Les Charlie et les anti-Charlie : Contre la cruauté humaine


Par Mustapha Kholal
Samedi 17 Janvier 2015

Les Charlie et les anti-Charlie : Contre la cruauté humaine
Le dimanche 11 janvier 2015, toute la France se mit à l'unisson. Le tout se produisit à cause d'un simple dessin auquel réagissent trois des fils de la République portant la nationalité de la République de confession musulmane par de terribles kalachnikovs.
Dans cette confession musulmane, il n'y a pas de texte ni coranique ni prophétique qui interdit des images dessinant le Prophète Mohammed. Avant le XVème siècle, avant même l'apparition de la photo, des livres de dogmes religieux musulmans contenaient bien des illustrations montrant le prophète. Le problème n'est donc pas dans le texte sacré, mais dans la culture qui, selon les enjeux historiques, évolue et progresse ou s'incline et régresse.
"Avant que tu dessines, sache qui tu dessines. Les sociétés ne sont pas toutes les mêmes. Toutes, elles n'ont pas acquis le même degré de liberté. Dans le monde musulman, même pour un athée (il y en a des athées dans le monde musulman, des athées de culture musulmane), on affiche un grand respect pour les grands référents religieux. Sauf pour des radicaux apparus ces dernières décennies, et dans des cas rares, jamais un musulman ne peut faire du mal ou toucher à un lieu de culte qui n'est pas le sien. Pour eux, le sacré est sacré, là s'arrête la liberté. Blasphémer, c'est encore pire. Le dessin dans le monde musulman a une très longue histoire. Il y a énormément de familles qui n'accrochent même pas de tableaux artistiques aux murs de leurs chambres. Ils sont remplacés par des tableaux où sont peints des versets coraniques. La chose s'étend jusqu'au théâtre, jusqu'au cinéma. C'est dire que tu peux écrire mais ne pas dessiner. Tant d'études savantes sur le prophète, occidentales, le critiquent méchamment même, mais on les laisse passer, car on peut réagir toujours par écrit. Donc, critique ce que tu voudras critiquer en islam, mais laisse le prophète comme il est paisible et flegmatique, c'est une conviction de foi ou tu la respectes ou il vaut mieux que tu te taises... Disons d'autre part que critiquer le catholicisme à la manière de Charlie Hebdo ou souiller l'image du prophète peut être considéré de l'absolu droit à la liberté d'expression, sauf que la plus grande majorité des gens estiment que la manière dont se sert ce journal satirique apporte plutôt du mal que du bien à la fameuse formule de la liberté d'expression. Le prophète, pour ne parler que de lui, est en train de se tourner dans sa tombe. Justement parce que les deux camps, les jihadistes d'une part et les messieurs de Charlie Hebdo et leurs homologues au Danemark se servent de son nom, les uns pour tuer, juste pour tuer, les autres pour vendre encore plus. De part et d'autre, toujours de la cruauté…"

A cette image s'ensuit
une autre, la voilà:
"Avant de tuer, tu pries! Tu pries qui? Tu pries Dieu? Non! Dieu dans l'esprit du croyant est beauté, est justice, est amour et, paix. Tu es laideur, tu es immérité, tu es inimitié, tu es conflagration. Les humains, tous les humains vous tournent le dos et, Dieu ne peut ni t'aimer ni te haîr, Il te laisse pour ton dieu à toi, pour Satan. Tu es Satan."
Le journaliste-concepteur de la (Une) du numéro de l'hebdomadaire français qui a été à l'origine de l'avènement de la titanesque marche du dimanche 11 janvier 2015, à Paris, a peiné pour trouver cette ((putain de Une)). L'expression est à lui, pas à nous, auteur de cet essai analytique. La (Une) dont il est question est celle du premier numéro après la fusillade du mercredi noir, 7 janvier, aux locaux de l'hebdomadaire concerné. Mais c'est toujours un dessin caricaturiste montrant encore le prophète. Seulement cette fois, ce n'est pas une caricature montrant la tête du messager de Dieu pleine de bombes explosives comme auparavant et ce n’est pas non plus une caricature montrant le prophète entouré de harem. Non! Cette fois, c'est un prophète en pleurs pour avoir vu des attentats et des actes terroristes perpétrés en son nom. Les réactions n'ont pas été les mêmes pour tous. On en retiendra du côté des musulmans français, de toutes origines, deux réactions tout à fait objectées: l'une dénonce cette obstination de vouloir toujours toucher au personnage hautement et évidemment sacré. L'autre a estimé que le nouveau dessin, la nouvelle (Une) a été plutôt pour l'apaisement. C'est ce qu'on soutient de la déclaration du grand imam de la mosquée de Bordeaux.
Le premier numéro de l'après 11 septembre des dessinateurs français, c’est-à-dire le 1178ème numéro de l'hebdomadaire fut tiré à 3.000.000 d'exemplaires. Avant même que 10 heures ne sonnait de ce jour de sortie, mercredi 14 janvier 2015, le numéro est, selon les professionnels, épuisé dans tous les points de vente du pays. On réimprime alors pour que les kiosques soient réapprovisionnés dans la semaine. Selon tous les médias français, des personnes ont passé une partie de la nuit dans leur voiture stationnée devant le kiosque. Ils ne veulent pas manquer leur exemplaire. Surtout pas celui-là. Certains le liront, certes, d'autres veulent le garder comme souvenir pour les années à venir.. En tout, 5.000.000 d’exemplaires furent imprimés. Du jamais vu dans toute l'histoire de la presse.
Jusqu'à ce point!

Mais qu'est-ce qui
se passe dans le pays
de Voltaire?
Incontestablement, la France a retenu l'attention du monde entier durant cinq jours successifs, du mercredi 7, jour de l'attentat dans les locaux du journal, jusqu'au dimanche 11, jour de la longitudinale marche qui fut de tous les points de vue historique dans le sens exact du terme. Un million et demi de personnes, de tout âge, même des enfants, même des individus ou des familles entières qui n'ont jamais manifesté de toute leur vie. De toute confession, même des musulmans profondément touchés dans leur amour propre et pour cause. Car, pour un musulman, tout peut être toléré sauf vilipender les amples lambourdes de leur confession: Dieu et son messager. Mais pas seulement, pour eux, non seulement le prophète est sacré; Moïse, le prophète des juifs qu'ils prennent pour leurs cousins; et le Christ qui pour eux est un Souffle de Dieu; le sont autant (et Nous l'avons soufflé de Notre Âme, souligne le Coran dans l'un de ses versets divins invoquant ainsi la naissance du prophète des chrétiens).
Divisée, dans une tradition incarnée depuis les temps modernes de débats, de communautarismes résultant de multiples et divers facteurs historiques et civilisationnels, la France s'est montrée unie dans la République et pour la République. Aucun signe partisan ne fut affiché. Seules les devises de la République et le fameux slogan (Je-Suis-Charlie) furent plantés. Les gouvernements du monde entier ont exprimé leur indignation et ont exprimé leur solidarité. Dans la seule marche de Paris, Place de la Nation, ont défilé, poursuivant les familles des victimes à côté du président François Hollande pas moins d'une cinquantaine de chefs de gouvernement et d'Etat, sans compter d'autres personnalités étrangères de tout bord. Même des Etats musulmans y étaient. Même des Etats dont l'un est ennemi de l'autre sont venus à Paris faire le pas silencieux dans l'identique filiation contre le terrorisme. L'oblongue marche française requérait tout le monde. En fait, c'est un avènement dans la mesure où cela ne s'était produit qu'aux moments de la libération après la Deuxième Guerre mondiale.
Aussi, on a vu dans cette marche des personnes qui n'ont jamais entendu parler dans leurs pays ni de culture de paix ni de liberté d'expression. Ils ne savent pas ce que c'est. Alors, les devises de la marche sont si belles et bien crédibles sauf que des personnes ne s'y reconnaissent pas. Pourquoi y étaient-elles? Pourquoi? N'ont-elles pas toujours souillé les deux principes sacrés: celui du droit à la vie et du droit à la liberté d'expression.
Après la tragédie de toute une nation et l'ampleur de la riposte que l'histoire retiendra pour toujours, le temps est aux questions des plus rassises. D'abord, comment et pourquoi la France est arrivée à cela? Les Kouachi, Coulibaly ne sont-ils pas des enfants de la République, éduqués dans l'école laïque de cette même République?
Pour répondre à de telles questions, tous les auteurs dans toutes les spécialités sont appelés à réfléchir. Un grand travail est attendu.
On a vu juste après la marche du dimanche le gouvernement Valls prendre des mesures beaucoup plus inébranlables et violemment discrétionnaires. Internet et les réseaux sociaux seront étroitement contrôlés et selon les services secrets, ils seront même soumis à la censure. La présence des forces armées sera renforcée. "Mieux" encore, la liberté de circuler dans l'espace Schengen connaîtra l'application de règles restrictives. Une sagesse dont on ignore le nom de son auteur dit ceci: quand vous voyez toute une nation se mettre à l'unisson, sachez que c'est- dans certains cas- un signe de voir venir des malheurs qui affecteront certainement les libertés. C'est bien dommage pour une France origine des droits universels des droits de l'Homme. On n'ira pas jusqu'à dire qu'elle s'africanisera, mais elle n'aura rien à envier aux Etats-Unis des néo-conservateurs, rétrogrades et auteurs du chaos dans le monde. La France a confirmé sa volonté de faire la guerre au terrorisme là où se repèrent ses origines. Sur ce point, il faut reconnaître qu'elle a raison, nous en convenons. Pour le reste, la France ne sera plus la France que nous aimons: ses musulmans vivent dans la peur. L'islamophobie y est devenue l'une des composantes de "sa" pensée et l'amalgame gagne chaque jour du terrain. Quelques-uns de ses juifs pensent se retirer en Israël, pays dont certains des grands ténors de l'idéologie de son Etat et de ses pratiques sont accusés d'avoir commis des crimes contre l'humanité.
En matière de terrorisme, il faut reconnaître que la France connaît des difficultés quant à sa pédagogie lorsqu'il s'agit de combattre les idéologies des extrémistes dont celle du jihadiste est la plus dangereuse. La France est l'un des pays où de grands chercheurs et penseurs présentent chaque année des études tant appréciées dans ces domaines liés aux islamistes, des plus modérés jusqu'aux plus radicaux. Il ne s'agit pas seulement du genre Keppel, mais aussi du genre Arkoun. Apparemment, les sécuritaires et les concepteurs de programmes scolaires les lisent bien, mais juste pour le savoir en soi ou pour la simple curiosité de connaissance. Les médias, notamment ceux touchant les grandes masses s'activent à sens unique où l'information est ficelée, l'image bien travaillée, le choix bien étudié, les thèmes bien préférés. Quant à la question sociale, l'échec est déroutant.
En conclusion, la France a vécu dans la peine, durant trois jours. Mais c'est la réaction qui a fait naître tout un espoir. Pas seulement pour le seul peuple français que nous admirons, mais pour toute l'humanité sur laquelle nous nous apitoyons. Pas un seul instant, il ne faut oublier que pour le chaos qui règne au Levant et ailleurs, l'Occident de la sensibilité néo-conservatrice, allié des néo-sionistes en Israël, y est pour beaucoup. A ces deux alliés, est venu s'ajouter un islam radical qui n'est pas seulement contre la culture de la paix dans le monde, mais exhorte la viloence, la désobligeance et la haine.


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