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La diseuse de bonne aventure, héroïne d'un récent film de la télévision thaïlandaise, n'est qu'une parmi une myriade de supposés augures qui dispensent depuis des générations leurs conseils célestes aux dirigeants de Birmanie.
Très alerte malgré une série de handicaps -- tous ses organes sont du mauvais côté du corps, assure sa famille --, E.T. est "spéciale" et très prisée dans la région, selon sa soeur Thi Thi, son accompagnatrice et interprète, friande de châles et de robes brodées qui renforcent son image mystique.
"Certains sont des hommes politiques, d'autres des hommes d'affaires (...). Tout le monde est content, tout le monde est devenu célèbre".
On prête aux voyants birmans d'être à l'origine de plusieurs événements incongrus, de la décision surprise de l'ancienne junte de déménager de la capitale de Rangoun à Naypyidaw en 2005, à l'apparition de généraux portant la version féminine du longyi, la jupe traditionnelle.
Normalement fort réservés, ils se sont résolus à se travestir "pour qu'une femme ne devienne pas présidente du pays", assure Aung Zaw, patron du magazine The Irrawaddy, en référence à l'opposante Aung San Suu Kyi, ennemie numéro un de la junte, maintenue 15 ans en résidence surveillée avant de revenir dans le jeu politique légal à la faveur des réformes.
"Ils sont très superstitieux", poursuit-il.
L'opacité qui a régné pendant des décennies au sommet du pouvoir militaire a évidemment renforcé les fantasmes selon lesquels les décisions étaient prises sous influence. Mais selon Aung Zaw, il existe des signes concrets que les dictateurs ont effectivement recours aux forces occultes.
"Ils font ça régulièrement", assure le journaliste.
Le dictateur Ne Win était ainsi connu pour se reposer sur les diseurs de bonne aventure et sur leurs "yadanas", des pratiques occultes lors desquelles un acte symbolique est réalisé pour influencer l'avenir.
Les rumeurs le représentent tirant sur son reflet dans un miroir pour conjurer le sort, raconte un observateur étranger.
Même le nouveau président réformateur Thein Sein, qui a succédé à la junte en 2011, semble ouvert au surnaturel.
Il a récemment indiqué au magazine de France 2 "Un Oeil sur la planète" ne pas totalement maîtriser le sujet. Mais "parfois, on me fait des recommandations sur la façon dont la situation du pays pourrait être influencée d'un point de vue astrologique. Je prends volontiers ces conseils en compte", avait-il expliqué.
Et les dirigeants birmans ne sont pas les seuls. E.T. a prédit à l'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra son arrivée au pouvoir, assure Thi Thi. "Il est venu voir ma soeur, avant la politique. A cette époque, il était dans les téléphones", se souvient-elle.
Thaksin lui aurait aussi rendu visite juste avant d'être renversé par un coup d'Etat en 2006. Mais impossible de savoir si E.T. l'a prévenu. Thi Thi refuse de s'étendre, notant simplement que les présages de sa soeur sont "à 80% corrects".
Résultat, "il est vraiment difficile d'obtenir un rendez-vous" avec elle et les prix ont grimpé jusqu'à 100 dollars la session, note un diplomate occidental, qui raconte comment la voyante commence ses séances par deviner les numéros de série d'un billet dans le porte-feuille de son client.
Peu après la libération de Suu Kyi en 2010, ce diplomate avait demandé à la voyante de prédire l'avenir du prix Nobel de la paix. "Malgré un panneau au rez-de-chaussée qui dit qu'elle ne prédit ni la politique ni la loterie, elle avait dit: +Aung San Suu Kyi sera plus libre, très libre+".
Depuis, l'opposante est entrée au Parlement et vise la présidence.
E.T., qui voit aussi bien l'avenir que les esprits, aurait obtenu ses pouvoirs dès l'enfance, en étant frappée par la fièvre alors qu'elle priait dans une pagode.
D'autres ont suivi une voie plus terre à terre, comme Hein Tint Zaw, qui a appris astrologie, tarots et numérologie pendant cinq ans avec une centaine d'autres élèves d'un célèbre voyant birman.
Il s'est depuis installé en Thaïlande, dans la ville industrielle de Mahachai où il voit défiler de nombreux compatriotes venus travailler, ainsi que des Thaïlandais. Les affaires vont bien. "Je n'ai jamais eu besoin de faire de la publicité".