
«On a des textes de loi qui permettent de poursuivre des pédophiles qui sévissent à l’étranger, mais pas pour les apprentis terroristes. Faisons en sorte qu’on puisse agir contre ces derniers comme contre la pédophilie ou le tourisme sexuel», a commenté mardi à l’AFP un spécialiste du renseignement.
Si l’incrimination d’»association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» (punie de 10 ans de prison et 225.000 euros d’amende), permet de «ratisser large», selon la police, elle n’autorise pas à faire de l’entraînement au jihad un délit.
Les services estiment que plusieurs dizaines de Français se sont rendus dans les zones tribales frontalières entre l’Afghanistan et le Pakistan pour combattre ou s’entraîner au jihad.
«Quand on (les) a identifiés et qu’ils rentrent, on les surveille, on les entend, mais c’est tout», ajoutent-ils.
Ce fut le cas du tueur au scooter, Mohamed Merah, qui en mars à Toulouse et Montauban, au nom d’Al-Qaïda, avait tué trois parachutistes puis trois enfants et un père dans une école juive.
La DCRI était au courant de ses voyages et l’avait même «débriefé» en novembre 2011, puis mis sous surveillance, mais de loin en loin.
Le ministre de l’Intérieur de l’époque Claude Guéant avait expliqué que rien de délictuel ne pouvait a priori lui être reproché avant ses crimes. «En France, on ne défère pas à la justice des gens pour des intentions, pour des idées salafistes. On ne peut arrêter les gens que pour des faits», avait-il argumenté.
C’est cette lacune que le projet de loi entend combler, alors que le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a par ailleurs demandé un rapport sur les «dysfonctionnements» de l’affaire Merah, pour «améliorer le renseignement sur les groupes radicaux proches des jihadistes», selon son entourage.
Le projet consulté par l’AFP insère un nouvel article dans le Code pénal (113-13), précisant que «la loi pénale française s’applique aux crimes et délits qualifiés d’actes de terrorisme (...), commis par un Français hors du territoire de la République».
Selon la Chancellerie, qui a déjà réfuté l’idée que ce nouveau texte soit inspiré de celui rédigé dans la foulée de l’affaire Merah par Michel Mercier, dernier ministre de la Justice du quinquennat Sarkozy, il s’agit de «rendre la lutte antiterroriste plus efficace et pour cela d’accroître la compétence de la juridiction française».
«Voilà ce qui manquait à l’arsenal juridique», commente un policier de la lutte antiterroriste: «Avec cela, on pourra agir, même s’il faudra prouver que les personnes concernées sont allées dans ces zones pour s’y entraîner».
Enfin, l’autre grand aspect du texte concerne la surveillance dans un cadre administratif des données de connexion (Internet, géolocalisation, factures détaillées de téléphone).
Seraient visés par la loi les responsables de sites de propagande ou faisant l’apologie de la haine et du terrorisme, mais en revanche, selon un proche du dossier, «pas les personnes se bornant à les consulter», à l’inverse des affaires de pédophilie.