Le Maroc leader potentiel en matière d’hydrogène vert

Légitime ambition pour peu que l’ on arrive à surmonter les difficultés liées à l’ eau, à l’électricité verte et à la disponibilité des énergies renouvelables

La société portugaise de technologie Fusion Fuel Green et Consolidated Contractors (CCC), fournisseur mondial de solutions d’ingénierie, ont signé mardi à Rabat une convention relative à la chaîne de valeur (infrastructures, sécurité, transport, logistique) se rapportant au développement du projet “HEVO Ammoniac Maroc”, qui consiste en la production de l’ammoniac et de l’hydrogène verts. Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre des objectifs du Royaume en matière d’énergies renouvelables, devra atteindre une production de 31.850 tonnes par an d’hydrogène vert, de 151.800 T/an de nitrogène et de 183.650 T/an d’ammoniac vert. En effet, notre pays ambitionne de devenir un grand fournisseur international d’énergie durable. Selon le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement allemand (BMZ), le Maroc pourrait couvrir d’ici à 2030 entre 2% et 4% des besoins mondiaux en carburants et combustibles produits à partir d’hydrogène vert, à condition qu’il arrive à augmenter sensiblement ses capacités de production d’énergies durables. Mais, il n’y a pas que cette question qui s’impose, d’autres interrogations relatives au processus de production, au coût, aux limites de cette technologie et de son impact sur l’environnement restent également à clarifier. Analyse.


Jeudi 15 Juillet 2021

Le Maroc leader potentiel en matière d’hydrogène vert
L’hydrogène, le carburant du futur
 
Qu'est-ce que l'hydrogène vert et comment est-il produit ? L'hydrogène est un élément chimique très fréquent, mais surtout sous forme liée, par exemple dans l'eau. Sous sa forme pure, l'hydrogène peut être utilisé comme vecteur énergétique dans le secteur des transports et dans l'industrie, mais il peut également être utilisé pour stocker et transporter de l'énergie. Grâce à ces propriétés, l'hydrogène est considéré comme le carburant du futur. La production d'hydrogène nécessite de l'électricité et de l'eau. Le processus d'électrolyse est utilisé pour obtenir de l'hydrogène à partir des deux composants, mais environ 40% de l'énergie de l'électricité utilisée est perdue dans le processus.

De plus, il faut beaucoup d'eau : 9 litres sont nécessaires pour produire un kilogramme d'hydrogène. Si de l'électricité provenant de sources renouvelables est utilisée pour la production, on parle d'hydrogène vert, car ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle est réellement sans émission. Et c'est précisément la raison pour laquelle d'énormes quantités d'énergie éolienne et solaire sont nécessaires pour produire de l'hydrogène vert.

Quelles sont les utilisations de l'hydrogène ? Deux grandes familles d'usages doivent être distinguées ; l’hydrogène énergie et l’hydrogène pour l’industrie. Même si la recherche actuelle porte principalement sur la première utilisation, avec comme objectif d’obtenir un nouveau vecteur énergétique pour le stockage d’électricité, le power-to-gas ou la mobilité, les applications pratiques dans l’industrie restent majoritaires. Au sein de ces dernières, l’hydrogène est principalement valorisé en tant que matière première. Il constitue ainsi un élément essentiel dans différents procédés chimiques. Le premier poste de consommation est la fabrication d’ammoniac, composant de base dans l’industrie des engrais.
 
Débats autour de l’hydrogène
 
L’hydrogène en tant qu’énergie ne fait pas l’objet de consensus.  Selon Adejuwon Soyinka du site « theconversation », il y a d’un côté les défenseurs de l’hydrogène vert qui mettent en avant la capacité de l’hydrogène à résoudre la problématique du stockage à long terme des énergies renouvelables, lesquelles sont par définition intermittentes en les utilisant quand on en a besoin et son potentiel pour décarboner l’industrie et la mobilité sous toutes ses formes : trains, avions, bateaux, camions, fourgonnettes, voitures.

« Produire «à côté de chez soi» un carburant à partir d’eau, de soleil et de vent, ne rejetant que de l’eau, représente un idéal qui semble avoir conquis les politiques, l’opinion publique et les marchés financiers. La place centrale occupée par l’hydrogène dans les plans de relance français et européens en témoigne», note-t-il.

A  l’inverse de ses arguments, les lanceurs d’alerte avertissent, de leur côté, sur les faibles rendements de l’hydrogène vert et sur le coût exorbitant d’une énergie qui s’étiolera lorsqu’elle ne sera plus sous perfusion des subventions publiques. Plus grave, elle constituerait selon eux une utopie, voire une imposture. Car, disent-ils, convertir l’industrie et la mobilité à l’hydrogène vert exigerait une telle quantité de panneaux solaires et d’éoliennes que ce ne serait pas réaliste.

Le Maroc comme fournisseur potentiel d'hydrogène

Qu'est-ce qui rend le Maroc si attrayant en tant que fournisseur potentiel d'hydrogène ? L’attrait du Royaume réside dans son potentiel de production de grandes quantités d'électricité solaire et éolienne, nécessaires à la production d'hydrogène vert, précise Fatima Zohra Lamrani et Bauke Baumann dans leur article : «Nouvel essor des énergies renouvelables au Maroc grâce à l'hydrogène vert?».

Selon eux, le pays bénéficie de conditions climatiques extrêmement favorables. Ceci d’autant plus qu’il  a déjà investi massivement dans les énergies renouvelables et se trouve dans le voisinage direct de l'Europe. «Le Maroc entend tirer profit de cette situation et souhaite investir dans la production d'hydrogène vert destiné à l’exportation à partir de son énergie solaire locale. Jusqu'à présent, cette ambition semble fortement axée sur la forte demande extérieure - essentiellement de l'Allemagne et d'autres Etats de l'UE qui veulent s'assurer un accès au "pétrole du futur".

Cela se reflète, par exemple, dans l'accord germano-marocain sur l'hydrogène, qui a été signé à Berlin en juin 2020 et qui prévoit que la République fédérale d'Allemagne soutienne le Maroc dans la construction d'une usine de production d'hydrogène vert. Des fonds à hauteur de 300 millions d'euros ont déjà été promis à cette fin et devraient permettre à l'Allemagne d'acheter de l'hydrogène vert au Maroc dans le futur », expliquent-ils.
A noter également que certains pays ont d’ailleurs déjà prévu des politiques d’importation. Le Japon, premier pays du monde à avoir parié sur cette énergie, a d’ores et déjà pris la décision de faire produire son hydrogène vert dans les déserts australiens. La Corée du Sud envisage le même recours à l’importation.
 
Les limites de l’ambition marocaine

Quelles sont les entraves limitant la capacité du Maroc à devenir un leader international ? Plusieurs éléments rendent l’ambition marocaine de devenir un fournisseur mondial difficile à atteindre. D’abord, il y a le problème des ressources hydrauliques. En effet, la production d’hydrogène nécessite beaucoup d’eau. Or, notre pays connaît une situation hydrique inquiétante et compte parmi les pays les plus menacés par une pénurie d’eau, selon le dernier rapport du Word Ressources Institute. Il occupe la 23ème place sur 165 contrées exposées aux risques hydriques. Pis encore, les ressources du pays en eau sont évaluées à 650 mètres cubes par habitant et par an. Ce volume le situe dans une situation de détresse aiguë. Cet indicateur représentait 2500 m3/habitant/an en 1960. Une baisse due non seulement au climat semi-aride à aride qui caractérise la majeure partie de son territoire mais également à la mauvaise gestion de l’eau et aux pertes induites par une infrastructure inadéquate, obsolète et mal entretenue, a révélé la même source.
Même la solution de dessalement d'eau de mer pour obtenir l'eau douce nécessaire n’est pas adéquaté puisque les stations de dessalement devraient être également alimentées par de l'électricité verte afin de produire de l'hydrogène climatiquement neutre.
Ensuite, il y a la question de disponibilité des sources renouvelables pour produire de l’électricité à des quantités importantes. Or, et jusqu’en 2019, seulement 4% de l'électricité produite provenait de centrales solaires (1581 GWh), 12% de centrales éoliennes (4587 GWh) et 4% de centrales hydroélectriques (1654 GWh) alors que le pays dispose d’un potentiel énorme en matière d’énergies renouvelables.

Enfin, il y a la question de l’électricité produite essentiellement par le charbon qui demeure la principale source de combustible pour la production d'électricité au Maroc avec 54% de la production nationale totale en 2017.  Un document de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié en mai 2019 a précisé que l’utilisation du charbon a augmenté rapidement depuis le milieu des années 90 pour atteindre les 41% entre 2007 et 2017. Quant à l’électricité au gaz naturel, elle a été introduite en 2004, lorsque le Maroc a commencé à importer du gaz algérien afin d’alimenter ses centrales électriques. Depuis lors, l’énergie produite via le gaz naturel a considérablement augmenté et plus que doublé au cours de la dernière décennie pour atteindre les  19% de la production totale en 2017.

Concernant le rôle joué par le pétrole dans la production globale d’électricité, le rapport a indiqué que ce rôle a diminué au cours de la dernière décennie, notamment avec la production via le gaz naturel. Cependant, précise le rapport, 9% de l’électricité produite provient toujours du pétrole, principalement dans les zones rurales isolées. Par rapport aux autres membres de l’AIE, ces 9% placent le Maroc au troisième rang derrière le Mexique et la Grèce comme pays qui utilisent le plus le pétrole dans la production d'électricité.
En somme, les combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole) ont représenté 82% de la production totale d’électricité en 2017 contre 18% pour les énergies renouvelables. La part totale des combustibles fossiles du Maroc dans la production d'électricité classe le Royaume au quatrième rang par rapport à ceux d’autres membres de l'AIE, derrière l’Estonie, la Pologne et l’Australie.

L’avenir de l’hydrogène au Maroc 

Qu’en est-il de l'utilisation de l'électricité verte et de l'hydrogène produits à l'avenir au Maroc ? Plusieurs scenarii sont envisageables. Selon Fatima Zohra Lamrani et Bauke Baumann, « la grande demande et l’immense quantité d'énergies renouvelables requise pour la production d’un hydrogène vert entraînera une libéralisation rapide du marché marocain de l'électricité, simplement parce que le modèle centralisé actuel ne sera pas en mesure de produire les quantités nécessaires d'électricité propre dans des conditions de concurrence internationale », expliquent-ils. Et d’ajouter : «L'hydrogène pourrait ainsi devenir une porte d'entrée pour les entreprises privées, les communes et les ménages et diversifier ainsi davantage les acteurs du marché marocain de l'électricité ».

Pourtant, ils prévoient que les choses pourraient prendre un autre tournant. « La structure actuelle des grandes centrales solaires et des grands parcs éoliens, qui restent aujourd’hui exploités par seulement quelques acteurs (semi) étatiques, pourrait - selon les craintes de certains autres experts - être encore renforcée par la nouvelle orientation de la production d'électricité ou d'hydrogène vers l'exportation. Car il est probable que l'expansion future des énergies renouvelables soit également largement soutenue et subventionnée par les fonds des donateurs internationaux. Des fonds qui ne peuvent être absorbés par l'Etat qu'à cette échelle et n’être investis que dans de grandes installations de la sorte... », soulignent-ils.

Et de conclure : «Pour les deux scénarios cependant, la principale question est de savoir qui aura la priorité pour l'utilisation de l'électricité verte et de l'hydrogène produits à l'avenir au Maroc. Le pays exporte déjà de petites quantités d'électricité vers l'Espagne via un câble sous-marin. Afin d'éviter les distorsions de concurrence pour les entreprises espagnoles participant au commerce européen de certificats, Madrid fait maintenant pression pour que l'UE prélève une taxe carbone sur les importations d'électricité produite à partir du charbon. De facto, cela signifierait déjà peut-être que le Maroc n'exportera que son énergie solaire et éolienne et utilisera davantage d'énergie produite au charbon pour ses besoins internes ».

Hassan Bentaleb

De quel hydrogène parle-t-on ?

Il s’agit de la molécule de dihydrogène, H2, gaz qui n'existe quasiment pas à l'état naturel sur Terre.
En effet, l’élément hydrogène, de symbole H, est très abondant sur la Terre mais seulement sous forme combinée :
soit avec l’oxygène dans la molécule d’eau, H2O,
soit avec le carbone dans les hydrocarbures, comme le gaz naturel ou méthane (CH4) ou le pétrole ; ce sont des mélanges de composés de formules générales CnHm
ou encore dans les molécules du vivant.
Si l’on dispose de dihydrogène, il est possible de récupérer de l’énergie soit sous forme de chaleur via sa combustion directe avec le dioxygène  - c’est le cas des moteurs à hydrogène - , soit sous forme d’électricité via une pile à combustible . Dans les deux cas la réaction globale ne produit que de l’eau selon : 2 H2 + O2 →2 H2O
Ainsi le dihydrogène est un vecteur d’énergie mais pas une source d'énergie car n'existant pas à l'état naturel, il faut préalablement le produire à partir d’eau ou d’hydrocarbures, ce qui nécessite d’abord une dépense d’énergie.
Source : https://www.mediachimie.org/actualite/qu%E2%80%99est-ce-que-l%E2%80%99hydrog%C3%A8ne-%C2%AB-vert-%C2%BB

Dans quel cas cet hydrogène décarboné est-il « vert » ?

Tout dépend de la source d’électricité. Si elle provient d’une centrale à charbon, d’une centrale à fuel lourd ou au gaz, cet hydrogène reste gris ! Si la source d’électricité est elle-même décarbonée et renouvelable, courant électrique provenant de barrages hydrauliques, d’éoliennes ou de panneaux solaires, on parle d’hydrogène vert.
Le grand intérêt de cette électrolyse est de permettre le stockage de l’énergie sous forme de dihydrogène pour ces sources intermittentes d’énergie avant de récupérer ultérieurement l’énergie via sa combustion dans une pile à combustible ou dans un moteur.  C’est en ce sens que l’hydrogène vert participera à la transition énergétique.
Toutefois il faut garder à l’esprit que chacun des rendements de l’électrolyse et de la pile à hydrogène sont inférieurs à 1 et que le stockage consomme aussi de l’énergie.
Source : https://www.mediachimie.org/actualite/qu%E2%80%99est-ce-que-l%E2%80%99hydrog%C3%A8ne-%C2%AB-vert-%C2%BB


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