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Avec la vague de chaleur, l’invasion des serpents a la part belle

Les habitants de Rommani ont eu la peur de leur vie


Libé
Vendredi 28 Mai 2021

La promiscuité entre les hommes et ces reptiles carnivores augmente les risques d’ accidents

A quelques kilomètres de Casablanca, les immeubles poussent plus vite que les champignons. La frénésie immobilière et l’urbanisation galopante ont totalement défiguré les collines qui furent, pendant longtemps, un havre de paix pour la biodiversité de la région. Pilonnées sans relâche depuis plusieurs années déjà, les entrailles de cette terre fertile ont fini par recracher les animaux qui y coulaient des jours heureux. Chassée et privée de son habitat naturel, la faune du coin trouve refuge dans les rares propriétés qui disposent encore d’un jardin ou du moins d’une végétation digne de ce nom.

Propriétaire d’une parcelle de terre d’un peu plus de 3000m², où cohabitent eucalyptus, citronniers, figuiers et quelques oliviers, une mère de trois enfants se remémore le jour où elle s’est fait une peur bleue : «Un de mes fils regardait par la fenêtre lorsqu’il est tombé nez à nez avec un serpent d’au moins 1,50 mètre qui tentait de se frayer un chemin à travers la moustiquaire ». Puis de préciser : «De tout temps, il y a eu des serpents dans le jardin, mais ils ne s'approchaient jamais à ce point de la maison». Pour elle, les chantiers immobiliers à proximité ne sont pas étrangers à cette tentative d’intrusion. «Tout a commencé lorsque nous avons découvert dans la maison une araignée grosse comme la paume de la main, moins de 48 heures après l’inauguration du chantier qui se trouve à une vingtaine de mètres d’ici ».

Suite à cet épisode, autant vous dire que les petits-déjeuners familiaux en plein soleil dans le jardin n’avaient plus le même effet apaisant. Encore moins pendant la saison estivale. « C’est plutôt angoissant. On n’ose plus sortir de la maison quand le thermomètre s’affole », nous confie-t-elle apeurée, en dépit de l'huile de cade qu’elle s’échine à asperger tout autour de sa maison pour éloigner les curieux reptiles qui partent souvent à l’aventure pour cause de déshydratation, les points d’eau étant de plus en plus rares. Dès lors, à chaque nouvelle vague de chaleur, la crainte de croiser les reptiles carnivores s’amplifie. D’autant que le dernier épisode en date n’est pas de nature à rassurer. Bien au contraire. Dans la banlieue de Rabat, les habitants de Rommani doivent vivre avec une angoisse permanente. En cause, une invasion de serpents, coïncidant avec la vague de chaleur actuellement enregistrée dans le Royaume, annoncée par le bulletin météorologique spécial de niveau orange, émanant de la direction nationale de la météorologie.

Comment expliquer cette relation de cause à effet ? Au-delà du fait que ces espèces à sang froid sont dans leur bon droit, car il ne faut pas oublier qu’il s’agit de leur territoire depuis la nuit des temps, il faut aussi savoir que contrairement à ce que l’on pourrait croire, les serpents ont du mal à supporter la chaleur. Dès lors, rien de bien étonnant à ce qu’ils cherchent des lieux à l'ombre plus frais, en se réfugiant dans une crevasse de mur ou dans les toilettes d'une maison. Une quête de fraîcheur qui peut malheureusement déboucher sur de chaudes situations et de tragiques accidents.

Aux quatre coins du pays, seuls le cobra et les vipères représentent un réel danger pour l’homme. Mais à force de s’accaparer et piétiner leur territoire, les accidents se multiplient fatalement. Considérées comme un problème de santé publique par les autorités sanitaires marocaines et classées «maladies négligées» par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les envenimations par morsures de serpents ou piqûres de scorpions se sont multipliées ces dernières années.

De 1992 à 2007, 89 envenimations ont été recensées en moyenne par an dans le Royaume. Il y en a eu 350 rien que pour l’année 2018. Pour le Dr. Naoual Oukkache, responsable du laboratoire venins et toxines à l'Institut Pasteur du Maroc, ces chiffres sont largement sous-estimés «parce que les gens qui vivent dans des zones éloignées ne sont pas pris en compte. Ces données correspondent uniquement aux cas hospitalisés », nous a-t-elle expliqué.

Le Dr. Naoual Oukkache, qui a récemment intégré la liste d'experts de l'Organisation onusienne en matière d'envenimation de serpents, pense que l’augmentation des statistiques en terme d'envenimations est due également « aux outils développés et mis en place par le Centre antipoison qui sont plus performants. Et il y a aussi l’introduction de l'antivenin en 2012, qui a permis aux patients de développer une plus grande confiance vis-à-vis des structures de santé. Tout comme l’expansion urbaine qui a renforcé la proximité entre les humains et ces animaux ».

Sur l’ensemble du territoire national, une cinquantaine d’espèces de scorpions et autant de serpents sont recensées. Sept vipères et un cobra sont les plus mortels parmi les serpents. Le cobra (Naja) qui ne porte aucunement bien son nom scientifique, même en inversant les syllabes, fait des ravages dans le Nord. Motif de soulagement, une baisse du taux de létalité a été constatée ces dernières années dans le pays, passant de 8,9 à 1,7% entre 2011 et 2018. Une avancée majeure, rendue possible grâce à la disponibilité de l’antivenin. Mais le chemin est encore long.

Chady Chaabi

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Dr. Naoual Oukkache, responsable du laboratoire venins et toxines à l'Institut Pasteur du Maroc

Journée internationale de la diversité biologique

Alors que la communauté internationale est appelée à réexaminer sa relation avec le monde naturel, une chose est sûre : malgré nos avancées technologiques, nous dépendons entièrement d'écosystèmes sains et dynamiques pour notre eau, notre nourriture, nos médicaments, nos vêtements, notre carburant ou notre énergie, par exemple. Le thème 2021 « Nous faisons partie de la solution » s'inscrit dans la continuité de l'élan généré l'année dernière par le thème « Nos solutions sont dans la nature » qui a rappelé à quel point la biodiversité représente la réponse à plusieurs défis du développement durable. Il est, en effet, de plus en plus évident que la nature constitue une solution efficace aux problématiques actuelles liées au climat, aux problèmes de santé, à la sécurité alimentaire et hydrique et aux moyens de subsistance durables. La biodiversité est donc la base sur laquelle nous pouvons mieux reconstruire. Tel est le message principal de la Convention sur la diversité biologique (CDB), instrument international clé pour le développement durable. (source : UN.ORG)

Libé
Vendredi 28 Mai 2021

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