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Accorder la parole aux chercheurs en sociologie, c’est permettre aux observateurs avertis de se prononcer publiquement sur des faits de société. Une nécessité incontournable pour édifier une relation plutôt équilibrée entre médias et sociologues.
Driss Senhaji est professeur de sociologie à la Faculté Dhar Mehraz à Fès. Il fait partie de cette nouvelle génération pour qui la sociologie permet d’abord cette dialectique entre théorie et pratique, incontournable pour la compréhension des faits et changements de la réalité. Entretien
Libé – Comment évaluez-vous aujourd’hui les mutations et clivages que connaît la société marocaine ?
Driss Senhaji : Nous vivons à l’ère de la mondialisation, de la libéralisation de l’économie et du commerce, de la révolution des médias et télécommunications, de la tendance vers un terrorisme mondial d’aspect religieux, etc. Ce sont, à mon avis, les faits déterminants des différentes politiques des pays, et par conséquent influencent leurs mutations. Donc, les mutations de la société marocaine sont relativement normales, et s’inscrivent dans ce cadre général des mutations à l’échelle internationale, avec des variations entre les différents pays à des degrés différents. Or, le contrôle, voire la manipulation de ces mutations, leur exploitation pour de bons résultats et plus de développement dépendent du niveau de démocratie prévalant dans chaque pays. En plus, nous sommes démocrates à chaque fois que nous avons la possibilité de surmonter les problèmes des mutations et clivages…
Que signifient pour vous les grands mouvements sociaux au rythme desquels vit le pays ?
Les grands mouvements sociaux marocains résultent des changements socioéconomiques et culturels du pays. Ce sont des réactions contre l’échec des politiques publiques, surtout dans les secteurs sociaux : santé, enseignement, habitat et emploi. Tant que l’Etat n’a pas pallié les difficultés liées à ces secteurs, et principalement le problème du chômage, ces mouvements demeurent et prolifèrent…. A chaque fois que des manifestations, des protestations et des conflits apparaissent, ils risquent de causer des fissures sinon des traumatismes…
Sommes-nous dans une société qui va à la rencontre des principes d’«égalité des genres», de «liberté de culte» ou de «démocratie participative» ?
La démocratie participative répond aujourd’hui aux problèmes de la démocratie représentative, malheureusement encore déconsidérée chez nous. Mais on pourra accéder à une démocratie participative formelle avant d’aboutir à l’égalité des sexes, et d’aller vers une liberté de culte.
On évoque constitutionnellement la démocratie participative, sans avoir bien assimilé la démocratie représentative. Qu’en pensez-vous ?
Comme je viens de le dire, nous n’avons pas encore bien appliqué ni assimilé la démocratie représentative. Mais suivant notre culture et notre régime politique fondé sur la monarchie, nous n’aurons aucun souci d’évoquer constitutionnellement la démocratie participative. Le problème serait son application et sa mise en œuvre…
L’on reproche au champ médiatique d’être trop «contrôlé» que ce soit au niveau des médias publics ou privés. Quelle est votre appréciation ?
La liberté c’est la base de toute création, que ce soit dans le champ médiatique ou autres. Le contrôle, s’il est obligatoire, c’est juste pour protéger et respecter la vie privée des gens. Mais, l’on constate que les autorités ne supportent que rarement la liberté des médias. C’est pourquoi l’on tend généralement à domestiquer les médias, à les manipuler, voire à les museler pour assurer une image forte du pouvoir…
Le sociologue analyse et diagnostique, mais il peut éventuellement proposer… Des suggestions dans ce sens ?
C’est une problématique permanente chez nous, sociologues. Depuis la sociologie classique, l’intervention sociologique posait problème. Sans doute l’objectif principal de la sociologie, comme activité scientifique, c’est de construire et de produire des connaissances scientifiques. Mais comment et à quel point le sociologue contribue-t-il aux réformes politiques ou socioéconomiques? C’est un vrai débat. Dernièrement (30 mars 2018), nous avons organisé dans le département de sociologie à la Faculté des lettres et des sciences humaines Dhar El Mahraz Fès une journée d’étude sur cette problématique. La majorité des intervenants ont souligné que le problème persiste et que la recherche fondamentale reste, à mon avis, le travail principal du sociologue. Mais on a également les partisans de l’interventionnisme et quelques praticiens qui se présentent comme des experts …
En général, le sociologue doit premièrement assurer sa fonction en tant qu’enseignant-chercheur, parce qu’il y a des différences entre la fonction administrative et institutionnelle du chercheur en sociologie et les exigences fonctionnelles du métier de sociologue; et en deuxième lieu, il doit assumer sa responsabilité envers la société par son engagement et sa contribution aux débats de société tels que le champ médiatique, la démocratie, la liberté de culte, l’égalité des sexes, les inégalités sociales… Le sociologue, à cet égard, ne peut être utile et efficace que par ses contributions scientifiques, et surtout les études de terrain, et par la distinction entre ce que Max Weber appelait : “l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction”.
Driss Senhaji est professeur de sociologie à la Faculté Dhar Mehraz à Fès. Il fait partie de cette nouvelle génération pour qui la sociologie permet d’abord cette dialectique entre théorie et pratique, incontournable pour la compréhension des faits et changements de la réalité. Entretien
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Les grands mouvements sociaux marocains résultent des changements socioéconomiques et culturels du pays. Ce sont des réactions contre l’échec des politiques publiques, surtout dans les secteurs sociaux : santé, enseignement, habitat et emploi. Tant que l’Etat n’a pas pallié les difficultés liées à ces secteurs, et principalement le problème du chômage, ces mouvements demeurent et prolifèrent…. A chaque fois que des manifestations, des protestations et des conflits apparaissent, ils risquent de causer des fissures sinon des traumatismes…
Sommes-nous dans une société qui va à la rencontre des principes d’«égalité des genres», de «liberté de culte» ou de «démocratie participative» ?
La démocratie participative répond aujourd’hui aux problèmes de la démocratie représentative, malheureusement encore déconsidérée chez nous. Mais on pourra accéder à une démocratie participative formelle avant d’aboutir à l’égalité des sexes, et d’aller vers une liberté de culte.
On évoque constitutionnellement la démocratie participative, sans avoir bien assimilé la démocratie représentative. Qu’en pensez-vous ?
Comme je viens de le dire, nous n’avons pas encore bien appliqué ni assimilé la démocratie représentative. Mais suivant notre culture et notre régime politique fondé sur la monarchie, nous n’aurons aucun souci d’évoquer constitutionnellement la démocratie participative. Le problème serait son application et sa mise en œuvre…
L’on reproche au champ médiatique d’être trop «contrôlé» que ce soit au niveau des médias publics ou privés. Quelle est votre appréciation ?
La liberté c’est la base de toute création, que ce soit dans le champ médiatique ou autres. Le contrôle, s’il est obligatoire, c’est juste pour protéger et respecter la vie privée des gens. Mais, l’on constate que les autorités ne supportent que rarement la liberté des médias. C’est pourquoi l’on tend généralement à domestiquer les médias, à les manipuler, voire à les museler pour assurer une image forte du pouvoir…
Le sociologue analyse et diagnostique, mais il peut éventuellement proposer… Des suggestions dans ce sens ?
C’est une problématique permanente chez nous, sociologues. Depuis la sociologie classique, l’intervention sociologique posait problème. Sans doute l’objectif principal de la sociologie, comme activité scientifique, c’est de construire et de produire des connaissances scientifiques. Mais comment et à quel point le sociologue contribue-t-il aux réformes politiques ou socioéconomiques? C’est un vrai débat. Dernièrement (30 mars 2018), nous avons organisé dans le département de sociologie à la Faculté des lettres et des sciences humaines Dhar El Mahraz Fès une journée d’étude sur cette problématique. La majorité des intervenants ont souligné que le problème persiste et que la recherche fondamentale reste, à mon avis, le travail principal du sociologue. Mais on a également les partisans de l’interventionnisme et quelques praticiens qui se présentent comme des experts …
En général, le sociologue doit premièrement assurer sa fonction en tant qu’enseignant-chercheur, parce qu’il y a des différences entre la fonction administrative et institutionnelle du chercheur en sociologie et les exigences fonctionnelles du métier de sociologue; et en deuxième lieu, il doit assumer sa responsabilité envers la société par son engagement et sa contribution aux débats de société tels que le champ médiatique, la démocratie, la liberté de culte, l’égalité des sexes, les inégalités sociales… Le sociologue, à cet égard, ne peut être utile et efficace que par ses contributions scientifiques, et surtout les études de terrain, et par la distinction entre ce que Max Weber appelait : “l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction”.