Storytelling territorial : Un catalyseur d’engagement


Abderrazak Hamzaoui
Mardi 24 Juin 2025

Storytelling territorial : Un catalyseur d’engagement
Ce n’est plus suffisant aujourd’hui de planifier, de budgétiser, d’exécuter. Le monde n’écoute plus les chiffres, il écoute les récits. Faire du storytelling un levier stratégique, c’est accorder une âme aux actions du PDR, c’est traduire chaque projet, chaque engagement, en une parole qui touche, qui rassemble, qui inspire. L’adhésion ne se mendie pas, elle se mérite par le sens. Valoriser, ce n’est pas montrer ce qu’on a fait, c’est faire sentir pourquoi on l’a fait. Et influencer, ce n’est pas convaincre, c’est éveiller. Chaque action du PDR peut devenir un récit vivant, incarné, qui traverse les silences administratifs et allume des étincelles dans les regards. Le storytelling, c’est la clef qui transforme une politique publique en une promesse partagée.

•     Le storytelling, appliqué au PDR, est un acte politique au sens noble: celui de tisser une conscience collective

Le Plan de Développement Régional (PDR) ne peut plus être perçu comme un simple document technique. C’est un pacte. Une promesse. Une direction incarnée. Et pour qu’il touche et mobilise, il doit d’abord parler en récit vivant. Le storytelling, ici, n’est pas un habillage. C’est un levier stratégique. Une manière d’ancrer les actions dans une intention partagée. Et cela commence par un cadrage narratif lucide et audacieux.

Tout commence par une question simple, presque naïve: Qui voulons-nous devenir? Non pas en pourcentages de croissance, mais en termes d’âme collective. Chaque région porte en elle une histoire – faite de luttes, de générosités, d’exils et de rêves. Définir la vision narrative, c’est aller puiser dans cette mémoire pour y faire émerger les valeurs que l’on veut incarner. Faire de la région un tremplin d’innovation, un laboratoire d’inclusion, un phare de durabilité, et , de l’identité du territoire comme matière vivante une respiration collective. Une boussole.

On ne parle pas de la même manière à un jeune sans emploi, à un élu local, à une entrepreneuse engagée ou à un journaliste. Chaque public a ses langages, ses blessures et ses leviers d’adhésion. Le storytelling stratégique du PDR, pour être juste, doit écouter avant de parler. Il doit savoir à qui il s’adresse, non pour plaire, mais pour résonner. Les citoyens, premiers bénéficiaires, doivent s’y reconnaître.Les jeunes, souvent en marge, doivent y voir une scène possible pour se projeter. Les partenaires et investisseurs, une preuve de cohérence. Les médias, une matière inspirante. Les élus, une ligne claire. Identifier les publics, c’est comprendre que l’impact naît de la précision émotionnelle du récit, et non de sa généralité. Formuler les messages clés du storytelling c’est nommer les grands axes.

Donner des mots aux intentions. Des mots habités, porteurs de cap. Ces messages doivent émerger du réel, s’enraciner dans des exemples, s’incarner dans des projets. Car un récit qui inspire est un récit qui promet et montre. Le storytelling, appliqué au PDR, est donc bien plus qu’un exercice de communication. C’est un acte politique au sens noble: celui de tisser une conscience collective. Une manière d’aligner la stratégie avec le cœur, l’action avec l’intention, le développement avec le sens.

•     Le terrain ne ment pas. C’est là que l’abstrait devient palpable et le storytelling trouve son sang, ses racines, son souffle

Aller là où les voix vibrent encore du vent du quotidien. Là où les mains travaillent, inventent et relèvent. Là où le changement se vit en silence. La deuxième étape du storytelling stratégique du PDR, c’est celle de la collecte des histoires du terrain. Une étape humble et puissante à la fois, car elle donne chair à la vision. Elle transforme la stratégie en visages, en gestes, en destins partagés.

Chaque région est traversée de projets qui brillent, non par leur budget, mais par leur impact profond. Des jardins collectifs qui redonnent dignité. Des écoles rurales qui résistent à l’oubli. Des coopératives de femmes qui transforment l’argile en avenir. Cartographier ces projets, c’est poser un regard neuf sur ce qui compte vraiment.C’est dire: voilà où l’humanité se déploie. Voilà ce que nous devons faire connaître, protéger, amplifier. Ce travail est sensoriel et éthique. Il repose sur une seule question: où bat le cœur du changement ?
Les “héros du changement” n’ont souvent ni titre, ni micro, ni costume. Mais ils font. Ils tiennent. Ils inventent. Ce sont les héroïnes et héros du réel: Une jeune fille qui organise une bibliothèque dans un douar. Un agriculteur qui expérimente des techniques durables. Une enseignante qui transforme sa classe en refuge. Un entrepreneur qui crée des ponts entre tradition et futur. Les sélectionner, c’est leur donner le droit d’être entendus. De devenir porteurs de sens, éclaireurs discrets d’un chemin possible. Car à travers eux, c’est tout un territoire qui se regarde avec fierté.

Cependant, une voix oubliée s’éteint. C’est pourquoi il faudrait un dispositif, une manière organisée et respectueuse de cueillir ces histoires vivantes avec des regards bienveillants. Des témoignages écrits, pour capter la densité des parcours. Des vidéos, pour voir les yeux qui brillent quand on parle de demain. Des photos, pour faire exister ceux qu’on ne regarde pas.

Ce dispositif devrait être mobile, léger, mais ancré, et qui vient honorer et reconnaître. Car au fond, le terrain ne ment pas. C’est là que tout commence. Là que le storytelling trouve son sang, ses racines, son souffle. Et si l’on prend soin de ces récits, si l’on tend vraiment l’oreille, alors le territoire parlera de lui-même comme une communauté qui grandit, histoire après histoire.

•     Une région qui se raconte est une région qui s’élève

Il faudrait donner forme aux récits, les faire exister, leur prêter des habits de lumière pour qu’ils résonnent. La production de contenus narratifs, c’est cette troisième étape décisive où l’histoire singulière devient bien commun. Ici, la stratégie rencontre la poésie, la technique s’unit à l’âme. Et le territoire, enfin, se raconte avec force.

Créer des formats variés : portraits écrits, capsules vidéo, mini-documentaires, podcasts
Chaque histoire a son propre rythme. Certaines se murmurent dans le creux d’un texte, d’autres s’élèvent dans l’éclat d’une image ou le souffle d’une voix. Il faudrait écouter ce que l’histoire demande. Un portrait écrit, c’est la lenteur du regard. Un style sobre, une plume qui sait s’effacer devant la vérité d’un parcours. Une capsule vidéo, c’est l’intensité du réel. Une minute, peut-être, mais qui frappe, qui touche, qui reste. Un mini-documentaire, c’est la générosité du temps. On s’installe. On découvre. On apprend. Un podcast, c’est l’intimité d’une voix dans l’oreille. Créer ces formats, c’est ouvrir une scène plurielle, où chaque récit peut prendre la forme qui lui sied, sans forcer, sans trahir.

Un territoire qui avance, c’est un territoire qui se souvient. Qui sait dire : voilà ce que nous avons vécu, voilà qui nous sommes devenus. Monter un recueil, c’est créer un lieu de mémoire vivante. Un espace tangible, consultable, partageable pour circuler librement dans les réseaux. Ce recueil, c’est une archive sensible, un miroir tendre. Où chacun, un jour, pourra se relire et se dire : J’y étais. J’ai compté.
 
•     Un territoire qui sait diffuser ses récits, c’est un territoire qui maîtrise son image, inspire ses habitants, et engage ses partenaires

A quoi bon raconter si personne n’écoute? A quoi bon récolter des récits si on les enferme dans un tiroir? Le storytelling, pour déployer sa force, a besoin d’un terrain d’écho, d’un souffle public, d’un espace partagé. C’est là qu’interviennent la diffusion et la valorisation: cette dernière étape, celle qui fait du récit un levier d’action, du témoignage une matière politique, de l’histoire une voie d’engagement collectif.

Intégrer les récits dans les supports du PDR (rapports, bilans, présentations, dossiers presse). Chaque ligne stratégique, chaque chiffre, chaque axe du PDR mérite une âme. Trop souvent, les documents institutionnels parlent un langage figé. Mais s’ils étaient traversés par des visages, des phrases vécues, des exemples sensibles? Intégrer les récits, c’est réconcilier le fond et la vie. Dans un rapport, on peut glisser l’histoire d’une agricultrice qui, grâce à un appui, a transformé son champ en projet collectif. Dans un bilan, on peut faire apparaître les voix des bénéficiaires, leurs doutes, leurs espoirs, leurs regards sur le changement. Dans un dossier de presse, on peut ouvrir avec un témoignage, une parole vibrante, qui dit mieux que toute statistique la réalité du terrain. Ainsi, le PDR ne parle plus seulement de développement. Il devient le développement raconté par celles et ceux qui le vivent.

Organiser des événements narratifs (expos photo, soirées témoignages, cafés du PDR…). Le récit a besoin de scène. De lieux de chaleur où il puisse se partager, se murmurer, se célébrer. Organiser des événements narratifs, c’est ouvrir des espaces de rencontre, là où l’administration dialogue avec la vie. Une exposition photo, dans un marché ou une médiathèque, pour montrer les visages du changement. Sur un site dédié, on propose des parcours interactifs, des cartes vivantes, des portraits ancrés. Avec un web documentaire, on crée une expérience immersive, où l’on peut entendre, voir, ressentir. La narration numérique n’est pas secondaire. Elle est le théâtre contemporain du storytelling territorial.

C’est là que les jeunes écoutent, que les partenaires découvrent, que les citoyens s’approprient. Car un territoire qui sait diffuser ses récits, c’est un territoire qui maîtrise son image, inspire ses habitants, et engage ses partenaires. Il ne parle pas fort. Il parle juste. Et dans ce murmure stratégique, porté par les voix du terrain, naît une légitimité nouvelle: celle d’un développement qui ne se raconte plus d’en haut, mais par et pour ceux qui le font vivre, chaque jour.

Par Abderrazak Hamzaoui
Email : hamzaoui@hama-co.net
www.hama-co.net
1Programme de développement régional


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