Le Maroc et l’unité Sud-Sud


Par le Dr Yossef Ben-Meir *
Vendredi 16 Janvier 2015

Le Maroc et l’unité Sud-Sud
Le règne de S.M le Roi Mohammed VI est en train d’être encadré par un certain nombre de piliers progressistes et productifs parmi lesquels se détache une initiative axée sur le renforcement de la coopération Sud-Sud entre le Maroc et ses voisins africains.
Certes, depuis les années 90, le mouvement Sud-Sud a pris une grande ampleur, les pays en développement ayant commencé à réagir à des relations de dépendance et d’exploitation établies par le passé avec les pays industrialisés.
Des blocs régionaux Sud-Sud, bien gérés et au profit du plus grand nombre, peuvent en effet permettre aux populations de bénéficier de marchés ouverts sans subir de graves perturbations sociales. Avec la taille accrue des marchés, les économies d’échelle qui se développent plus efficacement entraînent une réduction des prix. La nouvelle concurrence contribue à briser les monopoles, exerçant également une pression à la baisse sur les prix. En outre, l’expérience de blocs Sud-Sud - notamment sous l’effet de levier des réformes et de normes réglementaires nationales - peut également être considérée comme une phase de transition vers la compétitivité mondiale.
Les libre-échangistes mondiaux qui verraient cette forme de régionalisme comme un détournement des ressources du multilatéralisme et du protectionnisme, doivent savoir qu’en fait, l’unité Sud-Sud est ouverte sur l’extérieur. Les régionalistes sont très souvent prêts à éliminer les barrières commerciales dans un processus progressif qui intègre, par exemple, les leçons tirées des retombées économiques dans les zones rurales Mexico dans le cadre de l’ALENA.
La dure expérience mexicaine a certainement permis d’éclairer l’accord de libre-échange conclu en 2004 par le Maroc avec les Etats-Unis. En conséquence, le Maroc procède à l’ouverture des produits agricoles à des stades ultérieurs pour pouvoir consacrer plus de temps à la promotion du développement humain auprès des familles d’agriculteurs.
Il y a une ironie malheureuse dans le fait que l’aspiration du Roi du Maroc, qui est intellectuellement et sentimentalement un promoteur du régionalisme - et plus particulièrement des pays de l’Union du Maghreb qui a fait l’objet de sa thèse de doctorat en 1993 - soit rendue inaccessible par le conflit du Sahara de quatre décennies.
Pendant ce temps, les questions existentielles sont laissées de côté. Les défis régionaux communs concernant la migration, l’environnement et la sécurité ne sont pas relevés comme ils devraient l’être et les possibilités de croissance agricole verte pourraient transformer les sociétés par le biais du réinvestissement dans les communautés, ainsi que d’autres grandes initiatives de développement humain, ne sont pas réalisées. La proposition du Maroc au Conseil de sécurité des Nations unies pour une résolution concernant un Sahara autonome sous souveraineté marocaine, offre un cadre très flexible, un cadre qu’il est quasiment inconcevable que le Maroc puisse dépasser. La poursuite de ce conflit peut constituer un exemple classique de l’incapacité de séparer les positions des intérêts. Suite à la proposition de la partie marocaine, il incombe au Polisario de décrire comment il envisage un dispositif organisationnel de gouvernance qui favorise la prospérité de la population et d’évaluer si un tel dispositif pourrait s’intégrer dans le cadre de «l’autonomie sous souveraineté». Le Polisario pourrait estimer, après une analyse approfondie, que la proposition du Maroc permet un système de gouvernance pouvant répondre à ses intérêts économiques, politiques, culturels et environnementaux ainsi qu’à ceux de la population de la région.
En tout cas, la proposition du Maroc pour la paix englobe trois concepts dont l’usage pourrait unifier les pays du Sud et leur permettre de réaliser leurs besoins humains.
La décentralisation de la prise de décision et de la gestion du niveau central aux niveaux provincial, municipal et communal est l’une des formes les plus puissantes de la résolution des conflits. Il est probablement essentiel par exemple pour récupérer l’avenir de l’Iraq comme Etat-nation ; historiquement, ce fut le pivot propice à la création des Etats-Unis. L’Ukraine mise sur son futur système de gouvernance axé sur la décentralisation dont l’usage est en hausse dans tous les hémisphères.
Une gouvernance nationale qui appuie la prise de décision des populations locales relative à leur développement joue un double rôle comme une mesure préventive de conflit.
Enfin, la promotion de l’autonomisation des communautés est une force nationale unificatrice, la population étant encouragée à poursuivre et à réaliser les objectifs qu’elle aura déterminés elle-même.
Le Maroc, comme toutes les nations, est aux prises avec la mise en œuvre de ses idéaux. Ce que le Royaume a indéniablement réussi, c’est l’adoption conséquente d’une position qui favorise le développement durable induit par la méthode démocratique et participative, la régionalisation et les partenariats Sud-Sud (tout en embrassant les relations internationales).
La leçon tirée de l’expérience marocaine est donc qu’il faut trois facteurs pour assurer l’unité Sud-Sud : un chef d’Etat positivement explicite et tourné vers l’action à cet égard; l’adoption de la décentralisation, à la fois comme un dispositif de résolution des conflits et de promotion du développement et la capacité des populations à jouir de la liberté d’association.
Il n’y a pas d’autres conditions nécessaires pour promouvoir les blocs régionaux, les nations et les communautés autonomes; une fois ces éléments en place, de nouvelles relations de non dépendance seront nouées, les moyens nécessaires à l’autosuffisance contribuant à parvenir à ces fins.

* Président de la Fondation
du Haut Atlas


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