Français et politiques en plein divorce

Dégoût, "dégagisme"


Libé
Vendredi 12 Septembre 2025

En évoquant mercredi un "décalage préoccupant" entre vie politique et vie réelle, le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu a mis le doigt sur une réalité décrite par les sondages: la rupture, voire le dégoût, de l'opinion pour les politiques, qui peut aller jusqu'au "dégagisme" quand il s'agit d'Emmanuel Macron.

Les études se succèdent et reflètent le même sentiment: sept Français sur dix jugent la situation politique sans issue, huit sur dix voient dans la séquence actuelle un "spectacle navrant" et plus des deux tiers souhaitent la démission du président de la République avant la fin de son mandat.

"Le rejet des politiques n'est pas une nouveauté mais on a la démonstration que ça s'aggrave et que ça devient généralisé", observe Bernard Sananès, président de l'Institut Elabe.

Dans un entretien accordé mardi au journal conservateur Le Figaro, Jérôme Fourquet (Ifop) y voit "du désintérêt" pour le politique comme "une pièce de théâtre totalement décalée et se jouant devant une salle vide".

Mais contrairement à la tradition française, cette désillusion ne cible plus seulement le couple exécutif, exutoire éprouvé de l'opinion. Elle touche l'ensemble du personnel politique.

"Dans mon territoire, je ressens une vague dégagiste comme je ne l'ai jamais ressentie auparavant: du brouhaha dans les prises de parole, parfois des petites invectives", raconte à l'AFP un cadre socialiste. "Pour ces gens, on fait plus partie du problème que la solution", souffle-t-il, avouant que "c'est très dur".

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin décrivait également fin août le "rideau tiré" entre les citoyens, "la classe politique et les élites de manière générale". Pour lui, "la verticalité n'est pas la bonne façon de fonctionner, les politiques devraient avoir davantage de respect et d'écoute pour les gens simples".

Ce qui ressort des études d'opinion, c'est "l'inefficacité", souligne Bernard Sananès, l'écart entre "l'attente d'action et la parole politique". "On les paye pour faire quoi?", s'interroge-t-on.
"Les Français se tamponnent de savoir quelle est la composition du gouvernement", reconnaît une ministre macroniste.

- "On se remet à y croire" -

Promettant une "rupture" sur le fond et sur la forme, Sébastien Lecornu n'a pas dit autre chose en prenant ses fonctions mercredi.
"Il faut qu'on arrive à mettre fin à ce double décalage: le décalage entre la situation politique et le décalage avec ce qu'attendent légitimement nos concitoyennes et nos concitoyens pour leur vie quotidienne, pour la situation économique et sociale, leur sécurité, ce pour quoi évidemment nous sommes missionnés", a-t-il déclaré en remerciant son prédécesseur à la tête du gouvernement, François Bayrou.

Sébastien Lecornu est le troisième Premier ministre appelé par le chef de l'Etat depuis un an, ses deux prédécesseurs ayant été renversés par une Assemblée nationale hostile.
Depuis la dissolution surprise en juin 2024, la chambre basse du Parlement français est divisée en trois grands camps (gauche, centre-droite, extrême droite) mais sans majorité, même relative, rendant chaque adoption de texte, en particulier budgétaire, quasi impossible.

"On a perdu le fil de la relation avec les citoyens", observe un responsable du bloc central, qui note à l'inverse que Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de La France insoumise (LFI, gauche radicale), et Marine Le Pen (Rassemblement national, extrême droite), échappent à cette réalité et restent des alternatives crédibles pour l'opinion.

Tenant d'une "rupture" totale avec le macronisme, RN et LFI demandent un retour aux urnes, via une nouvelle dissolution pour le premier, une démission ou une destitution du président pour le second.

C'est de fait, selon Bernard Sananès, la seule porte de sortie. Le soutien très modéré (50% environ) des Français au mouvement "Bloquons tout" mercredi montre combien ils ont compris que "manifester, bloquer, ça ne va rien régler". Alors qu'une présidentielle, "une fois tous les cinq ans, on se remet à y croire l'espace d'un moment, en se disant +cette fois-ci, ça va peut-être changer+", commente le sondeur.


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