser une transition qui nous est imposée par cette force extérieure d’ici 2050.
Par Lahcen Laassibi
La réalité est la réalité, quoi qu'il en soit ; elle est toujours là.
C'est assurément un cycle temporel qui impose à chacun les conditions de son développement. Il serait sage de traverser ce désert troublant avec le moins de pertes possibles, en s’appuyant sur le développement humain (l’Ecole), technique (Informatique) et sécuritaire (Sécurité souveraine en termes d’identité, de culture, d’agriculture, de finances, d’industrie, de droits et d’infrastructures techniques des services de sécurité) du Maroc pour réaliser une transition qui nous est imposée par cette force extérieure d’ici 2050.
Par Lahcen Laassibi
C'est assurément un cycle temporel qui impose à chacun les conditions de son développement. Il serait sage de traverser ce désert troublant avec le moins de pertes possibles, en s’appuyant sur le développement humain (l’Ecole), technique (Informatique) et sécuritaire (Sécurité souveraine en termes d’identité, de culture, d’agriculture, de finances, d’industrie, de droits et d’infrastructures techniques des services de sécurité) du Maroc pour réaliser une transition qui nous est imposée par cette force extérieure d’ici 2050.
Par Lahcen Laassibi