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Erosion, vieillissement, absence de restauration : La lente décrépitude du patrimoine rural de Tafraout


IDRISS OUCHAGOUR
Mardi 27 Avril 2010

Erosion, vieillissement, absence de restauration : La lente décrépitude du patrimoine rural de Tafraout
Village d’Aguechtim, dans la vallée des Ammelnes. Dans ce petit hameau perdu entre les abruptes falaises du Jbel Elkasst, nous avions repéré, il y a quelques années, l’une des plus vieilles maisons datant du milieu du XVIIe, et joyau  de  l’architecture traditionnelle rurale, dans la région. A notre retour au douar dans le but de la prendre en photo pour les besoins de ce reportage, nous l’avons trouvée réduite en un fatras de pierres et troncs de palmiers de sa charpente en  bois. Malheureusement, ce n’est pas la seule bâtisse   mettant en avant les caractéristiques de l’architecture traditionnelle locale qui a enduré cette affligeante érosion, dans la région.  La chose tend désormais à prendre l’aspect d’un phénomène visant ce patrimoine ancestral.  Il suffit de savoir que  dans un espace    représentatif, comportant 28 villages des Ammelnes et de Tafraout où nous avions mené nos investigations, puisqu’il «truste» la plus grande concentration  de ce patrimoine quant à sa répartition territoriale dans la région,   le constat de  l’étendue des démolitions subies est frappant.  En l’espace d’un lustre, près de  52 bâtisses du genre sont tombées en ruine.   Avec un pic enregistré en 2009 et 2010,  où,  malgré la courte période, 47 maisons se sont écroulées.  Premier facteur incriminé,  dans cet état de fait, bien entendu, la vulnérabilité du bâti  qui  commence à céder  sous le poids de l’âge qui, selon Da Aâbdouyidir, un nonagénaire du village d’Imintizght,  atteint bien aujourd’hui, dans l’ensemble, entre cent, et   deux cent cinquante  ans, dans le meilleur des cas. Le manque d’entretien de ce patrimoine a fortement contribué à précipiter le processus des   destructions. Et cela s’explique par l’«effritement» des structures traditionnelles d’organisation sociales des habitants. Cet éclatement familial  a, du coup, provoqué  l’abandon des demeures parentales, une fois les ascendants décédés, pour de nouvelles  bâtisses modernes individuelles, «plus confortables», nous expliquent les villageois. Sur ce, vient s’interférer cet autre «acharnement» sur ces joyaux architecturaux, de la part  des propriétaires, afin de les remplacer par des ouvrages en béton armé.  Un état de fait  très souvent dicté par l’exiguïté des espaces bâtissables, notamment dans les zones montagneuses escarpées, et qui est, du reste, accentué, ces derniers temps, par cette tendance  de la diaspora  établie dans les villes, à retourner construire au village natal.           
Toutefois, ce sont les dernières intempéries qu’a connues la région ces deux dernières années qui ont assombri davantage le tableau.  Un comptage fait par nos soins, toujours dans le périmètre indiqué, juste entre le mois de novembre 2009 et février 2010, montre que 34 beaux ouvrages  sont irrémédiablement réduits en ruine par les pluies diluviennes  qui se sont abattues sur la région. C’est dire le regrettable gâchis ! D’autant plus que, de mémoire d’habitant, jamais un si grand pan de ce patrimoine bâti ne s’est  éclipsé d’une manière aussi subite, s’alarme Da Aâbdouyidir. Dorénavant, le peu de vieilles bâtisses à caractère patrimonial   qui résistent encore aux outrages du temps,  «se comptent sur les doigts». A voir leurs localisations,  on les trouve particulièrement dans les villages de la vallée des Ammelnes, les douars de la municipalité de Tafraout et, dans une moindre mesure, dans ceux de la commune d’Afella Ighir. A Tahala et dans les communes alentours, Tarsswat,  Aît Ouafka et Tassrirt, elles se font très rares,  voire inexistantes. L’état «physique» de ces «survivances» patrimoniales  ne paye pas mine. Vétustes, sans entretien.  La plupart d’entre elles   menacent ruine. Le reste de cet  héritage, seul support mémoriel /vestige  de toute une culture architecturale spécifique, est ainsi voué à la disparition si rien n’est fait pour le sauvegarder.  Comment donc relever le défi  dans un contexte aussi «hostile»? Pour Ahmed Rakbi, professeur à l’Université d’Ibn Zohr d’Agadir, la première action urgente à entreprendre doit s’inscrire dans une approche de  sensibilisation. D’abord, celle des populations locales, quant à l’importance de leur identité architecturale  et des richesses culturelles qu’il recèle. Il faut aussi, selon lui, dans le souci d’une action prospective, étendre cette démarche aux écoles en introduisant des thèmes ayant trait généralement à ce patrimoine et aux problématiques relatives à sa réhabilitation et préservation, dans les programmes scolaires. L’intégration de ce précieux legs dans le processus de développement durable local s’impose d’ailleurs comme une solution à la «question patrimoniale».  Les enjeux touristiques et économiques que peut susciter la valorisation de ce dernier sont très porteurs, d’autant plus que cela  assurera le processus de sa pérennité.  Mais tant qu’une législation pour interdire la destruction, jusque-là impunie, de cette vulnérable «mémoire collective», n’est pas mise en place, une grande partie de celle-ci, risque de disparaître au détriment des ouvrages en béton armé. 


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