Une approbation inédite du Tribunal constitutionnel espagnol
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En effet, cette loi crée un « régime spécial » dans ces présides tout en indiquant que « les étrangers détectés au niveau de la ligne frontalière de démarcation territoriale de Sebta ou Mellilia, alors qu’ils tentent de surmonter les éléments de contention frontaliers pour franchir irrégulièrement la frontière, pourront être rejetés afin d’empêcher leur entrée illégale en Espagne ». Si le paragraphe suivant précise que « dans tous les cas, le rejet sera effectué en respectant les normes internationales relatives aux droits de l’Homme et à la protection internationale», aucune garantie procédurale concrète n’est prévue par cette loi. Pour le Tribunal constitutionnel espagnol, ce "régime spécial de refoulement à la frontière des étrangers qui tentent d'y entrer illégalement (...) est conforme à la doctrine de la Cour européenne des droits de l'Homme". En effet, en février dernier, cette Cour (la Cour-EDH) a rendu une décision favorable aux autorités espagnoles, en confirmant la pratique des « refoulements à chaud » des personnes tentant de rejoindre" les présides occupés de Sebta et Mellilia. Alors que cette même Cour avait condamné en 2017 l’Espagne pour deux cas d'expulsions immédiates de migrants en provenance du Maroc opérées en 2014. Cette même Grande Chambre avait déjà condamné en 2012 l’Italie pour avoir reconduit en Libye des migrants somaliens et érythréens interceptés en mer malgré les risques de mauvais traitements qu’ils encouraient. La Cour avait jugé qu’il y avait violation des directives européennes et des dispositions des droits de l’Homme. La CEDH avait condamné l’Italie à verser 15.000 euros à chaque requérant pour dommage moral.
Cette fois-ci, la Grande Chambre de la Cour-EDH a jugé que l’Espagne n’avait pas violé les droits des migrants qui avaient déjà franchi sa frontière en les renvoyant de façon expéditive et violente vers le Maroc. A rappeler que Madrid a toujours estimé que les migrants qui escaladent la clôture ne doivent pas être considérés comme ayant pénétré sur le territoire espagnol.
A noter, par ailleurs, que ladite décision concerne uniquement Sebta et Mellilia et ne s'applique pas aux Canaries. Pourtant, les derniers chiffres de FRONTEX (Agence européenne en charge de la gestion des frontières extérieures de l’UE) indiquent que plus de 5.300 migrants irréguliers sont arrivés dans ces îles en octobre (dix fois le total mensuel d'il y a un an) et qu’au cours des 10 premiers mois de l'année, 11.400 migrants irréguliers ont été détectés en atteignant les Iles Canaries. Une situation qui contraste avec celle sur la route migratoire de la Méditerranée occidentale qui a enregistré 1.800 détections de franchissements illégaux de frontières en octobre, soit 37% de moins que le mois précédent. Le total pour les 10 premiers mois de 2020 s'élevait à 13.400, soit 37% de moins qu'à la même période de l'année précédente.
Pour plusieurs observateurs, la décision de la haute instance juridique espagnole n’est aujourd’hui que la reconnaissance ou plutôt la légitimation d’une pratique courante chez les autorités espagnoles. Cette décision confirme le principe du refoulement généralisé et entérine l’impossibilité de déposer une demande d’asile en cas de franchissement illégal d’une frontière.
Une pratique qui a dépassé les barrières terrestres pour s'imposer sur les routes maritimes entre le Maroc et l’Espagne. Plusieurs rapports d’ONG ont constaté des cas de refoulement dits à chaud opérés en toute illégalité par les autorités espagnoles contre des migrants irréguliers subsahariens. Ces derniers sont souvent livrés clandestinement aux autorités marocaines qui procèdent, elles aussi, à leur refoulement sans leur consentement vers certaines villes comme Rabat, Fès ou Meknès. Une pratique qualifiée par le rapport de courante mais longtemps niée par les deux pays qui semblent avoir signé une entente concernant ce sujet alors qu’il s’agit d’une mesure très polémique, notamment au regard de sa non-conformité avec les dispositions de la Convention de Genève de 1951 qui protège le droit d’accès à l'asile de toutes les personnes à travers le principe du «non-refoulement». En fait, cette convention stipule que toute personne ne peut pas être renvoyée dans un pays en conflit où elle peut être soumise à des violations des droits de l'Homme ou faire l’objet de persécution. Le droit international exige l'assistance juridique avant toute procédure d'expulsion et le droit d'interjeter appel. Il est nécessaire, par conséquent, d’étudier individuellement chaque cas et d’interdire tous les renvois collectifs.
Hassan Bentaleb