Harvey Weinstein de retour au tribunal




Plaidoyer pour un nouveau statut régissant le corps de l’inspection du travail


Lhassan Hmaichate *
Vendredi 15 Avril 2011

Lorsque l'on voit ce qui s'est passé avec le corps des greffiers qui a pu se faire entendre par le gouvernement qui s'est mis d'accord pour le doter d’un nouveau statut avec de nouvelles prérogatives, on se demande ce qu’il en est des revendications du corps des inspecteurs du travail. En effet, ce dernier vit une situation  déplorable sur tous les plans à cause de la persistance du gouvernement à faire fi de ses engagements internes et internationaux vis-à-vis des attentes de cet organe étatique. Il y a eu une longue bataille qui remonte au début des  années 90 ayant pour objectif  l’amélioration des conditions de travail et la concrétisation des dispositions des conventions internationales et arabes du travail en la matière. Le processus est couronné par l’inclusion d’un point  relatif à la nécessité de faire bénéficier  le corps inspectoral du travail d’un statut particulier dans le contenu de l’accord du 30/4/2003 issu des rounds du dialogue social, la principale revendication relative au statut n’avait été satisfaite qu'à la mi-2007  par l’adoption de deux décrets, l’un  formant  statut  particulier et l’autre concernant les indemnités de tournée avec beaucoup de contournement. Il est à noter que le ministère de l'Emploi avait  préparé leur forme définitive sans prendre en considération les observations de l’Association marocaine des inspecteurs du travail  et même le fait de se réunir  avec le Bureau de l’AMIT a été sous forme d’audience au lieu de le considérer comme  un vrai partenaire. Lesdits projets ont été confirmés dans un nouveau Conseil de gouvernement à cause de leur  synchronisation avec  l'installation du nouveau gouvernement, chose  qui a prolongé leur adoption  officielle jusqu’au 07.08.2008,  date de la tenue du  Conseil des ministres. Mais cela démontre encore une fois  le non-respect de la continuité du service public. La voie belliqueuse et la contorsion gouvernementale  envers les inspecteurs du travail se sont poursuivies malheureusement par la publication du décret de l’indemnité de tournées sans effet rétroactif et en les soumettant à l’IGR. Une situation  qui aurait pu persister, si les inspecteurs n’étaient pas sur place pour revenir à l'état de tension et de ressentiment à nouveau.
Force est de constater  que le gouvernement s’est trompé,  car au lieu de se focaliser sur l’élaboration d'un statut  particulier motivant  qui représente  le minimum des doléances  légitimes des inspecteurs du travail, il s’est  précipité à ratifier le décret  des frais de tournées  pour faire tromper les composantes du corps de l’inspection du travail, l'opinion publique et les médias (la publication à l’époque d’un tableau d’ indemnités illusoires dites  allouées aux  inspecteurs  du travail  dans le journal L'Economiste)  afin d'embarrasser toute forme de lutte, après la ratification du décret et de mettre en évidence le fait que les revendications des composantes du  corps ont été limitées à l'augmentation  d'indemnisation des tournées,  ce qui est confirmé régulièrement par les déclarations des responsables du ministère de l’Emploi, soit  au Parlement soit dans les réunions locales et internationales. L’on a cessé de répéter que les inspecteurs du travail sont  à la pointe des ressources humaines de la Fonction publique en termes d’indemnisation, sachant  que la tendance qui a prévalu dans l'intérêt du ministère est de payer l’indemnité, qui représente le  recouvrement des coûts de déplacement sous  forme de prime de rentabilité, mais heureusement cela n’a pas abouti, car le ministère n'a pas réussi à convaincre le ministère des Finances. C’est pourquoi il  a opté pour une subdivision du corps en deux cadres, chacun comprenant plusieurs grades sans justification et sans fondement juridique aucun; ce qui allait à l’encontre des prescriptions du décret du 11/11/1996, où les éléments  du corps sont égaux en ce qui concerne le montant de l’indemnité perçue. D’autant que les inspecteurs du travail réalisent  le même nombre de visites d’inspection qui sont d’ailleurs déterminées par le ministère. Par conséquent, il n'y a aucune raison à les différencier tant que l’ indemnité reste forfaitaire et couvre seulement les frais engagés par l’inspecteur du travail, à savoir frais de transport/utilisation de voiture personnelle.
Par ailleurs, concernant le statut actuellement en vigueur,  il est à noter qu’il s’agit d’une simple compilation de textes juridiques en vigueur  régissant le corps des administrateurs, cadres communs et assimilés et ne contient aucune nouveauté, que ce soit sur le plan moral ou matériel qui fait distinguer l’inspecteur du travail du reste des cadres de la Fonction publique comme le stipule  le droit conventionnel international et arabe du travail, eu égard à  l'ampleur et la gravité des responsabilités professionnelles, à savoir l’instauration de la paix sociale au sein de l’entreprise.  Cela impliquerait la protection de l'ordre public, car le dysfonctionnement  au sein de l'entreprise et le déséquilibre du rapport de force entre les employés et les employeurs  peuvent engendrer une tension au sein de la société toute entière, en sus de leur domaine d'intervention qui restent large, structurant et difficile à cerner. Dans cet esprit et à titre de comparaison,  si on jette un aperçu sur  le statut des agents d’autorité et le personnel de sûreté nationale et le projet de statut des greffiers, notre conviction se consolide quant à l‘existence d’un certain nombre de  départements  ministériels qui défendent  vraisemblablement leurs staffs et qui déploient d’énormes efforts pour élaborer des textes bien ficelés en faveur de leurs ressources humaines. Ce constat interpelle à nouveau notre ministère  et l’oblige  à activer le dialogue  sectoriel avec les représentations des inspecteurs  pour parvenir à une révision des dispositions du statut  en respectant les conventions internationales et arabes du travail (81, 129 et la Convention arabe n° 19 sur l'inspection du travail) et  l’accord du 30 avril 2003 en tant que  feuille de route afin de doter le corps inspectoral d’un statut fortifié et motivant. La fortification se traduit par des garanties et des privilèges fonctionnels rendant l’exercice des  fonctions dans une atmosphère détendue, loin des pressions psychologique et professionnelle. La motivation signifie l’octroi d’indemnités équivalentes aux  tâches difficiles confiées à l'inspecteur du travail.
Je tiens à souligner que le statut des greffiers a été publié simultanément  avec le notre  (BO N°. 5646   du 10/07/2008), que le personnel du greffe  a été capable d’imposer l'adoption d'un nouveau projet de statut, ou l'augmentation proposée par exemple  pour un commissaire judiciaire 1er grade,  qui s’élève à 3800,00 DH avec un salaire  mensuel net de 15.536 dirhams, en sus d’une indemnité forfaitaire et allocation spéciale (décret du 29/12/2010 publié au BO N° 5918 en date du 17/02/2011) pour se voir attribuer un salaire mensuel de 20000,00 dh. Là, on peut parler vraiment d’une  motivation réelle et d’un effort inédit engagé par le gouvernement à l’égard de cette catégorie de fonctionnaires qui mérite cette grande première. En contrepartie le ministère de l’Emploi  continue à déclarer que  la situation des inspecteurs du travail est régularisée en leur octroyant  une augmentation au niveau de l’indemnité de tournées qui  ne couvre  au fait que les déplacements et les dépêchements  effectués chaque jour (ouvrable, non ouvrable jour et nuit) par les inspecteurs vers les établissements assujettis à la législation du travail. Il convient donc de repenser le statut existant à travers une approche intégrée tout en y introduisant à mon avis les modifications suivantes:
-  Eriger le poste d’inspecteur général du travail au grade d’inspecteur général du travail avec indices  appropriés comme c'était le cas dans le projet proposé.
- Adoption de nouvelles indemnités, à savoir l’indemnité de risques professionnels et l’indemnité  d'habillement et une indemnité spéciale pour la résolution des conflits du travail comme prévu dans le projet de statut proposé.
- Œuvrer pour  une  protection juridique de l'inspecteur du travail par
 a) la protection  de l’inspecteur du travail contre les menaces, attaques, outrages, injures ou diffamations dont il peut être l’objet à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. L’Etat répare éventuellement et conformément à la réglementation en vigueur, le préjudice causé dans les cas qui ne sont pas réglés par la législation sur les pensions et sur le capital-décès, l’Etat étant subrogé dans les droits et actions de la victime contre l’auteur du préjudice,
b) être reconnu comme officier de police judiciaire eu égard à sa relation  fonctionnelle avec le parquet, et ce en vertu des  dispositions de l'article 16 de la convention arabe du travail n° 19  sur l'inspection du travail.
c) les  procès-verbaux établis  par l’inspecteur du travail à l’encontre des récalcitrants  font foi jusqu’à inscription en faux  comme c'est le cas en droit comparé, par exemple, la loi algérienne de 1990 dans son article 14.
- Modification de l'article 1er du décret N° 403 du 12/02/2005 fixant les conditions sur l’avancement  de grade et de classe  des agents de l'Etat  afin de  permettre aux inspecteurs du travail une promotion exceptionnelle  et donc  les exclure de ses prescriptions, comme c’est prévu pour les greffiers et d'autres catégories de fonctionnaires qui ont été exclus.
- Adoption de programme de formation et de formation continue  pour pouvoir  exercer les fonctions de cadrage et de formation  du personnel et des agents placés sous l’autorité de l’inspecteur du travail.
- Modification de l'article 4 de la Loi sur la Fonction publique dans le sens de reconnaître explicitement l'existence d’un statut particulier du corps de l’inspection du travail.
Le gouvernement qui continue à tourner le dos aux revendications de cet organe ne parvient sans doute pas encore à assimiler que les différents rouages de l’administration du travail sont régis par le droit conventionnel international et arabe du travail, auquel devraient s’adapter les textes  internes par le biais de réformes de grande envergure  où l’objectivité ne doit pas faire défaut loin de toute politique du statu-quo qui ne pourrait qu’aggraver la position de l’Etat marocain devant les instances mondiales et régionales compétentes.

* Membre de l’Association marocaine des inspecteurs du travail (AMIT)


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