Un consensus forcé pour clore la COP30

Jusqu’où ira-t-on dans l’exécution des mesures apportées par un Belém Political Package séduisant ?


Hassan Bentaleb
Lundi 24 Novembre 2025

Un consensus forcé pour clore la COP30
La 30e Conférence des parties (COP30) sur le climat, qui s’est tenue du 10 au 22 novembre 2025 à Belém, au cœur de l’Amazonie brésilienne, s’est conclue par un accord adoptant un texte par consensus après une prolongation des négociations. Ce texte marque une avancée, certes modérée, dans la lutte climatique, mais suscite aussi des critiques sur son ambition jugée insuffisante, notamment sur la question épineuse des énergies fossiles.

Quelles sont les principales décisions finales (adoptées / reportées / omises) ?

La COP30 a adopté un ensemble de décisions majeures réunies dans le Belém Political Package, un paquet politique conçu comme cadre d’orientation pour la mise en œuvre, incluant des outils d’exécution, la création de task forces thématiques et un calendrier de suivi renforcé. Elle a également appelé à une montée en puissance de l’action concrète, en insistant sur le déploiement de programmes opérationnels, la priorisation des projets fondés sur la nature et le renforcement de la résilience urbaine, tout en accueillant de nouvelles initiatives destinées à accélérer l’action climatique dans le cadre de l’Action Agenda. Parmi les décisions sectorielles, la COP30 a mis en avant des mesures renforcées pour la protection des forêts et de la biodiversité, avec des engagements politiques accrus en faveur des forêts tropicales et l’annonce d’initiatives dédiées telles que des plateformes de financement ou des programmes nationaux, même si une partie de ces engagements demeure non contraignante. Enfin, concernant la transition post-fossile, la conférence a convenu d’ouvrir des mécanismes de dialogue technique et d’élaborer des feuilles de route progressives (“roadmaps”), privilégiant une approche évolutive plutôt que l’adoption immédiate d’un cadre international juridiquement contraignant.

Qu’en est-il des décisions reportées, affaiblies ou omis ?

La COP30 a également été marquée par plusieurs décisions reportées, affaiblies ou omises, en particulier concernant la sortie des combustibles fossiles : les différentes versions du texte final ont progressivement éliminé toute mention explicite d’un phase-out du charbon, du pétrole et du gaz, ne conservant qu’un langage volontaire appelant à des “roadmaps” pour la transition énergétique, ce qui a suscité de fortes critiques et des menaces de blocage de la part de nombreux Etats et ONG. Les objectifs d’atténuation ont eux aussi été jugés insuffisamment ambitieux, la décision finale n’imposant ni révision automatique ni calendrier contraignant pour le relèvement des NDC, se limitant à une incitation générale à davantage d’ambition. Sur le plan financier, de profondes divergences sur les calendriers ont persisté : si les demandes de triplement du financement de l’adaptation et d’accélération des efforts d’ici 2030 ont été reconnues, les dates et montants précis ont été renvoyés à de futures négociations, certains compromis évoquant un horizon 2035 considéré comme trop tardif par les pays les plus vulnérables.

 Au final, la COP30 a certes produit un paquet politique structurant, renforçant l’attention portée à l’adaptation, aux forêts et aux mécanismes de dialogue sur la transition, mais elle a échoué à fixer des engagements contraignants sur la sortie des énergies fossiles et sur des calendriers financiers rapides, éléments pourtant essentiels pour répondre aux attentes des pays les plus exposés.
 
Analyse des résultats selon groupes de pays / coalitions ?

La COP30 a révélé des dynamiques contrastées entre groupes de pays aux priorités divergentes. L’Union européenne et les Etats les plus ambitieux, notamment certains pays européens et petits Etats insulaires, ont poussé pour l’inscription explicite d’un calendrier de sortie des combustibles fossiles et pour un relèvement rapide des NDC compatibles avec la trajectoire +1,5 °C, mais n’ont obtenu qu’un résultat partiellement satisfaisant : si l’UE a consolidé la centralité de la mise en œuvre à travers l’Action Agenda, les dialogues techniques et l’accent mis sur l’adaptation, la référence contraignante au phase-out reste absente, l’obligeant à accepter des compromis pour maintenir le consensus.

Les pays du Sud, notamment en Afrique, ont défendu la priorité absolue à l’adaptation, à l’accès au financement et à la justice climatique, obtenant des avancées partielles avec l’annonce de nouveaux engagements financiers et la mise en avant de la protection des forêts ; toutefois, les montants restent très insuffisants et la prévisibilité des flux financiers demeure incertaine. Les petits Etats insulaires et les pays les plus vulnérables, quant à eux, ont exprimé une profonde frustration : malgré un langage favorable à la justice climatique et à l’adaptation, ils déplorent l’absence de calendrier financier rapide et de feuille de route claire pour réduire les émissions à la hauteur de l’objectif +1,5 °C.

A l’inverse, les pays producteurs d’hydrocarbures ont remporté une victoire tactique, leur résistance déterminée ayant contribué à faire disparaître toute mention explicite d’un phase-out, au profit de “roadmaps” techniques plus progressives.

Le Brésil, pays hôte, a adopté un rôle de médiateur en positionnant la COP30 comme une “COP de l’implémentation” et en mettant en avant les initiatives sur les forêts et les carburants durables ; bien qu’il ait obtenu des succès structurels importants, il n’a pas réussi à imposer un accord satisfaisant pour toutes les parties, dans un sommet marqué par certaines tensions organisationnelles.

En somme, si la COP30 a renforcé les dispositifs d’implémentation et accordé une place croissante à l’adaptation, les fractures entre Nord et Sud ainsi qu’entre producteurs et défenseurs du phase-out ont freiné les avancées ambitieuses en matière d’atténuation, laissant les pays les plus vulnérables avec des engagements politiques, mais sans garanties financières rapides.

Qu’en est-il des financements annoncés et des engagements concrets (chiffres & instruments) ?

Plusieurs annonces formulées lors de la COP30 relèvent essentiellement de promesses (pledges) qui nécessitent encore d’être concrétisées par des mécanismes de versement, des calendriers précis et des instruments financiers mobilisant banques multilatérales, fonds bilatéraux et capitaux privés.

Les engagements publics confirmés incluent notamment la mobilisation d’environ 133 millions USD pour l’Adaptation Fund, issue de contributions de plusieurs pays européens, ainsi que différentes annonces bilatérales ou groupées — dont une promesse de six pays totalisant près de 58,5 millions USD — bien que ces montants additionnels et leurs calendriers précis restent à vérifier. Les banques multilatérales de développement ont réaffirmé leur volonté de financer l’action climatique à travers des outils innovants, mais sans annoncer de montant global chiffré.

Sur le plan programmatique, le Belém 4× Pledge vise à quadrupler l’usage des carburants durables d’ici 2035 afin de stimuler les investissements privés, tandis que l’Action Agenda met en avant des pipelines de projets “prêts à financer” dans l’hydrogène vert, la décarbonation industrielle ou les infrastructures résilientes. Malgré ces avancées, un écart financier majeur subsiste : les besoins réels en adaptation se chiffrent à des centaines de milliards de dollars annuels, bien au-delà des sommes annoncées à Belém, et les propositions visant à tripler le financement d’ici 2035 sont jugées trop tardives par les pays vulnérables, qui demandent une accélération avant 2030.

Par ailleurs, la transparence et la mise en œuvre restent des points critiques, de nombreuses annonces étant conditionnelles et dépendantes de cofinancements ou garanties ; le véritable test sera donc la conversion de ces promesses en engagements budgétaires contraignants et en ressources effectivement disponibles dans les fonds et mécanismes dédiés.

Que faut-il retenir de cette COP ?

La COP30 a abouti à un paquet politique axé sur l’implémentation, consolidant la priorité donnée à l’adaptation, à la protection des forêts et au développement de pipelines d’investissements destinés à attirer des capitaux publics et privés vers des projets climatiques concrets ; toutefois, les avancées réellement contraignantes en matière de sortie des combustibles fossiles ont été considérablement affaiblies par une série de compromis diplomatiques, laissant de côté toute référence solide à un calendrier de phase-out. Les positions des différentes parties sont demeurées fortement polarisées : si l’Union européenne et les pays les plus vulnérables ont obtenu des gains politiques en renforçant l’agenda de l’action climatique, de l’adaptation et des dialogues techniques, ils n’ont pas réussi à sécuriser le calendrier strict ou les montants financiers immédiats qu’ils jugeaient indispensables.

A l’inverse, les pays producteurs d’énergies fossiles ont réussi à écarter l’idée d’un engagement contraignant sur la sortie des hydrocarbures, préservant ainsi leur marge de manœuvre. Dans ce contexte, la question financière demeure centrale : bien que plusieurs annonces et contributions aient été faites — notamment environ 133 millions de dollars promis au Fonds pour l’adaptation — ces montants restent largement insuffisants face à l’ampleur du déficit structurel d’investissement nécessaire pour l’adaptation et pour assurer une transition juste et équitable. La crédibilité finale de la COP30 dépendra désormais de la rapidité avec laquelle ces promesses seront transformées en ressources réelles, accessibles et opérationnelles pour les pays qui en ont le plus besoin.

Hassan Bentaleb


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