Venezuela. Emmenée par sa cheffe, l'opposition défie Maduro dans la rue 



Libé
Lundi 5 Août 2024


La cheffe de l'opposition vénézuélienne est réapparue samedi à la tête d'une manifestation de milliers de partisans à Caracas pour contester la réélection du président Nicolas Maduro, qui a lui aussi mobilisé ses soutiens pour "célébrer la victoire".


"Nous n'avons jamais été aussi forts qu'aujourd'hui" et "jamais le régime n'a été aussi faible", a lancé Maria Corina Machado, qui avait dit jeudi être "cachée" et craindre pour sa vie.


Déclarée inéligible par le pouvoir, elle revendique la victoire de son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, qui l'avait remplacée au pied levé pour le scrutin du 28 juillet. Les Etats-Unis et plusieurs pays d'Amérique latine le reconnaissent désormais comme président élu, quand d'autres, comme la France et d'autres pays européens samedi, réclament la publication des procès-verbaux des bureaux de vote par les autorités.

"Nous n'allons pas quitter la rue", a juré Mme Machado devant ses supporters, entourés d'un déploiement policier discret.


Acclamée aux cris de "Liberté! liberté!", l'opposante est arrivée sur un camion au rassemblement dans un quartier huppé de la capitale et a longuement brandi un drapeau du Venezuela devant ses partisans. Edmundo Gonzalez Urrutia n'était pas présent.

"Je ressens de l'espoir en la voyant malgré les menaces, c'est une lumière pour le Venezuela", a dit à l'AFP Adrian Pacheco, un commerçant de 26 ans.


"Nous irons jusqu'au bout": c'est le message écrit sur une petite pancarte brandie par Jezzy Ramos, 36 ans, cuisinière et mère d'une fille, reprenant l'un des slogans de l'opposition. "Cette dictature va tomber", assure-t-elle.

Les partisans du pouvoir se sont, eux, retrouvés par milliers dans le centre-ville pour marcher jusqu'au palais présidentiel au nom de la "paix nationale".


"Nous sommes au début d'une nouvelle ère, l'ère de la consolidation de la révolution, l'ère du bien-être", a déclaré dans la foule Ali Garcia, professeur de 69 ans.

Héritier du leader socialiste Hugo Chavez, Nicolas Maduro est depuis 2013 à la tête du pays, plongé dans une crise économique sans précédent.

Si le Venezuela est exsangue, il le doit, selon les experts, à la mauvaise gestion et aux sanctions américaines contre un pouvoir accusé de multiples violations des droits humains.

"Ici il y a la patrie, la souveraineté et le peuple en action dans la rue", proclame Maite Rodriguez, une sympathisante de 43 ans.


Sans surprise, l'autorité électorale a confirmé vendredi la réélection de Nicolas Maduro pour un troisième mandat jusqu'en 2031, avec 52% des voix face à Edmundo Gonzalez Urrutia (43%), sans pour autant donner les résultats détaillés.

Mais, selon le décompte de l'opposition, M. Gonzalez a recueilli 67% des voix.


Au moins 11 civils et un militaire ont été tués, et plus de 1.200 personnes arrêtées lors des manifestations spontanées qui ont éclaté dans le pays dans les deux jours qui ont suivi le scrutin.

L'opposition, qui fustige une "répression brutale", parle de 20 morts et 11 disparitions forcées.


Vendredi, elle a dénoncé le saccage de son siège à Caracas dans la nuit par un groupe d'hommes armés et cagoulés, de même que la "détention arbitraire" de l'un de ses responsables, le journaliste Roland Carreño.


De son côté, M. Maduro s'en est pris vendredi de nouveau avec véhémence à ses adversaires, cet "assassin de Gonzalez", et la "maudite Maria" Machado, qu'il avait déjà menacés de faire emprisonner.


Il n'a eu de cesse de brocarder le "coup d'Etat" mené selon lui "par les Etats-Unis et l'extrême droite internationale" depuis sa réélection contestée.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a reconnu dès jeudi la victoire de l'opposition, arguant de "preuves incontestables".

Six pays d'Amérique latine ont déjà reconnu aussi l'élection de l'opposant.


De leur côté, les dirigeants de France, d'Italie, d'Allemagne et d'autres pays européens ont demandé samedi au Venezuela de "publier rapidement tous les procès-verbaux" des bureaux de vote, dans une déclaration commune.

Le Nicaragua, l'un des fidèles alliés du pouvoir chaviste avec la Russie et l'Iran notamment, a reconnu la victoire de M. Maduro.


Le dirigeant vénézuélien a enfin "remercié" les présidents du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, de la Colombie, Gustavo Petro, et du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, trois leaders de gauche, qui "travaillent ensemble pour que le Venezuela soit respecté et que les Etats-Unis ne fassent pas ce qu'ils font", selon les termes de M. Maduro.


Ces trois pays, qui entretiennent de bonnes relations avec le Venezuela chaviste, ont demandé "une vérification impartiale des résultats" de l'élection.


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