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Eugenio Bennato est un artiste au parcours créatif qui a su imposer la musique ethnique de son pays l’Italie dans le réseau international de la World music. L’artiste revient sur le spectacle qu’il a donné à Casablanca, à l’invitation de
l’Association Dante Alighieri et sous le patronage du Consulat général d’Italie à Casablanca.
Libé : Votre prestation au studio des Arts vivants en mars dernier a été un succès. Comment l’avez-vous ressenti sur scène?
Eugenio Bennato : Il est difficile pour un artiste d’évoquer l’ambiance qui a prévalu lors de son propre spectacle. Pour plus d’objectivité, je préfère généralement que les avis viennent des spectateurs eux-mêmes. Cela dit, je reconnais que l’accueil du public était vraiment magnifique et que notre prestation ne l’a pas laissé indifférent.
Ce soir-là, je pense avoir eu la confirmation que ma musique, née de la fusion entre les musiques populaires italiennes et du Sud de la Méditerranée, a vraiment son importance. Voir des étudiants du studio des Arts vivants répéter en seulement deux heures et offrir une prestation à la hauteur du spectacle m’a conforté dans l’idée que la langue musicale est très commune. C’est aussi la preuve que mes textes, leur contenu et toutes les histoires qu’ils racontent, sont très actuels, comme l’émigration par exemple.
On vous présente comme l’artiste qui a su imposer la musique ethnique italienne dans le monde. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce genre musical ?
Je me suis intéressé à la musique populaire italienne à une époque où l’on n’avait que très peu d’intérêt pour celle-ci. Il fallait avoir du cran pour s’y intéresser, sachant que d’autres genres musicaux beaucoup plus attirants étaient en vogue.
Cela peut paraître étonnant, mais je ne sais toujours pas pourquoi j’ai été attiré par cette musique et pas par d’autres comme le rock, par exemple.
Cela dure depuis plus d’une trentaine d’années. Il y a forcément une explication ?
La seule explication que je pourrais avancer, c’est cette folie typique à la jeunesse de l’époque. La curiosité était telle que les jeunes partaient dans tous les sens.
La situation est différente aujourd’hui. On vit à l’époque de la globalisation et beaucoup de personnes ont compris l’importance de revenir à leurs racines. Aujourd’hui, on peut voir une jeune fille danser facilement la taranta, parce que cette musique traditionnelle est désormais internationale. Ce n’est pas une imitation du modèle globalisé, mais la confirmation de cet intérêt pour nos racines.
J’ai constaté qu’il y a eu de la maturité dans la compréhension de cette musique. Beaucoup m’ont dit que l’atmosphère de ce soir était meilleure qu’il y a 9 ans. Je pense au contraire que ce sentiment s’explique par le fait qu’ils sont un peu plus ouverts à cette musique.
Au-delà, je dirais que les dernières compositions sont très au fait de l’actualité au Maroc et en Italie. Elles ont aussi contribué à créer ce sentiment. Par exemple, la dernière chanson que j’ai interprétée a été composée l’année dernière, à la suite d’une rencontre avec un émigrant que j’ai rencontré à Tanger. Ce dernier, qui est parti du Cameroun et a traversé le Sahara pour arriver au Maroc, m’a proposé de lire ses notes évoquant l’histoire de son père et de sa mère qui se sont connus dans la galère. Je les ai trouvées géniales.
Cette histoire m’a inspiré dans l’écrire du titre «Mon père et ma mère» que j’ai expressément choisi de garder en français afin qu’on comprenne qu’il s’agit d’une histoire qui vient d’un pays francophone de l’Afrique. Cette chanson a un sens si fort que tout le monde l’a aimé en Italie.
Vous arrive-t-il d’écouter la musique traditionnelle marocaine ?
J’ai travaillé par le passé avec un jeune musicien marocain que j’ai rencontré il y a quelques années à Naples. C’est en l’écoutant un jour jouer que j’ai été séduit et lui ai proposé de travailler ensemble. Je me suis aperçu qu’il y avait des similitudes entre les chants de la Méditerranée. C’est avec joie que je l’ai retrouvé au Maroc. Alors nous avons improvisé quelque chose lors du spectacle de Casablanca. Le premier titre que nous avons interprété, dans la langue napolitaine et en arabe, a été composé en 2002. Je l’ai dédié aux enfants qui traversaient, à cette époque déjà, la Méditerranée dans des conditions risquées. Et l’on racontait déjà des tragédies dans la mer.
Vous avez beaucoup donné à la musique populaire italienne. Pensez-vous que les jeunes s’y mettent aussi pour la sauvegarder ?
Tous ceux qui jouent avec moi ne sont pas de cette génération. Il y a 30 ans, ce n’était pas facile de trouver un joueur de tambourin maîtrisant la technique traditionnelle. Maintenant, il y a des jeunes qui apprennent à jouer de cet instrument et biens d’autres. Quand j’ai commencé, mes amis me traitaient de fou parce que je préférais la guitare traditionnelle à la guitare électrique. Ce qui ne m’a pas empêché d’aimer la musique rock.